L'IRAK ET LE SERPENT FANTASMAGORIQUE

Les plus de cent morts et le millier de blessés de ces dernières heures confirment que la plaie béante irakienne reste ouverte et n'est pas près de se refermer. Pour respecter la nouvelle culture des explosions sociales du moment, au déclic d'un appel dans les réseaux sociaux, la population baghdadie est sortie dans la rue pour réclamer une justice et une équité conformes aux multiples sacrifices consentis jusqu'ici. Il semble, pour le moment, que les protestations n'ont aucune senteur religieuse et aucun lien avec les tiraillements entre chiites et sunnites. Bien que les regards se soient tournés vers le leader chiite Moqtada Sadr, les manifestants ont axé leur colère contre la vie chère, le chômage et la corruption sans pour autant afficher le moindre indice sur un quelconque relent religieux.Les couleurs et les tonalités des colères seraient évidemment secondaires car elles se présenteraient en superficiels et aléatoires prétextes et en attributs primaires que la nature humaine, de guerre lasse, s'offre pour se conformer au suicide. Fait notable à Baghdad, comme à Tunis, un jeune marchand ambulant s'est immolé parce qu'on avait réquisitionné la charrette de son gagne-pain.
Le printemps arabe a tout l'air ainsi de perdurer et les populations du Moyen-Orient comme celles du Maghreb notifient à tour de rôle que les phases des soulèvements ont encore des jours noirs devant elles. Au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Egypte, en Jordanie, les feux ne s'éteignent pas et à des degrés divers les chocs entre les pouvoirs et les habitants provoquent ici et là de mortelles pétaudières se moquant des frontières comme si quelques forces avaient décidé en sourdine de les retracer.
Ce tsunami d'un nouveau genre relève de toute évidence du déploiement d'un fantasmagorique serpent économique. Renforcé par les attributs du caméléon, il a la maîtrise de la confusion du social et du politique. Il est en passe de trôner là où l'imbécilité et la cupidité des prévôts s'érigeant en faux apôtres sont les plus fortes.