Malgré ce qui va se disserter, il n'y a aucune inquiétude apte à freiner l'allure de l'espoir. C'est le comment vivre mieux qui doit tarauder les méninges des uns et des autres. Ne vous inquiétez pas, il y a toujours une sentinelle à la guérite.L'on ne s'inquiète que pour une jarre d'huile ou un sac de sucre, pas pour un projet de société ou un pays radieux et prospère. Oui, l'huile, « c'est vital ». Le pays beaucoup plus et plus grand. Par ailleurs, l'huile de table ne peut en rien suppléer l'huile d'olive, à part ses vertus. Car il faudrait, peut-être, agir pour intégrer cette dernière dans les produits à soutenir, sinon l'intégrer dans la nomenclature de la Cnas et éligible à la carte Chifa, à prescrire par ordonnance. L'inquiétude, voyez-vous, n'est pas uniquement un état de panique ou d'embarras mais une rumeur qui circule, qui court jusqu'à faire vider les étagères et crever tous les rêves.
Beaucoup de gens s'interrogent en entremêlant à chaque amorce de rencontres ces petites et lourdes questions de « qu'est-ce qui se passe » ' « où va-t-on » ' Toute tentative de réponse n'est que vaine tant personne n'est en possession d'éléments aptes à dénouer de telles impasses. Les discussions portent sur le foot et l'huile, le Cameroun et la cause palestinienne, le tout, le rien et le n'importe quoi. On ne sait plus raisonner mais on trouve raison à chaque argument.
Tout a l'air, pourtant, de fonctionner normalement. Le virus est là, semant le malaise et la mort comme dans les pays les plus développés, le vaccin aussi, supplanté des doutes qui l'alourdissent. Seuls les ministres sont officiellement en auto-confinement, préservant de la sorte l'énergie qui leur manque. Les jeunes sont heureux dans l'apparence de la coupe de cheveux, des jeans déchiquetés et des agglutinations nocturnes. Cependant, dans leur tête, je le suppose, le rêve du départ ne cesse de bouillonner à p'tit feu pour cet horizon littoral lointain. Cette frange, cette sève matricielle d'un avenir tant chanté, qui a tout le temps formé le canevas de campagnes électorales, ne croit en rien. Elle ne pense plus, elle ne fait qu'attendre. L'on dirait qu'elle se renferme dans une parenthèse toujours ouverte qu'elle seule sait à quel moment la fermer.
L'inquiétude est à cibler dans cette euphorie que créent les blogueurs et les influenceurs. Quand ceux-ci deviennent des maîtres à suivre, sans nulle ascendance intellectuelle, ne voit-on pas là une déroute de m?urs et une altération dangereuse de l'éveil juvénile et de la conscience sociale par suivisme aveugle et une domination mentale massive ' Un argot populairement articulé est plus efficace qu'un art oratoire de post-graduation. Mais c'est ça, une question de «nivellement» de niveau par le bas. Et ça paraîtra normal chez certains, et ils sont nombreux, que Rifka est plus audible et visible qu'un Yasmina Khadra ou un Slimane Djouadi. Une logique à l'envers et c'est « normal ». « Normal », terme qui passe pour une réponse évasive face à toute situation. Chez les jeunes, « normal » signifie à peu près « et puis après », soit, y a rien de grave, ni de percutant, ni d'urgent, ni presque d'important. Tout est normal !
Il y a là une société rendue très difficile à partager dans l'acceptation les différences nécessaires qui doivent y exister. Que ce soit au plan politique ou autre. Même sur un match ou sur la sélection nationale, l'on tente d'imposer son avis au lieu tout juste de l'exposer, pas plus. L'on ne peut plus se comprendre. Il y a de tout, de la ridicule critique pour remplir le temps ou de la fausseté pour paraître crédible. Si sur le plan du paysage politique, il y a énormément de nuances contradictoires à relever tant en alternative, en restriction de champ d'action, en garrottage de liberté d'expression, en lutte de clans ou en positions réprimées; il en est autrement sur le plan extérieur. Des menaces et des dangers. Une diplomatie palpitante mais esseulée et sans grande envergure est sommée de secouer ses ailes et voler plus haut que dans le ciel régional. A ce propos, où est donc ce conseiller nommé récemment et chargé de la « diplomatie économique » ' Là aussi, il y a une légitime inquiétude quant à l'utilité marginale de quelques nominations presque virtuelles.
