L’innovation et le changement climatique

PUBLIÉ LE 18-10-2022 dans le Quotidien Le Soir d’Algérie

Par Nadjib Drouiche
Il n’y a aucune ambiguïté sur le fait que le changement climatique est l'un des plus grands défis de notre époque. Depuis le XIXe siècle et l’avènement de la révolution industrielle, la concentration de gaz à effet de serre dans l'atmosphère est montée en flèche, notamment le dioxyde de carbone, le méthane et le protoxyde d'azote. Ainsi, ces problèmes environnementaux qui menacent notre humanité nécessitent une action conjointe afin d’aboutir à une solution efficace permettant de limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 °C et de s'adapter aux conséquences actuelles et futures du changement climatique.
Les mesures politiques technologiques volontaires comme celles inscrites dans la contribution déterminée (NDC) et le Plan national du climat (PNC) ne suffiront probablement pas à stabiliser les émissions de gaz à effet de serre, qui tendent à augmenter la température moyenne de la planète.
Ce phénomène modifie à son tour la configuration et l'intensité des précipitations, ainsi que les flux d'air et les courants océaniques autour du globe, autant de facteurs qui influencent directement ou indirectement le climat.
Des politiques réglementaires restrictives sont également nécessaires pour limiter les émissions et promouvoir l'innovation technologique.
Sur la base des données scientifiques actuelles, de nombreux responsables politiques dans le monde entier préconisent une augmentation maximale de 2°C de la température mondiale à long terme comme objectif de la politique climatique nécessaire pour éviter des effets dangereux.
Pour atteindre cet objectif, il faudrait prendre des mesures visant à stabiliser les concentrations de GES dans l'atmosphère à des niveaux à peine supérieurs aux niveaux actuels. Cela nécessiterait à son tour une réduction des émissions mondiales annuelles de GES de 50 à 80 % par rapport aux niveaux de 1990 d'ici 2050, selon des études récentes (rapport GIEC).
Pour atteindre ces objectifs, des changements technologiques à grande échelle seront nécessaires, quatre stratégies générales sont disponibles et prises au sérieux pour transformer le système énergétique d'un pays :
1. Réduire la demande d'énergie dans tous les principaux secteurs de l'économie (bâtiment, transport, agriculture et industrie), réduisant ainsi la demande de combustibles fossiles ;
2. améliorer l'efficacité de l'utilisation de l'énergie de sorte que moins de combustibles fossiles soient nécessaires pour répondre aux demandes d'énergie «d'utilisation finale», ce qui entraîne une diminution des émissions de CO2 ;
3. remplacer les combustibles fossiles à forte teneur en carbone, comme le pétrole, par des solutions de rechange à faible teneur en carbone ou à teneur nulle en carbone, comme le gaz naturel et les sources d'énergie renouvelables ;
4. capturer et séquestrer le CO2 émis par la combustion des combustibles fossiles afin d'empêcher son rejet dans l'atmosphère.
Le processus général de changement technologique peut être caractérisé comme comportant un certain nombre d'étapes. Différents termes sont utilisés dans la littérature pour décrire ces étapes, mais quatre descripteurs couramment utilisés sont les suivants :
- L'invention : la création de nouvelles connaissances ou de nouveaux prototypes basée essentiellement sur la recherche et le développement (R&D), y compris la recherche fondamentale et appliquée.
- L’innovation : elle repose sur deux étapes critiques, à savoir l'adoption et la diffusion du produit pour réduire les émissions de GES par le biais du changement technologique : création d'un produit ou d'un processus commercial nouveau ou amélioré.
- Adoption : Déploiement et utilisation initiaux de la nouvelle technologie.
- Diffusion : Adoption et utilisation de plus en plus répandues de la technologie.
En 2015, lors de la Conférence des Nations unies sur le changement climatique à Paris, vingt pays, dont le Royaume-Uni, les États-Unis, la Chine et l'Inde, se sont engagés à doubler leurs investissements publics dans les technologies à faible émission de carbone dans le cadre de l'accord «Mission Innovation».
