Algérie - Debdeb

L'insécurité inquiète les habitants d'Illizi



L'insécurité inquiète les habitants d'Illizi

Debdeb (Illizi). De notre envoyé spécial Cette petite commune de moins de 3000 habitants, située à quelques encablures de la frontière algéro-libyenne, est toujours sous le choc après le rapt, lundi dernier près du lieudit de Timeroualine («oued des lièvres» en targui), du wali d’Illizi, Mohamed Laïd Khelfi. Il est le premier haut responsable à être enlevé en Algérie. Cela change complètement la donne sécuritaire ici. Quatre jours après les faits, les citoyens résidant dans cette zone ont peur pour leur sécurité et leur avenir. Et la présence, en masse, des forces de sécurité dans la région ne les tranquillise pas pour autant. Ils changent déjà leurs habitudes. Désormais, les déplacements des personnes sont limités et l’axe routier reliant In Amenas à Debdeb, sur plus de 240 km, est très peu fréquenté. C’est ce que nous avons constaté, jeudi dernier. Hormis quelques transporteurs de voyageurs qui, pour la plupart, bifurquent à mi-chemin sur la route menant vers la wilaya de Ouargla et des camions de l’Armée nationale populaire (ANP) transportant des militaires, rares sont les véhicules qui arrivent jusqu’à Debdeb… Retour sur les lieux du kidnapping du wali d’Illizi. Il est 12h50. Nous venons juste d’arriver d’Illizi après plus de trois heures de route. La station, ou encore l’endroit poussiéreux qui fait office de station de bus d’In Amenas est bondée. C’est le dernier jour de la semaine, des centaines de travailleurs venant du nord du pays se bousculaient pour prendre une place dans l’un des rares bus disponibles pour rentrer chez eux. Ici, les taxis n’existent pas et les clandestins exigent des prix hors de portée d’un simple travailleur. Seul un bus fera leur affaire. Nous demandons à un jeune vendeur de cigarettes de nous indiquer l’endroit où sont stationnés les transporteurs de Debdeb. Il nous indique de la main un vieux fourgon. C’était l’unique routier d’ailleurs qui assure, en ce jour, le transport vers notre destination. Nous prenons la dernière place disponible, après une discussion avec le chauffeur qui nous a promis de nous redéposer lui-même à In Amenas.   L’axe In Amenas-Debdeb déserté Quelques minutes après, le vieux véhicule, portes et fenêtres fermées à cause du froid et du violent vent de sable qui souffle sur la région, s’ébranle en direction de Debdeb. La route est bien asphaltée. La voie est libre et les voitures peuvent rouler à plus de 140 km/heure. C’est à peu près la vitesse de notre transporteur. Dans le fourgon, l’atmosphère est crispée. C’est le silence et nous écoutons que le vent qui souffle très fort secouant, par moments, la portière du véhicule. Après 180 km de trajet, nous tombons sur le premier barrage. Il faut s’arrêter. Un gendarme s’approche de notre véhicule. Il demande à inspecter les bagages. Après vérification, le chauffeur reprend la route affreusement vide. Ce n’est que vers 15h30 que nous arrivons à notre destination. Le village est désert. Seuls quelques habitants circulent dans les rues qui gardent encore les traces des manifestations l’ayant secoué pendant plus de deux semaines. «Nous n’avons pas connu de répit depuis plusieurs jours. La situation devient de plus en plus invivable», lance un sexagénaire, retraité de Sonatrach. Originaire de Souk Ahras, notre interlocuteur affirme qu’il vit en famille à Debdeb depuis plus de 20 ans. Selon lui, cette région a terriblement changé. «Le village devient invivable et je songe sérieusement à le quitter», ajoute-t-il. Quand nous l’interrogeons sur l’enlèvement du wali, le vieil homme se dit toujours choqué : «Je ne comprends rien. Ce n’est pas la première fois qu’il vient ici sans escorte. Mais personne n’a pensé à lui faire quoi que ce soit. Lundi dernier, il est venu avec le P/APW, Madoui Ali, qui est très respecté à Debdeb, dont il est originaire. Le wali a réuni, au niveau du siège de l’APC, les familles des jeunes contestataires. J’étais présent à la réunion et tout le monde était sorti satisfait.» Selon lui, les protestataires demandent la libération du groupe de détenus accusés de trafic d’armes et de soutien au terrorisme qui ont été condamnés, récemment à Alger, à des peines allant de 5 à 10 ans de prison. «Le wali leur a expliqué que personne ne peut influer sur la justice et qu’il faut être patient», ajoute-t-il, estimant que le kidnapping du représentant de l’Etat était une surprise pour tout le monde. Il poursuit sa narration : «La délégation officielle a quitté Debdeb vers 15h30. Et la nouvelle de son enlèvement nous est parvenue en début de soirée.» «Maintenant tout a changé. On ne peut plus avoir confiance. Je n’oserai plus prendre la route la nuit», conclut-il avant de nous quitter.  Ce sentiment est partagé par tous les habitants d’Illizi que nous avons rencontrés. Nous continuons notre visite. Nous voulions rencontrer les membres des familles des trois jeunes kidnappeurs du wali. «Ma naaref (je ne sais pas)» était la seule réponse revenant sur les lèvres des gens que nous avons interrogés. «Les ravisseurs sont des jeunes de 20 ans» Dépités, nous décidons de nous rendre à Timeroualine. C’est là-bas que le wali avait été enlevé. Nous nous sommes renseignés sur la route qui mène à cette région. Finalement, nous l’avions laissée derrière nous et il nous fallait rebrousser chemin. Comment faire ' Les taxis sont rares. «Il faut prendre un clandestin», nous explique un citoyen en nous montrant du doigt deux véhicules stationnés. Le premier à qui nous avons demandé de nous transporter s’est excusé. Le second accepte, mais il fixe le prix à l’avance. «Je vous emmène où vous voulez, le prix c’est 5000 DA», dit-il. Nous acceptons. Après une trentaine de minutes de route, le chauffeur nous montre un hameau. «Voilà Timeroualine, vous êtes passés par-là avant d’arriver à Debdeb», lance-t-il.  Coincé au milieu d’un vaste désert, le petit village paraît vide. Ses habitants restent cloîtrés dans leurs maisons en ce temps de froid glacial. Nous ne rencontrons sur place que trois hommes que nous avons tenté d’interroger. Après un instant d’hésitation, l’un d’eux nous rétorque : «Le wali n’a pas été enlevé chez nous. Nous refusons de mêler notre village à cette histoire. Ceux qui l’ont kidnappé sont de Debdeb.» Et d’ajouter : «L’enlèvement a eu lieu à 30 km à l’ouest de Timeroualine. Ses deux compagnons, le P/APW et le directeur du protocole, ont été retrouvés dans le désert par des gens qui sont allés chercher du bois.» Un autre jeune, peut-être militaire (il dit qu’il est employé d’une entreprise), affirme qu’il était témoin quand le P/APW est arrivé à la caserne de l’armée située près de Timeroualine. «Selon ce que j’ai entendu, la délégation a été interceptée par trois jeunes armés de kalachnikovs. Ils étaient à bord d’un 4x4 Toyota Station. Après avoir arrêté le wali et ses compagnons, les ravisseur ont pris la direction de l’Est», raconte-t-il. Deux des trois ravisseurs, affirme une source locale, sont connus à Debdeb. «Ce sont des jeunes de 20 ans, des meneurs lors des dernières manifestations. Le premier appartient à la famille Ghedir et le second est de la famille Guasmi de Debdeb», précise notre source.         




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