L'exploitation exclusive en Algérie de la
marque «Orangina» est revendiquée par Djgaguen Maâmar, directeur des
établissements BGAO, par l'embouteilleur «Frères Zaâf» et la Compagnie
Française des Produits Orangina (CFPO). L'affaire est devant les tribunaux
algériens depuis des années. De procédure en procédure, pour le moment, elle a
débouché sur une solution de compromis, à savoir l'exploitation commune de la
marque par les deux parties en conflit.
Les frères Zaâf, embouteilleurs
exploitants autorisés par «Orangina Schweppes» sont partie prenante dans les
procédures judiciaires relatives à l'exploitation de cette marque de limonade
«héritée de la colonisation», face à Maâmar Djguaguen des établissements BGAO.
On ne compte plus les procès dans cette affaire. Le dernier date de la fin mai.
La chambre commerciale de la Cour de Blida a autorisé l'exploitation de la
marque «Orangina» par les deux producteurs, en Algérie. Les magistrats de Blida
ont repris le dossier après que la Cour suprême eut annulé, le 6 mai 2009, deux
décisions contradictoires et renvoyé l'affaire à cette Cour constituée par
d'autres magistrats. Celle-ci devait trancher par rapport à deux décisions
contradictoires rendues, en mars 2004, par les Cours d'Alger et de Blida. La
décision de la Cour d'Alger annulait tous les dépôts de marque de la CFPO au
niveau de l'Institut national de la propriété industrielle en Algérie, tandis
que la Cour de Blida prononçait l'exploitation commune de la marque en Algérie.
La CFPO a interjeté appel au niveau de la Chambre commerciale près la Cour
suprême qui a renvoyé, le 6 mai 2009, l'affaire à la Cour de Blida. Presque une
année plus tard, la décision de cette Cour est tombée, il y a quelques jours.
En attendant la publication du jugement, on sait qu'elle a coupé la poire en
deux, puisqu'elle s'est prononcée, encore une fois, pour l'exploitation commune
de la marque en Algérie par les deux producteurs, à savoir: Maâmar Djgaguen et
CFPO. D'après des avocats, les magistrats n'auraient pas fait grief à CFPO pour
le non renouvellement de l'inscription de la marque à l'INAPI, en retenant à décharge
le «caractère exceptionnel du défaut de renouvellement», tous les vingt ans. A
présent, on s'attend à ce que l'un des deux parties saisisse la Cour suprême, à
nouveau, prolongeant ainsi ce feuilleton «Orangina».
Une limonade «bien vacant»
Historiquement, cette marque a 74 ans
d'existence. C'est Léon Beton, natif de Boufarik, qui, en 1936, s'inspira de
l'invention d'un pharmacien espagnol, le docteur Trigo pour créer cette
boisson. Il lui racheta la formule et la marque. Il a baptisé ce breuvage «Naranjina»
(naranja signifie «orange» en espagnol), puis «Orangina». En 1951, Jean-Claude
Beton, qui avait repris le flambeau à la suite de son père en 1946, crée la
Compagnie Française des Produits Orangina (CFPO) à Boufarik. Les premiers
concentrés pour la fabrication d'Orangina sortent de l'usine de Boufarik, le 23
janvier 1951. La mise en bouteilles du produit est confiée aux Établissements
Marin à Blida, et Montserrat à Alger. Après la commercialisation en Algérie,
celle-ci s'étend en France, sur l'île de la Réunion pour atteindre, alors,
cinquante millions de bouteilles. Le siège social de la société quitte Boufarik
pour Marseille, en février 1961, un an avant l'indépendance de l'Algérie, et
naturellement avec la marque, indique une version qui ne correspond pas à celle
de Maâmar Djguaguen. Le directeur général des établissements BGAO, lui, estime
être le propriétaire exclusif d'»Orangina» depuis 1963. A l'appui de son
propos, il souligne qu'il est le premier à l'avoir inscrit à l'INAPI (Institut
national de la propriété industrielle). Ses défenseurs soutiennent que la
marque «Orangina» faisait partie d'un fonds industriel commercial qui a été
nationalisé au titre de biens vacants, «comme tous les biens qui appartenaient
à la France avant l'indépendance». Plus précisément, les Français de la CFPO
l'auraient cédé aux établissements Marin qui l'auraient abandonné à
l'indépendance, en 1962. C'est à ce moment là que Maâmar Djgaguen en serait
devenu attributaire par un arrêté du wali (préfet), au titre des biens vacants.
Maître Farouk Ksentini, un des avocats de BGAO, avait estimé, lors d'un point
de presse à ce propos, que «Orangina est un bien relevant du patrimoine
national, il s'agit d'un produit algérien créé en Algérie avec les oranges de
la Mitidja.».
Une saga internationale
Dans la version de M. Djguaguen, il n'est
pas fait mention de la poursuite par Léon Beton de la commercialisation de
cette limonade à l'étranger. Pourtant, son affaire prend de l'envergure et
devient un groupe. En 1984, le Français le cède à Pernod-Ricard, pour une somme
estimée entre 500 et 800 millions de francs. Depuis, «Orangina» a failli être
vendue à «Coca Cola». Mais elle l'a été, avec cinq autres marques de boissons,
en 2001, à «Cadbury-Schweppes» pour 700 millions d'euros. La limonade à
l'orange en bouteille ventrue est connue à travers tous les continents. Les
campagnes de publicité se succèdent pour la vanter. Son succès est indéniable.
En 2003, la société «Orangina Schweppes», vient au jour après la fusion entre
«Orangina Pampryl» et «Schweppes France». Puis lors d'une dernière transaction,
en septembre 2005, la société passe aux mains d'un consortium composé des fonds
d'investissements Blackstone Group International et Lion Capital qui brassent
beaucoup d'argent. C'est avec l'autorisation d'Orangina Schweppes que les
frères Zaaf, à Blida, produisent, notamment «Orangina Light». Derrière eux, les
propriétaires «historiques» n'ont visiblement pas l'intention de lâcher prise
en Algérie.
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Posté Le : 15/06/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ali Bouazid
Source : www.lequotidien-oran.com