C'est dire, en substance, qu'il n'est pas tout le temps donné à l'Etat en tant qu'organe de créer la dynamique démocratique. On doit produire de la démocratie par commencer à s'occuper de soi et éviter d'être soumis à un état psychique dictatoriable. Le combat pacifique et légal, sur des règles établies par des lois justes, ne doit par principe inquiéter personne sauf si la dérive, l'empiètement et le déni du droit viennent à prendre place sur la scène politique. Il est d'adage managérial de dire que si tu ne donnes pas l'information, on la fabrique à ta place. Ainsi, devant tout ce qui se poste et se transmet comme faits proéminents d'une actualité trop controversée, aucune communication publique n'arrive à capter l'opinion déjà et d'emblée acquise aux thèses à démentir, largement diffusées. Le gouvernement est aphone ou ne trouve-t-il pas d'ouïe attentive. L'expression s'était autocensurée elle aussi. Au bout de chaque mot, un ordre public semble se troubler, à chaque clic l'on peut pénétrer les abysses des prétoires.
L'amplitude de l'inquiétude n'est pas à mesure égale pour tous. Elle se crée des différences selon le besoin de chacun. Autrement dit, ce qui est pris pour inquiétude chez l'un peut être un amusement chez l'autre. Une dame qui s'inquiète pour son chat victime d'une diarrhée, un homme qui broie son ennui pour un pépin mécanique de son yacht, un gosse qui s'étouffe pour un débit déficitaire d'internet sont une moquerie luxurieuse pour quelqu'un qui n'a rien à mettre sous espoir, qui est rongé par des impératifs vitaux, qui ne se sent pas avoir de pays.
Quel que soit son degré, l'inquiétude ne fréquente pas les c?urs désertés. Elle accompagne sans cesse les porteurs de vie, ceux qui, malgré les aléas, le fatalisme, le mauvais sort ne tombent pas dans son escarcelle. Quand l'on s'attable comme moi dans la terrasse d'un café public, on la lit dans le visage des passants ou dans les mots qui s'échappent d'une discussion de proximité. Personne ne m'a semblé être heureux. Le suis-je d'abord ' Ainsi, certains surpassent leurs propres problèmes et s'accrochent avec ferveur, faut le dire, à la chute du Brent, aux fantaisies de Zemmour ou de l'invasion russe en Ukraine. C'est dire que parfois l'on veut s'inquiéter pour rien ou pour quelque chose qui ne nous concerne nullement. Avez-vous vu un citoyen ukrainien ou bosniaque ou yéménite se morfondre et se préoccuper des contraintes sociales ou des réductions démocratiques que nous subissons ou des drames et tragédies que nous avions vécus '
Parfois, une inquiétude est une forme de protestation. Une révolution personnelle contre une attitude, une imposture ou une flagrante hypocrisie. Surtout lorsqu'on voit revenir, après un assoupissement, certains recalés des récents gouvernements pour se faire doucereusement réapparaître sur Twitter en recourant à un passé tranquille qu'ils n'ont pu préserver lors de leurs fonctions. On ne crève pas l'écran de l'actualité par des ?uvres écrites dans un temps où l'on n'était qu'une équation inconnue politiquement. Il est plus intéressant pour un ex-ministre de la Communication de disserter sur la théorie du Droit et de ne plus s'inquiéter sur la réalité de la communication. Car ce qui se passe actuellement, il en a une grosse part de culpabilité. Tout comme un certain militant d'un certain parti qui se dit amèrement inquiet au sujet de la situation du pays, alors qu'il ne s'acquitte même pas de ses cotisations, encore qu'il ne ménage aucun effort pour sensibiliser sa famille pour une cité propre et saine. C'est tout comme l'élu, local, député ou sénateur qui n'a d'inquiétude que pour le retard de versement de ses indemnités. Si l'inquiétude pour le pays les avait gagnés, ils auraient fait don de ce fonds public au profit du Trésor public. Le pays, mon vieux, n'inquiète que ceux et celles qui font dans l'abnégation de soi, sans intérêt ni contrepartie.
Enfin, l'inquiétude au sens politique n'existe qu'en face de vagues horizons. Dans l'aveuglement qui trône dans un sérail. Elle est ce voile qui cache ou un soleil éclatant ou un nuage noir et refuse de s'appeler mauvais calcul, erreur d'aiguillage ou carence d'évaluation, voire de prévision. C'est une fois que l'on emprunte une fausse route, qu'en plus du regret, survient la grosse inquiétude du « que faire » '
Pour rassurer nos voisins et leurs venimeux sites, leurs relais pernicieux, nous dirons qu'il n'y a pas chez nous une crise d'huile, de sucre ou de lait, il y a un approvisionnement des causes de la crise. A quoi bon avoir un « royaume » si l'on vit courbé et aplati dans une chaumière.
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Posté Le : 03/02/2022
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : El Yazid Dib
Source : www.lequotidien-oran.com