Algérie

L'introduction de l'Islam en Algérie



La première grande invasion arabe se produit en Algérie à la fin du vite siècle et l'islamisation commence dès le début du siècle suivant. Le flot musulman déferle sur toute l'Afrique du Nord, souvent à la suite d'appels qui en viennent. L'Algérie musulmane n'a pas d'existence propre. Elle se trouve influencée et dominée par des États qui se fondent soit à l'Ouest, soit à l'Est, soit en Espagne Ommeyades de Cordoue, Fatimides de Kairouan, Almoravides, Almohades.

La nomenclature géographique enregistre elle-même ce fait. Elle ne comporte que deux noms : l'Ifrigya et le Maghreb. Dans le premier, qui désigne la Tunisie et la partie orientale de l'Algérie, on retrouve l'ancien nom de la province romaine d'Afrique. Le second désigne les pays d'occident, que l'on divise en Maghreb central (départements actuels d'Alger et d'Oran) et Maghreb extrême (Maroc).

Il se constitue cependant, à différentes époques, des royaumes algériens, en ce sens que leur territoire est situé dans les limites de l'Algérie actuelle; mais ils sont très loin d'englober toute celle-ci. Leur existence est souvent menacée par les puissants voisins de l'Est et de l'Ouest.

Les invasions, puis les guerres, avec les mouvements de population et l'insécurité qu'elles entraînent, aboutissent à un état d'instabilité qui provoque un affaiblissement indéniable du pays et une diminution de ses ressources. Aussi, au XVIème siècle, quand la « Reconquista » espagnole met en péril les destinées africaines, les villes et les petits États algériens se trouvent incapables de lutter seuls contre les chrétiens. C'est ainsi qu'Alger appelle les frères Barberousse. La domination turque, bien vite exécrée, amène entre l'élément berbère et l'élément arabe une fusion plus complète que par le passé.

Comme les Romains, les Arabes semblent avoir éprouvé quelque hésitation à pénétrer en Afrique du Nord. Omar, le second Khalife, le grand conquérant et organisateur musulman, vainqueur des Byzantins et des Persans, s'opposa jusqu'à sa mort (644) à ce que la Tripolitaine fût dépassée vers l'Ouest.

Sous son successeur Othman, qui avait levé l'interdiction, le gouverneur de l'Égypte lança les premières reconnaissances contre l'Ifriqya. Elles se heurtèrent seulement aux Byzantins, les Berbères ne prenant pas part à la lutte, et aboutirent à la victoire des Arabes, près de Sufetula (647) : dans la bataille, le Patrice Grégoire fut tué; mais les Arabes ne s'installèrent pas dans le pays.

Ils y revinrent dix-sept ans plus tard, appelés par le successeur du Patrice Grégoire en lutte avec un compétiteur. Ils n'atteignirent pas encore les régions algériennes d'aujourd'hui, pas plus qu'au cours de la troisième expédition dans laquelle Oqba ben Nafi se heurta pour la première fois à la résistance des Berbères : du moins le futur conquérant laissa-t-il une trace matérielle de son passage e n fondant Kairouan.

Abou'l Mohajir, qui succéda à ce moment à Oqba dans la direction des opérations militaires en Afrique du Nord, â trouva encore devant lui les Berbères appelés aux armes par l'un d'entfe eux, Kossayla, qui se convertit à l'islamisme et apostasia plusieurs fois, et fut battu près de Tlemcen.

Peu après (681) se produisit à travers le Maghreb la grande chevauchée héroïque d'Ogba, rappelé au commandement par un nouveau Khalife. Les poètes et les chroniqueurs ont embelli cette glorieuse et légendaire expédition :' elle mena Oqba, après plusieurs victoires sur les Berbères, à Ceuta, d'abord, que lui livra le gouverneur byzantin, puis jusqu'à l'Atlantique dans le Sous.

Pour rentrer à Kairouan, le conquérant divisa son armée en deux fractions. Kossayla,, dont Oqba avait fait son prisonnier, réussit à recouvrer sa liberté. Il réunit les Berbères, les Byzantins, gagna les montagnards de l'Aurès Tous se jetèrent sur Oqba, qui fut battu et tué à Tehouda (près de Biskra). Kossayla entra à Kairouan, d'où il fut chassé par une nouvelle armée arabe (688).

