Algérie

L'Internet à l'école : 16 milliards de dinars, et maintenant ?



Grâce à la prolifération des cybercafés, y compris dans les quartiers populeux de nos villes et villages, le vocable Internet a connu une très grande socialisation.

Ce nom n'est plus étranger ni pour les enfants encore en primaire, ni pour les vieilles personnes et les ménagères qui n'ont jamais pianoté sur un clavier. Mais cette inscription définitive dans le langage usuel d'un terme emprunté à une autre langue dissimule l'usage de ce nouveau moyen de communication, de distraction et de formation dans la réalité. Si les étudiants y puisent des documents ou des informations pour leur travail de recherches, la pénétration de l'Internet dans les écoles et les collèges a encore beaucoup de chemin à parcourir. Pourtant, à en croire certaines déclarations de certains responsables, notamment de l'éducation nationale, les pouvoirs publics ont investi des sommes colossales pour introduire l'Internet dans les écoles et en faire un moyen d'apprentissage. La dernière en date est celle d'un haut responsable du département d'Abou Bakr Benbouzid en avril dernier, lors de la tenue d'un colloque international organisé à Alger portant sur l'usage de l'Internet à l'école. Il a affirmé que l'Etat a dégagé la coquette somme de 16 milliards de DA pour atteindre l'objectif escompté. Autrement dit, pour l'équipement de toutes les écoles de matériel informatique et de leur assurer une interconnexion à la Toile. Ce même responsable a tenu à préciser que cette démarche s'inscrit dans la réforme du système scolaire entamée depuis quelques années.

Trois mois auparavant, et selon des écrits de la presse, notamment spécialisée dans les NTIC (Nouvelles technologies de l'information et de la communication), l'Etat algérien a sélectionné deux grosses entreprises étrangères, Bull et Siemens, pour équiper les écoles algériennes de matériel informatique et de connexion. Le montant de ce marché est de 100 millions d'euros, ce qui doit dépasser de loin le budget consacré à tout le secteur de l'éducation dans pas mal de pays africains. Siemens s'est adjugé la part du lion avec 55 millions et Bull le reste. Conclu en janvier dernier, le contrat devait s'exécuter dans moins de six mois. Donc, théoriquement, tous les établissements scolaires doivent être équipés. Si on se réfère à des opérations similaires initiées dans certains pays d'Afrique grâce à des dons d'aide au développement, notamment par les Canadiens au Sénégal, ce sont quelque 1.200.000 ordinateurs qui doivent être acquis par le département de Benbouzid. En effet, les Canadiens ont payé 100 $ le portable destiné à quelques écoles primaires sénégalaises.

Tout indique que l'opération enregistre au moins du retard dans sa réalisation pour ne pas dire davantage. Jusqu'ici, la presse nationale n'a jamais évoqué des dotations importantes en matériel informatique des établissements scolaires, notamment dans les grandes villes. Certes, si on en croit un écrit publié dans un magazine spécialisé, 90% des établissements scolaires de la ville d'Oran sont connectés à Internet. Mieux encore, on estime que le taux de pénétration d'Internet dans la ville de Témouchent est de l'ordre de 100%. A coup sûr, ces données ne manqueront pas de faire sourire les enseignants de ces deux villes. Prenons un raccourci, un enseignant comparera cette entreprise de doter les écoles de matériel informatique et de connexion Internet à celle initiée il y a quelques années de placer des chauffages dans les établissements scolaires. Un autre nous fera remarquer que dans certains cas, ce sont les adhérents de l'association des parents d'élèves qui s'acquittent de la redevance de l'unique ligne téléphonique. Soulignons cette anecdote rapportée par un titre de la presse nationale: lors d'une visite à un établissement scolaire, le ministre de l'Education nationale a eu la désagréable surprise de relever une couche de poussière sur un ordinateur qu'on lui a présenté comme étant mis au service des élèves. Probablement, il a tiré la conclusion qui s'imposait d'elle-même.

Loin de cette virtualité, le démenti le plus fulgurant de cette vision nous est fourni par les cybercafés nichés en bas des immeubles de nos cités. En effet, tout le monde a relevé qu'à des périodes données durant la saison scolaire, des bambins se présentent, des fois accompagnés de leurs parents, pour réclamer des «bahth» (travail de recherche). Selon des témoignages rapportés par les médias, certains gérants de ces lieux travaillent carrément en connivence avec certains enseignants. Ils préparent à l'avance des tirages sur des questions précises qu'ils vendent aux élèves. En somme, la recherche consiste à ramener un écrit sur une question donnée, rehaussé d'une photo en couleur. Personne ne se soucie du contenu de l'écrit ni de sa valeur scientifique ou pédagogique. Relevons que ces documents portent le plus souvent sur des personnages ou sur des faits historiques. Décrivant avec force détails ce fait, un journaliste d'un magazine spécialisé parlera de la généralisation de «la pratique copier-coller». Donc, si nos écoles disposent de micro-ordinateurs et d'Internet, pourquoi les élèves s'adressent aux gérants de cybercafé ?

Laissons de côté les sujets qui fâchent et abordons la question d'un autre angle. Suffit-il d'avoir du matériel requis pour faire d'Internet sérieusement un outil d'apprentissage pour les enfants en bas âge ? L'expérience des pays avancés où ce nouveau média a enregistré des taux de pénétration très avancés nous renseigne sur quelques dangers que constitue cette généralisation. On évoque notamment la cyberpédophilie et l'accès à des sites pornographiques. Nous concernant, la consultation des sites dits «djihadistes» commence à faire parler d'elle. A part qu'ailleurs, les fournisseurs d'accès à Internet, soucieux de la préservation d'un marché encore à ses débuts, ont produit des logiciels distribués gratuitement aux parents, permettant le contrôle des sites que les enfants ne sont pas autorisés à consulter. Mieux, des associations se mobilisent pour traquer les pédophiles, les racistes et antisémites qui font du net un moyen pour séduire les plus jeunes. Telle innocence qui a des ramifications en France, en Suisse et en Belgique. De telles préoccupations existent chez les responsables des établissements scolaires, qui sont plus débordés par les problèmes et les soucis de la gestion quotidienne de leurs établissements.

En France, un éditeur a mis sur le marché un guide contenant le listing de 450 sites Internet pouvant aider les enfants dans leur cursus scolaire. Qui de nos libraires prendra le risque d'importer un tel ouvrage pour rendre disponible l'information aux parents - encore une infime minorité - soucieux d'ouvrir à leurs enfants de nouveaux horizons d'apprentissage et de découvertes ? Revenons à nos enseignants et directeurs d'écoles. Ils sont combien parmi eux en mesure d'évoquer le projet, initié tout récemment par un fournisseur d'accès à Internet, dénommé «Tarbiatic» ? Le projet consistant à mettre en place une «e-école», c'est-à-dire un enseignement dispensé via Internet. De la réponse à pareille question, on peut déduire si le système scolaire est disposé ou non à intégrer l'Internet comme moyen d'apprentissage...






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