Les instruments d'expertise, d'évaluation et d'ingénierie de l'action publique peuvent être analysés en tant que ressources de légitimation des acteurs de l'action publique. En effet, pour certains acteurs, le recours à ces instruments peut permettre d'entrer sur la scène politique, d'y défendre certains principes d'action, de donner un contenu à un espace d'action institutionnellement constitué ou fournir des instruments de pilotage. De façon générale, les instruments de l'ingénierie politique participent à une stabilisation du jeu politique comme par exemple la stabilisation des pouvoirs locaux (dispositifs d'évaluation de la politique de la ville) et permettent de penser le changement dans l'action publique. Selon la définition de P. Lascoumes et P. Le Galès, évoquée dans leur livre intitulé L'action publique saisie par les instruments : Gouverner par les instruments, «les instruments de l'action publique ne sont pas des outils axiologiquement neutres, et indifféremment disponibles. Ils sont au contraire porteurs de valeurs, nourris d'une interprétation du social et de conceptions précises du mode de régulation envisagé. Un instrument d'action publique constitue un dispositif à la fois technique et social qui organise des rapports sociaux spécifiques entre la puissance publique et ses destinataires en fonction des représentations et des significations dont il est porteur». Ainsi, ces auteurs soulignent que l'aspect technique et l'aspect social ne peuvent être séparés. Les mêmes auteurs ajoutent que ces instruments comportent des fonctionnalités, des possibilités et participent au cadrage de l'action publique. Â Selon Michel Callon et Alain Rip, l'expertise va de pair avec la mise en place d'un «ensemble de règles et prescriptions concernant la nature et la forme des rapports entre certaines catégories d'humains et de non-humains» et se définit selon l'assemblage de trois pôles : Â - un «pôle scientifico-technique» qui construit les savoirs; Â - un «pôle sociopolitique et économique» composé d'acteurs humains, avec leurs compétences, leurs projets et leurs intérêts, lieu de conflits et de débats; Â - un «pôle réglementaire» renvoyant aux «procédures et règles qui constituent autant de directives ou de recommandations pour le travail des experts», la transgression de ces règles pouvant être source de litiges. Â L'évaluation des politiques publiques peut être appréhendée comme un outil pour apprécier les effets des actions publiques. Elle est en effet alimentée par l'idée de «justification» qui permet de créer ou de recréer le lien entre «efficacité et démocratie» et «efficacité et légitimité». L'évaluation peut se justifier par le principe d'»accountability» parfois traduit par le concept de «redevabilité» défini comme «l'obligation de rendre compte de façon claire et impartiale sur les résultats et la performance, au regard du mandat et/ou des objectifs fixés». Ainsi, ce concept s'appuie sur l'article 15 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui préconise l'obligation pour les autorités publiques de rendre des comptes au peuple du bon usage des pouvoirs qui leur ont été confiés au nom de l'intérêt général. En outre, l'évaluation est fortement associée à la modernisation de l'action publique. Â Par ailleurs, l'idée d'assumer les responsabilités politiques est présente dans le principe d'évaluation. Ainsi, il est souvent recommandé de faire la distinction entre les rôles politiques et techniques, et donc de séparer clairement les acteurs qui mesurent (les chargés d'évaluation) et les acteurs qui jugent (l'instance d'évaluation). L'instance d'évaluation, qui porte un jugement de valeur sur la politique, est composée des responsables politiques (au sens large). Les chargés d'évaluation (experts, scientifiques) mesurent et ont pour mission la collecte et le traitement des données. Â En effet, l'ingénierie politique s'intéresse à l'efficacité de l'Etat en matière de réformes structurelles et institutionnelles qui dépendent dans une large mesure de la «discipline» de l'exécution et de l'évaluation des programmes d'amélioration concernés. Ceci dit, le développement réel à travers de nouveaux instruments politiques par exemple en Algérie doit progresser et surtout doit se faire sentir sur le terrain. Il semble que le développement algérien a besoin encore d'une véritable révolution des instruments de l'action publique. Â Il y a politique publique efficace, d'après Pierre Muller, lorsqu'une autorité politique nationale ou même locale, tente, au moyen d'un programme d'action coordonné, de modifier l'environnement culturel, social, économique ou politique. Autrement dit, cette politique publique ne peut se transformer en objet d'intervention publique rationnelle qu'en fonction de l'image que s'en font les acteurs ou les stratèges de cette ingénierie politique. En effet, cette dernière revient à construire une représentation, une image de la réalité sur laquelle on veut intervenir. C'est en référence à cette image cognitive que les acteurs vont organiser leur perception du système, confronter leurs solutions et définir leurs propositions d'action. Â L'exercice du pouvoir politique, économique et administratif aux fins de la bonne gestion des affaires de ce pays doit faire appel à l'action de l'Etat, c'est-à-dire à plus d'efficacité des institutions du secteur public, du pouvoir législatif, du pouvoir judiciaire et des services publics, mais aussi à la participation du secteur privé, des organisations de la société civile et des citoyens. Â Afin d'améliorer la gestion des affaires de l'Algérie, il s'agit de concentrer les efforts dans certains domaines que l'on peut qualifier de priorités stratégiques : la contribution au développement d'une culture politique démocratique qui passe par la mise en place de systèmes politiques ouverts et responsables et par le développement de structures facilitant la participation effective de tous les citoyens; la distribution des forces et la clarification dans le positionnement des projets de société des partis politiques; la décentralisation comme voie pour améliorer la prestation et l'accessibilité des services aux citoyens (introduire la démocratie de proximité); la participation efficace de la société civile qui doit agir comme un lien de communication entre la population et l'Etat; la collaboration société civile - médias pour contribuer à promouvoir l'éducation civique; l'amélioration du pouvoir judiciaire et de l'Etat de droit ainsi que la modernisation des législations pour les rendre conformes aux dispositions institutionnelles conçues; l'amélioration du rendement du Parlement; le renforcement et la modernisation de l'administration qui signifie aussi la réforme de la fonction publique; le renforcement de toutes les structures en les dotant des ressources humaines et matérielles nécessaires et en assurant une meilleure utilisation de ces ressources ainsi qu'une meilleure adéquation entre les exigences des postes d'actions publiques et les qualifications des titulaires. Â Enfin, pour arriver à conduire de manière efficace les structures d'un pays, il s'agit de mettre en avant la notion d'ingénierie de gouvernement qui doit viser efficacement l'ensemble des outils, des techniques, des dispositifs et des savoirs mobilisés dans l'action politique. Ces derniers peuvent découler d'une démarche exprimée et intentionnelle de rationalisation des rapports sociaux, et provenir d'autres expériences et de savoir-faire déjà utilisés ailleurs. Il est important de tirer profit de ces «expériences et savoir-faire» qui ont été objectivés et standardisés pour permettre de retrouver ce qui fait la substance de la bonne politique. Force est de conclure que tout l'effort doit être fait pour que le pays évolue avec des changements réels. Il s'agit de dire que tout l'art de gouverner dans ce pays doit être résumé dans cette aptitude à fonctionner non par défaut mais par «personnalisation» en optant pour une opération de «recodage» du réel à travers la définition de modes opératoires susceptibles de définir un programme d'action politique. *Docteur En Sciences Politiques (Politologue) Â
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Posté Le : 31/05/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Riadh Bouriche*
Source : www.lequotidien-oran.com