Il a su hisser le niveau de la chanson kabyleIl avait 85 ans et des centaines de compositions musicales toutes admirables avec un mariage harmonieux de modernité et d'airs orientaux.Déjà quatre années depuis que l'âme de Chérif Kheddam s'est envolée vers un monde meilleur. L'un des artistes kabyles les plus accomplis a laissé un vide immense dans le monde artistique, surtout en l'absence d'une relève digne de son talent et de ses enseignements. Chérif Kheddam et avant lui, d'autres chanteurs dont le niveau a permis de hisser la chanson kabyle à une dimension digne de celle dont jouissent les autres cultures, sont partis. Avant Chérif Kheddam, il y a eu aussi le départ de Cheikh El Hasnaoui, Youcef Abdjaoui, Salah Saâdaoui, Matoub Lounès, Slimane Azem, Cheikh Arv Bouyezgarène et tant d'autres. De véritables étoiles. Chérif Kheddam nous a quittés il y a quatre ans, jour pour jour. C'était le 23 janvier. Il était environ dix-huit heures quand la triste nouvelle est tombée tel un couperet. Car il était difficile d'imaginer la scène de la chanson kabyle sans l'un de ses maîtres, surtout sur le plan musical: Chérif Kheddam.Il était malade depuis des années. C'est à Paris, dans un hôpital, qu'il rendit l'âme. Trois jours plus tard le corps de Chérif Kheddam a été rapatrié avant qu'il ne soit enterré en présence de milliers de ses fans dans son village natal, Boumessaoud, en Haute Kabylie.Il avait 85 ans et des centaines de compositions musicales toutes admirables avec un mariage harmonieux de modernité et d'airs orientaux, le tout pétri dans une âme kabyle profonde et sincère. Si la majorité des grands noms batisseurs de la chanson kabyle se sont principalement imprégnés du style châabi algérois, à l'instar de Cheikh El Hasnaoui, Slimane Azem, Cheikh Arab Bouyezgaren, le «Rebelle» Matoub Lounès et tant d'autres, Chérif Kheddam, avait quant à lui exploré un tout autre style. Une proximité, en France, avec des artistes de renom de l'Orient lui ont permis prématurément de pouvoir aller plus loin dans cet art. Non sans avoir au préalable eu un véritable coup de foudre pour les notes d'un Farid El Atrache et autres sommités.Chérif Kheddam monte alors son propre orchestre. Un orchestre qui ferait peur à d'autres chanteurs kabyles, mais qui a fait la gloire de Chérif Kheddam.Contrairement à la quasi-totalité des chanteurs kabyles, Chérif Kheddam avait compris qu'étudier la musique ne pouvait qu'apporter un plus. Un tel apprentissage pouvait même faire la différence, toute la différence. C'est à Paris qu'il suivit ses premiers cours du soir de solfège et de chant.Une fois la rude journée de travail achevée, Chérif Kheddam, en dépit de la fatigue, ne ratait jamais ce rendez-vous avec les notes et la partition. Ce qui lui permit à coup sûr d'aiguiser ses capacités et de pouvoir par la suite manier à la perfection plus d'un instrument comme le piano et le luth. Et ce n'est qu'après avoir appris et sué qu'il accoucha de l'une de ses premières chansons, un véritable chef-d'oeuvre: «A Yellis n tmurt-iw.» Puis, les chansons de Chérif Kheddam tomberont comme une avalanche.Toutes aussi exquises! Au fil des décennies, Chérif Kheddam réussit donc à s'installer au trône du style musical qui est le sien et que d'aucuns n'hésitent pas à qualifier de classique kabyle. Il compose aussi à Nouara, l'une des plus belles voix kabyles. Des chefs-d'oeuvre également.Des artistes s'en inspireront aussi. C'est le cas de Medjahed Hamid qui ne rate aucune occasion pour évoquer Chérif Kheddam. Et l'une des plus grandes fiertés de Medjahed Hamid, sinon la plus grande, c'est quand on attribue à Chérif Kheddam des chansons qu'il a lui-même composées à Nouara.«C'est le meilleur compliment qu'on puisse me faire: quand j'entends une animatrice, de radio ou sur scène, se tromper et dire après la fin d'une chanson interprétée par Nouara que les paroles et la musique sont de Chérif Kheddam...», a confié Medjahed Hamid aux médias à plus d'une reprise. C'est dire à quel point Chérif Kheddam constitue une référence indétrônable dans son genre. Ce serait injuste d'en rester là.Parler uniquement de Chérif Kheddam le musicien et occulter le poète. Des centaines de textes écrits par Chérif Kheddam sont de véritables odes aussi bien à la patrie qu'à la femme, à la vie et à la mort mais aussi à une multitude d'autres thèmes qui résument l'existence de tout Kabyle durant les années où Chérif Kheddam était jeune, mais aussi bien plus tard.Chérif Kheddam était aussi un formateur grâce à son émission fétiche «Ighenayen uzekka» qui délivrait une sorte de visa ou de diplôme pour tout jeune Kabyle aspirant à devenir chanteur professionnel. Il s'agit d'ailleurs de l'une des émissions pour ne pas dire de l'émission radio la plus célèbre de tous les temps.D'ailleurs, c'est presque tout naturellement que Medjahed Hamid a fini par l'hériter en quelque sorte et à en devenir l'animateur. Aujourd'hui, quatre ans après son départ, on peut encore écouter avec la même tendresse et l'identique nostalgie n'importe quelle chanson de Chérif Kheddam pour oublier que cet artiste n'est plus de ce monde. Il est dans nos coeurs et ses mélodies magiques sont des bouffées d'oxygène pour tout coeur meurtri.
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Posté Le : 24/01/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Aomar MOHELLEBI
Source : www.lexpressiondz.com