En outre, la Commission européenne a élaboré une stratégie pour une Europe plus verte et sans carbone afin de soutenir l'innovation dans ce domaine.
Au niveau du secteur privé, l'Energy Breakthrough Coalition de Bill Gates a mobilisé les investisseurs sur des innovations révolutionnaires pour lutter contre le changement climatique.
Les technologies nouvelles ou améliorées peuvent permettre à des dispositifs tels que les appareils électroménagers d'utiliser l'énergie plus efficacement, réduisant ainsi leur consommation d'énergie et leurs empreintes.
Les nouvelles technologies peuvent créer des vecteurs énergétiques et des produits chimiques de substitution qui émettent moins de GES par unité de produit ou de service utile (comme les sources d'énergie renouvelables ou les nouveaux engrais à faible teneur en azote).
De même, ces nouvelles technologies peuvent fournir des biens et des services à moindre intensité de GES, comme le remplacement des déplacements en voiture et en avion par la téléconférence et le télétravail.
Toute stratégie réussie de réduction significative des émissions de GES nécessitera des actions non seulement pour déployer les technologies à faibles émissions qui sont disponibles aujourd'hui, mais aussi pour encourager l'innovation sur les nouvelles technologies qui sont nécessaires. C'est pourquoi, ces dernières années, on observe un intérêt croissant pour favoriser l’innovation et le rôle que peuvent et doivent jouer les gouvernements dans ce processus.
Il faudra, par ailleurs, non seulement un ensemble de politiques, mais aussi une injection de ressources financières pour la phase d'innovation technologique et des ressources humaines pour soutenir chaque étape du processus de changement technologique. Le rôle de la stratégie gouvernementale est particulièrement crucial pour favoriser les innovations qui s'attaquent au problème du changement climatique.
Ainsi, pour parvenir aux importantes réductions des émissions de gaz à effet de serre nécessaires pour atténuer les risques de changement climatique, un large éventail de politiques est nécessaire, non seulement pour encourager l'innovation technologique, mais aussi l'adoption ultérieure de nouvelles technologies par un large éventail d'acteurs, notamment les particuliers, les gouvernements et les entreprises, qu’elles soient privées ou étatiques.
Les politiques visant à favoriser l'innovation devraient comprendre une combinaison de mesures sous la forme de textes réglementaires qui fixent directement ou indirectement des limites aux émissions de GES, il pourrait être un fruit du nouveau groupe parlementaire sur le climat et l’environnement, ce dernier va contribuer, par voie législative, à accélérer l'adoption d'innovations technologiques plus propres, par exemple par le biais de la taxation du carbone, de la réglementation en matière d'environnement et de sécurité et d'abattements fiscaux ou de subventions de prix aux consommateurs pour compenser le pouvoir de marché des technologies en place offrant des alternatives moins respectueuses de l'environnement, et sous la forme de politiques technologiques qui œuvrent à fournir des incitations volontaires pour encourager l'innovation technologique et le déploiement.
Pour tirer pleinement parti de l'innovation technologique, le portefeuille des politiques doit également soutenir la diffusion des connaissances, et cela en soutenant financièrement l'éducation et la formation.
Enfin, la réduction des émissions de GES grâce à des innovations dans les technologies nécessitera un nombre accru de personnes qualifiées, notamment des ingénieurs et des scientifiques dans un large éventail de disciplines, y compris les sciences sociales.
Pour conclure, ce sont les gens qui innovent. Tant les pouvoirs publics que le secteur privé ont un rôle essentiel à jouer pour attirer et retenir les personnes les plus compétentes et les plus brillantes afin de relever les défis et d'inventer les possibilités d'atténuation du changement climatique.
N. D.

PUBLIÉ 18-10-2022