La récupération du quartier de Baba Amr par les forces loyalistes n'est certes pas négligeable en terme de symbolique. C'est là que les insurgés armés ont trouvé refuge auprès d'une population pauvre et qui semblait leur être acquise en majorité. Le quartier, par les pilonnages incessants auxquels il était soumis sans discernement pendant un mois, a désormais intégré le martyrologue de la résistance urbaine en Syrie, ravivant le souvenir de la ville devancière de Hama en 1982. Baba Amr comme Hama sont des localités porteuses d'enseignements. Leur destruction, sans souci pour les vies humaines, représente à la fois une signature et un message clair. Le régime baathiste de Damas, dans sa continuité dynastique, avertit que les soulèvements, quelle que soit leur ampleur, seront impitoyablement réprimés dans le sang.Pour autant, on ne peut dire que le pouvoir syrien n'a pas été ébranlé dans ses fondements pendant une année pleine qui a vu le feu se propager à une vitesse foudroyante. Les temps étaient mûrs, dans le sillage du «Printemps arabe», pour une bonne partie de la Syrie traditionnellement opposée à la dictature des Hafez père et fils, de prendre à son tour le train de la révolution. Dans les faits, les dirigeants syriens ne doivent leur salut qu'à deux facteurs d'ordre géostratégique, essentiellement. Deux seulement, mais d'une importance capitale. D'abord, le pays est au c?ur d'une zone de tempêtes qui peuvent être très violentes.Hezbollah et alliés chrétiens du Liban, soutien fort et infaillible de l'ami iranien casse-tête des pays occidentaux avec son programme nucléaire, veto russe et chinois au Conseil de sécurité de l'ONU, difficulté de l'opposition à s'unir et forte présence islamiste dans ses rangs sont, entre autres, des éléments qui amènent à réfléchir sérieusement avant de se positionner sur la Syrie et ce qu'elle vit comme événements.Bachar al-Assad, sous la pression des événements, a certes voulu donner un début de concrétisation à ses promesses de réformes, réformes sur lesquelles il s'était pourtant engagé dès qu'il avait pris la succession de son père en 2000. Tardivement, très tardivement et dans un contexte de guerre, il a fait approuver le 26 février dernier une réforme de la constitution qui met fin à la suprématie du parti Baath et ouvre la voie au pluralisme politique. Reste à savoir s'il pourra réellement libérer ses mains de l'emprise des «Moukhabarate» et des clans baathistes. De plus, dans la foulée du référendum constitutionnel, il n'a pris aucune nouvelle initiative, forte et crédible, susceptible de déboucher sur un arrêt, fut-il momentané, des hostilités armées.L'opposition, quant à elle, dans ses deux composantes militaire et politique, est loin de présenter un front uni. Au contraire, la terrible répression qui s'est abattue sur Homs, principalement, a laissé éclater au grand jour des divergences, parfois graves, sur les voies et moyens de mettre fin au régime. Une intervention militaire extérieure, souhaitée et demandée par une grande partie des combattants de l'intérieur, est actuellement la principale source de dissension au sein du CNS (Conseil national syrien), fondé à Istanbul en octobre 2011. L'ambiguïté des rapports entre l'intérieur et l'extérieur a d'ailleurs accompagné la naissance du CNS, dont le président, l'intellectuel Burhan Ghalioun, a mis du temps à se déterminer sur les aspects et l'organisation militaires du soulèvement. Dans un premier temps pour une insurrection pacifique et très prudent par rapport à des actions armées, il finit par découvrir que le mouvement s'était fortement militarisé avec un embryon de commandement structuré. En gagnant en extension et en s'installant dans la durée, l'insurrection a naturellement donné naissance à une Armée syrienne libre (ALS). Avec l'apport des déserteurs de l'armée régulière et la disponibilité de groupes prêts à s'enrôler, une armée de l'intérieur s'est donc imposée avec laquelle le CNS est obligé de compter. Avec retard, Burhan Ghalioun a annoncé le 1er mars dernier la création, au sein du CNS, d'un bureau militaire qui serait composé de civils et d'officiers, dans le but de prendre en charge les questions de logistique et d'approvisionnement en armes. Il n'en a pas fallu plus pour provoquer une véritable levée de boucliers d'autres membres de l'instance de l'opposition et une fronde menée par des officiers déserteurs de haut rang. D'un côté comme de l'autre, on le voit, il n'y a pas de clarté dans les intentions. Opposition et pouvoir donnent l'impression de s'éloigner un peu plus, chaque jour qui passe, d'une solution négociée. Les Occidentaux, un moment tentés par une intervention militaire, se sont ravisés après évaluation des risques et dangers. Dans de pareilles conditions, les scénarios qui se profilent sont toujours ceux du pire : un enlisement, une entrée massive des armes, une présence en force de groupes islamistes prêts au martyr, et le pas est vite franchi. La Syrie échappera- t- elle à l'irakisation '
