Les vieux quartiers de la ville ne fleurent plus le jasmin et l'eau de
fleur d'oranger qui faisaient le charme et l'irrésistible attrait de la cité.
Les Constantinois ne reconnaissent plus leur ville, aujourd'hui défigurée. Ils
ont du mal à retrouver ces îlots bucoliques où ils ont passé une partie de leur
enfance entre les odeurs de nougat, de menthe fraîche, de beignets bien chauds,
affectueusement bercés par des versets coraniques qui inondaient de leurs
murmures tous les vieux quartiers de Cirta.
La Souika millénaire a été le
premier bastion à tomber sous les coups de boutoir d'un pseudo modernisme. Une
à une, les maisons se lézardaient, pour finir par se toucher, épaule contre
épaule, dans un ultime geste de survie. Les unes après les autres, elles
s'écroulaient, terrassées par l'usure impitoyable. Le plus vieux quartier de
Constantine s'est donc effondré pour laisser place à une armée de commerçants
d'un genre nouveau. On y vend et on y achète mille et une choses, mille et un
objets allant du neuf à la brocante.
Il est mort de sa belle mort,
suivi dans son trépas par ce fameux quartier des El-Djezzarine, où les
Constantinois venaient au moins une fois par semaine acheter les meilleures
viandes de la ville. Aujourd'hui, El -Djezzarine, lui aussi infecté par le
virus de l'informel, vient de succomber au mal incurable du mercantilisme. Un
chapelet de bijouteries est venu occuper les lieux et les rares boucheries qui
font de la résistance savent que leurs jours sont comptés.
A moins de deux cents mètres de
ce légendaire El-Djezzarine moribond, tout est chamboulé à la fameuse place des
Galettes (Rahbat Essouf) et le droit d'aînesse qu'elle revendique sur Sidi
Djeliss, le fief des confiseurs et des dinandiers. Aujourd'hui tarie, la
fontaine de Sidi Djeliss ne se souvient plus des grosses outres de petit-lait
que ramenaient quotidiennement des paysans.
La place des Galettes a perdu de
sa superbe et enterré ses cafés turcs (Djezoua), ses petits artisans tellement
utiles, à l'image de ces réparateurs de parapluies, ces bonnetiers, ces
passementiers, marchands de tissus, ces vendeurs de primeurs et combien
d'autres commerces de proximité. Tout a disparu sous les flots déchaînés de la
course au gain. La belle oasis, aujourd'hui dévastée, n'est plus que nostalgie.
Assailli de toutes parts par des centaines de tables, le marché couvert, jadis
florissant, est devenu inaccessible. Les marchands de fruits et légumes et les
vendeurs de dattes ont été phagocytés par ces commerces anarchiques où
fleurissent des produits étrangers de piètre qualité. Les produits proposés
varient selon la saison et les événements du moment. Ce sont des cosmétiques
aujourd'hui, qui vont, deux jours plus tard, céder la place aux tabliers ou aux
fournitures scolaires.
A l'extérieur du marché, on
trouve des vendeurs de vaisselle, au moins une vingtaine de marchands de pizza
exposée à tout ce qui menace l'hygiène. Les marchands de confiseries orientales
foisonnent, alors même que certains fonctionnaires prennent des congés pour
exercer le métier provisoire de marchand de zalabia. Plus rien ne peut être
contrôlé et plus personne ne contrôle personne dans un capharnaüm bien
difficile à décrire et bien difficile à digérer.
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Posté Le : 13/09/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Rahmani Aziz
Source : www.lequotidien-oran.com