Ramadhan,
canicule : le mois d'août sera difficile. Il risque d'être plus chaud et plus
difficile que la rentrée sociale.
Il arrive. Il
débarque avec toute sa cour. Au grand complet. Avec lui débarquent les
augmentations des prix des fruits et légumes, de la viande, du poulet, et
d'autres produits mystérieux dont on ignore l'utilité. Et tout le monde se pose
déjà cette question cruciale, qui fera valser les bourses de Tokyo et New-York:
quel sera le produit vedette du Ramadhan 2010 ? Est-ce que ce sera l'ail, dont
le prix a déjà atteint les sommets en temps normal, ou est-ce que ce sera la
salade ? Ne risque-t-on pas une pénurie de lait, dont la subvention est devenue
ingérable ?
Avec le Ramadhan
débarque aussi ce phénomène cyclique propre à l'Algérie, une sorte de vacance
du pouvoir dont le pays a le secret. Les administrations se vident, le pays
fonctionne au ralenti, mais tout le monde y trouve son compte, en premier lieu
un gouvernement qui trouve dans la frénésie du Ramadhan un formidable dérivatif
à ses erreurs.
Le Ramadhan
s'annonce aussi par d'autres signes. Comme ce regain de religiosité, qui frise
souvent la bigoterie. On parle de taraouih plus que de football, on oublie les
plages malgré l'été, et on entre dans de drôles de vacances, durant lesquelles
on ne peut ni voyager, ni faire d'effort, encore moins faire la fête. Avec le
Ramadhan, les vacances ont d'ailleurs tendance à se déplacer : juillet est,
cette année, le mois de congé de ceux qui sont vraiment partis en vacances,
alors qu'au mois d'août, ce sont les pères de famille qui aspirent à passer un
Ramadhan chez eux qui seront en congé. On ne parle pas des mères de famille:
elles seront dans la cuisine, pendant les vacances comme pendant le Ramadhan.
2010 sera une
année bénie, car on a même droit à la polémique traditionnelle du Ramadhan.
Elle concerne, cette fois-ci, la viande importée de l'Inde, ces pays où la
vache est animal sacré. Peut-on consommer de la viande sacrée pendant un mois
sacré ? Et, plus simplement, comment fait-on pour importer de la viande en
provenance d'un pays dont la population est aussi mal nourrie ? Est-ce halal
d'affamer ces gens pour satisfaire notre appétit ? Des questions qui demandent
un trop grand effort de réflexion, incompatible avec le Ramadhan.
Les rituels du
Ramadhan sont connus, et admis. Y compris les mensonges et les promesses non
tenues. Que de ministres ont promis une maîtrise des prix cette année, que de
hauts responsables ont juré que les Algériens à revenu modeste ne seront pas
lésés ! Seule consolation pour les auteurs de toutes ces promesses : personne
ne les a crus, et personne ne leur en tiendra rigueur.
Pour 2010, on va
tout de même assister à un petit changement dans le rituel. Cette honte que
constitue le couffin du Ramadhan changera d'apparence. On parlera de chèque du
Ramadhan. Comment le gérer et en assurer la distribution ? Le revenu ne sera
pas le seul critère. Relations, réseaux, copinage et autre formules de
passe-droits feront leurs preuves encore une fois comme élément central dans la
redistribution du revenu dans le pays.
Mais le chèque du Ramadhan ne sera qu'un
sujet de discussion parmi tant d'autres. Car très rapidement, le Ramadhan
imposera de nouveau ses thèmes inévitables. Les journaux parleront abondamment
de la flambée des prix, même si les prix baissent ; un imam et un ancien
officier supérieur viendront parler de la bataille de Badr à la télévision, et
d'autres spécialistes évoqueront les bienfaits du jeûne. Un sportif de haut
niveau expliquera comment la volonté et la foi compenseront l'absence
d'alimentation chez les sportifs.
On glissera
ensuite vers les dépenses de l'Aïd, qui vont se confondre, cette année, avec
celles de la rentrée. Deux écoles vont alors s'affronter. La première va se
lamenter sur le sort des familles pauvres qui devront faire beaucoup de
sacrifices pour faire face à toutes ces dépenses en même temps. La seconde
affirmera, au contraire, que les dépenses de l'Aïd et de la rentrée vont
partiellement se confondre, ce qui permettra d'alléger la facture pour les
familles à revenu modeste. La polémique promet d'être épique.Autre face, moins
drôle, du Ramadhan : des illuminés croient que c'est le mois idéal pour
commettre le plus de meurtres possible, au nom du jihad. L'effet cumulé de la
chaleur et du jeûne risque d'augmenter leur folie meurtrière. Ils tenteront
donc d'améliorer leur bilan dans ce domaine pendant ce moyen de symboles. Mais
ils ne peuvent rien changer. L'Algérie ne sortira pas de sa torpeur, ni pour
protester contre un attentat, ni pour défendre la démocratie, ni pour réclamer
une amélioration des conditions de vie.
Et ça, ce n'est pas l'effet du Ramadhan.
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Posté Le : 05/08/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com