A. S.
Burhan Ghalioun, la plongée dans le marais politique
Brillant intellectuel sorbonnard, Burhan Ghalioun se retrouve face à une tâche d'une immense complexité. Plébiscité en août 2001 pour prendre la tête du Conseil national syrien dont il est membre dès sa création en octobre de la même année, le professeur de sociologie politique à l'Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 devra en effet concilier entre islamistes et libéraux, militaires et politiques, partisans d'une intervention armée étrangère et adversaires de l'ingérence extérieure?Exilé en France de longue date, Burhan Ghalioun, 67 ans, est connu pour ses travaux sur le nationalisme arabe. Ses livres sont une référence pour les questions sociologiques et politiques du monde islamique. Lui-même s'est longtemps réclamé de la gauche nationaliste arabe et c'est sans doute en cette qualité qu'il a émergé, en tant que représentant du groupe des libéraux, comme personnalité consensuelle pour les différentes tendances du Conseil national syrien. Mais les dernières évolutions, en particulier une apparition prématurée de contradictions sérieuses au sein du CNS indiquent que le pari n'est pas encore gagné. Homme des engagements sincères et n'ignorant rien des difficultés qu'il allait inévitablement rencontrer, il persévère néanmoins dans ses efforts pour maintenir une cohésion à l'intérieur de la représentation de l'opposition syrienne.
A. S.
Le soulèvement a 1 an
15 mars : Début des manifestations, notamment à Derâa.
23 mars : Plusieurs dizaines de manifestants sont tués à Derâa.
25 mars : Plusieurs autres villes du pays sont gagnées par les manifestations. Le gouvernement de Bachar Al-Assad annonce qu'il mettra en ?uvre des réformes politiques.
14 avril : Un nouveau gouvernement est formé. Adel Safar succède à Naji Otri au poste de Premier ministre. Bachar Al-Assad décide la libération de toutes les personnes arrêtées depuis le début du mouvement.
19 avril : Bachar al-Assad lève l'état d'urgence, en vigueur depuis 1963.
1er août : Riyad al-Assaad, un colonel déserteur, fonde l'Armée syrienne libre (ASL), pour lutter contre les forces du régime.
23 août : Des opposants créent un «Conseil national» à Istanbul pour coordonner la lutte contre le régime.
4 octobre : Veto de la Russie et de la Chine à une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU condamnant la répression et menaçant le régime syrien de «mesures ciblées».
12 novembre : La Ligue arabe suspend la Syrie et appelle au retrait des ambassadeurs à Damas jusqu'à l'application du plan.
29 novembre : L'Armée syrienne libre reconnaît l'autorité du Conseil national syrien.
22 décembre : Des observateurs de la Ligue arabe arrivent dans le pays.
2012
10 janvier : Bachar al-Assad annonce un référendum sur une nouvelle Constitution en mars.
28 janvier : La Ligue arabe suspend sa mission d'observation en raison de «la recrudescence des violences» contre les civils.
11 février : Le chef d'al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, annonce dans une vidéo son soutien à l'opposition syrienne.
26 février : La nouvelle Constitution proposée par le pouvoir est approuvée par référendum avec 89,4% de «oui» et 57,4% de participation, selon le gouvernement.
1er mars : L'armée syrienne contrôle la totalité de Baba Amr, principal foyer de l'opposition armée à Homs. Le chef de l'Armée syrienne libre (ASL), le colonel Riad Al-Assaad parle d'un retrait «tactique» de ses combattants à Baba Amr «par souci pour les vies des civils restants».
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Posté Le : 05/03/2012
Posté par : archives
Ecrit par : A Samil
Source : www.latribune-online.com