La bataille de Tehouda avait montré que Berbères et Byzantins unis pouvaient être redoutables. Il importait d'en finir au plus vite avec l'un de ces deux adversaires, Les Arabes s'attaquèrent d'abord aux Byzantins. En 697, Hassan ben en Noman, à la tête d'une armée importante, s'empare de Carthage; les Byzantins de Constantinople sentent le danger et reprennent la ville. Succès sans lendemain : l'année suivante Carthage tombait de nouveau aux mains des Arabes. C'était la fin de la domination byzantine en Afrique du Nord.

Contre les Berbères, la lutte fut plus longue et plus difficile. Ses épisodes sont mal connus, et on se trouve surtout en présence de légendes. La plus célèbre est celle de la Kahina, prophétesse qui commandait aux tribus de l'Aurès; elle est présentée comme juive; ce qui est certain, c'est qu'elle n'était pas chrétienne; elle adorait peut-être les anciens dieux que saint Augustin s'était efforcé de faire disparaître. Elle battit Hassan ; et, de tous les nobles musulmans qu'elle captura, elle ne garda que le seul Khalid ben Yazid. La légende veut qu'elle ait eu deux fils, l'un berbère, l'autre grec : elle entendit faire de Khalid leur frère : on voit la valeur du symbole.

La Kahina ne se serait pas fait d'illusion sur la portée probable de son succès sur Hassan. Désespérant de le renouveler dans la bataille, elle résolut d'empêcher l'invasion en faisant le désert devant les Arabes; elle ordonna des destructions systématiques dans les plaines environnant les villes. Il est vraisemblable que la légende a ici enjolivé de simples razzias exécutées par les montagnards de l'Aurès momentanément débarrassés de la menace arabe.

En tout cas, le procédé attribué à la Kahina n'eut aucun succès. Les dévastations ne firent que lui aliéner la population des villes: elles ne réussirent pas à arrêter la marche d'Hassan ben en Noman qui revint dans le pays et mit en complète déroute les Berbères soulevés par la Kahina.

Un certain nombre de conversions à l'Islam s'étaient déjà produites, comme le montre l'exemple de Kossayla, quand les Arabes, au début du VIIIème siècle, entreprirent l'islamisation systématique des Berbères. Le prosélytisme arabe se manifestait en liant étroitement la religion et la guerre : il s'agissait, par la violence et la conquête, de propager la foi.

Les grandes expéditions militaires, comme celle qui mena d'un bout à l'autre de l'Afrique du Nord Mousa ben Noçayr, comportaient la capture de nombreux prisonniers Les populations avaient le choix entre la conversion et l'exil ou la mort. La conversion s'accompagnait en principe de l'acquisition des droits communs à tous les musulmans, notamment la dispense de la capitation (jiziya) et de l'impôt foncier (kharadj). Ce procédé fut employé systématiquement à partir de 718.
Cependant, et l'exemple de Kossayla le montre encore, en dépit des avantages acquis aux nouveaux convertis, les conversions n'étaient pas toujours durables. Suivant un texte célèbre, les Berbères apostasièrent douze fois en 70 ans. C'est alors qu'intervint à leur profit l'application d' un autre principe de la guerre sainte : les territoires nouveaux, soumis par les armes, restaient la possession des conquérants. C'est ainsi que, mêlant la foi à l'intérêt, les Berbères furent lancés à la conquête de l'Espagne.

Ceux qui restèrent en Afrique du Nord, et en Algérie, furent contraints d'accepter la domination arabe, qui, outre la religion, comportait l'adoption de la langue du vainqueur. Ce nouveau changement linguistique fut admis sans plus de difficulté et dans les mêmes conditions que les changements antérieurs : les sédentaires et les gens des villes s'y plièrent aisément; les montagnards des massifs difficiles à réduire continuèrent à parler leur langue. Néanmoins l'islamisation de l'Algérie connut des débuts rapides.



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