Algérie

L'islam traditionnel mis à mal par les chouyoukh 2.0



L'islam traditionnel mis à mal par les chouyoukh 2.0
Comment créer un islam national, respectueux de l'histoire et des traditions du pays, lorsque des questions du monde intime sont réglées, non pas par l'imam du quartier, mais par un cheikh se trouvant à l'autre bout du monde ' C'est la problématique à laquelle est confronté le ministère des Affaires religieuses.Qu'ils semblent loin les temps où les imams avaient valeur d'autorité incontestée ! Si certains tendent à croire que seul l'islam traditionnel pourrait être un rempart contre le développement de la doctrine wahhabite, les constats opérés sur le terrain démontrent à quel point l'islam de nos ancêtres est disqualifié aux yeux des fidèles de la génération 2.0.Le fait est que l'essentiel de la formation des vieux sages reposait sur la mémorisation, et les références traditionnelles sont réduites (essentiellement Ibn Achir et El Kaâwani. «Aujourd'hui, le fidèle lui-même apporte des questions et des références que l'imam ne connaît pas. Nous avons désormais affaire à des gens qui en savent long sur la religion, car ils se documentent (?).Quand on revient aux années 80', nous avions quelques années d'indépendance et de démocratisation de l'écrit, nous avions créé une esthétique de la réception différente. C'est ce qui va disqualifier les vieux chouyoukh», explique Abderrahmane Moussaoui, anthropologue, lors d'une conférence sur le salafisme au Maghreb organisée par l'Inseg. Il ajoute : «Les nouveaux fidèles se sont ouverts à un champ plus large qui va provoquer des référents qu'ils ne comprennent pas. Il y a des gens qui vont faire des études, qui connaissent le Coran et plusieurs références, des citations d'auteurs anglais ou allemands.»Très connectée, la nouvelle génération de fidèles surfe sur le Net pour muscler sa foi. Les chouyoukh du Net y gagnent ainsi en notoriété, concurrençant l'imam du quartier. «Les fatwas du monde intime et ce qui est de l'ordre du privé, ce n'est pas l'imam d'à côté qui les prononce, mais un autre établi à des milliers de kilomètres», fait remarquer Abderrahmane Moussaoui.Le fait est, par ailleurs, que les critères qui définissent l'imam aujourd'hui ne sont pas ceux traditionnellement connus. La génération y a d'autres potentialités, comme la maîtrise des langues et celle des outils de communication. Le charme des imams tient aussi dans leur voix, décortique Moussaoui. Leur maîtrise de la langue fait qu'ils ne supportent pas les fautes de Coran ou les erreurs grammaticales. «Il y a une démocratisation de l'enseignement religieux qui a créé l'esthétique de réception. Ils sont devenus exigeants».Absence d'autoritéLes quelques imams salafistes qui détiennent des blogs en Algérie, pour être reconnus, mettent en ligne des échanges avec les stars de la salafya comme autant de labels. Abderrahmane Moussaoui souligne que les pouvoirs publics algériens y voient de sérieux concurrents et les principaux obstacles à créer un islam national respectueux de l'histoire et des traditions du pays en harmonie avec des intérêts et les ambitions politiques. L'absence d'autorité de l'Etat sur ses imams est problématique, mettant en péril la souveraineté du pays. «Les khotbate (prêches) qui sont faites en Algérie sont parfois corroborées de l'extérieur, là ça pose problème», met en garde Abderrahmane Moussaoui.Et de poursuivre : «Pour ces gens-là, ce pouvoir-là est obsolète. Ils ne le reconnaissent pas. Dans certains cas, des imams, employés du ministère des Affaires religieuses, appellent des salafistes étrangers pour savoir s'ils ont le droit de faire telle khotba édictée par le ministère.» A cela s'ajoutent des facteurs liés au marasme géopolitique actuel et à un sentiment d'humiliation qu'une partie de la population impute au monde occidental. «Il y a un sentiment de dépossession, diagnostique Abderrahmane Moussaoui. Il ne lui reste que cette identité».Si les confréries ont été un creuset du terroir, elles ont perdu du terrain au lendemain de l'indépendance. «Tout ce qui faisait référence à la tradition était archaïque, il a été dévalorisé, explique encore Abderrahmane Moussaoui. Il y a aussi des politiques qui ont failli. L'histoire qui avance, la génération 2.0 ne peut pas revenir à la zaouïa. Il y a des réalités qui changent».




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