On peut gloser à
perdre l'haleine sur la fiabilité des statistiques publiées sur le taux
d'inflation ; encore tout récemment, une réunion de spécialistes algériens a
souligné la faiblesse du système de collecte et de traitement des données
relatives
à l'état de l'économie, comme à l'évolution
des prix.
La fiabilité
totale et parfaite des données statistiques est hors d'atteinte
Il a été, maintes fois, déclarés par les
officiels en charge de cette activité que les normes internationales de calcul
des différents indices reflétant l'inflation sont suivies et qu'il n'y a pas de
raison majeure de rejeter en bloc les chiffres publiés dans ce domaine. La
fiabilité des données statistiques portant sur les agrégats économiques, y
compris ceux relatifs à l'évolution des prix, n'est jamais parfaite en Algérie
comme ailleurs dans le monde/ et même dans les pays les plus avancées des voix
s'élèvent pour critiquer les méthodes du taux d'inflation ;et comme il s'agit
d'un indice établi par les autorités publiques, il plane toujours le soupçon
que les méthodes de calcul de cet indice et les données qui y entrent , sont
manipulés à des fins politiques.
La collecte et le traitement de l'information
économique est coûteuse. De plus, il existe des méthodes statistiques
permettant de déterminer le degré de fiabilité des données recueillies et
traitées, et tant que la marge d'erreur ne dépasse pas la rangée des 5 pour
cent en plus et en moins par rapport à la réalité que l'on veut saisir, les
indices calculés sont fiables.
Cependant, il reste la possibilité pour les
autorités publiques de diffuser des indices « fabriqués » pour la circonstance,
et qui n'ont rien à voir avec les données collectées et traitées !
Cette manipulation des indices, dont l'effet
attendue est de rassurer le consommateur ou le producteur, risque de ne pas
avoir le résultat voulu, car, par définition, on peut tout cacher dans une
transaction sauf le prix auquel elle a été conclue.
Et nul acteur sur le marché n'a besoin de
tenir ses propres séries de prix pour s'apercevoir que l'inflation est là.
Donc, c'est un exercice dérisoire que de
tenter de cacher la réalité de l'évolution des prix, et c'est également un acte
de lâcheté politique comme un signe d'incompétence en matière de prise de
décision économique!
Bonne gouvernance
et manipulation des données statistiques
Il faut souligner que, dans les pays à
économie de marché avancée, l'indice des prix à la consommation joue un rôle
central pour assoir la rationalité de toutes les décisions économiques, et où
la transparence dans la gouvernance des affaires publiques, est , non une
exigence morale, mais une nécessité à la fois politique, économique et sociale
dont dépend la stabilité des gouvernements en place, les autorités publiques
ont une marge de manÅ“uvre en matière de manipulation des données économiques et
sociales, quelque peu limitée.
Le phénomène de l'inflation est pris très au
sérieux, car de lui dépend non seulement la survie politique des gouvernements
au pouvoir, mais également la survie des activités économiques qui fondent la
prospérité, la paix sociale, et la place des pays en cause sur l'échiquier
politique et économique international.
La stabilité des
prix : une exigence fondamentale de l'économie de marché
Par définition, en économie de marché, ce
sont les prix des biens et services consommés qui déterminent, de manière
quasiment automatique, l'orientation des investissements, et par voie de
conséquence, la création d'emplois, le taux d'épargne nationale, la structure
des exportations et des importations.
Si ces prix, quelle que soit la façon dont
leur évolution est calculée, ne sont pas stables, les différents agents
économiques- du producteur au consommateur- voient leur capacité de prendre les
décisions rationnelles qui assurent leur survie et le maintien de leur position
économique ou sociale, réduites.
L'inflation cause une situation de
ralentissement des activités économiques qui couvrent toutes les composantes du
cycle de décisions économiques, depuis la décision d'investir à la décision de
consommer, en passant par la décision d'épargner.
L'inflation, frein
à la croissance
Il y a contradiction dans les termes entre
croissance et inflation. La croissance, calculée en terme d'évolution de la
valeur de la production d'une année à l'autre, ne peut pas être au rendez-vous
dans une situation d'instabilité des prix, quelle qu'en soit la cause.
Un banquier qui n'est pas en mesure de
calculer de manière aussi précise que possible la marge qu'il peut obtenir en
accordant un crédit, dont le remboursement s'étend , par définition, sur
plusieurs mois ou plusieurs années- et tout crédit comporte des risques
inhérents qu'il s'agit de prévoir et de minimiser- n'a aucun intérêt à prêter
sur de longues périodes de temps et à des taux d'intérêts supportables pour
l'emprunteur.
Un épargnant, qui voit le pouvoir d'achat de
son revenu fondre, sans même qu'il l'utilise, n'a plus de raison, ni le plus
souvent même, de moyen, de mettre de côté de l'argent pour de grosses dépenses
futures, comme l'achat d'un logement, d'une voiture ou même d'un appareil
électroménager.
L'investisseur, qui veut établir un plan
d'affaires fondé sur un minimum de prédictibilité des sommes qu'il aura à
prévoir pour acheter ses équipements et payer sa matière première et ses
travailleurs dans la période de lancement de sa production, et fixer le prix de
ses produits pour qu'ils trouvent preneurs, ne peut qu'hésiter si la tendance
des prix est à la hausse ou à l'instabilité.
Inflation, Spéculation
et Corruption : un Trio Inséparable
Il ne reste plus sur le marché que les
spéculateurs, c'est-à-dire des acteurs économiques, qui par définition, ne
contribuent pas à la croissance, mais profitent des désordres du marché,
reflétés par des taux d'inflation élevés, pour accumuler des richesses.
Le spéculateur est un opportuniste qui
profite des déficiences des politiques économiques publiques, pour se
construire rapidement une fortune. Son horizon économique est en général
extrêmement court ; dans ses cartes, il n'a en vue ni l'investissement à long
terme créateur d'emplois et de richesse, ni le service du consommateur pour la
fourniture de biens et de services à des prix abordables.
En fait, en période d'inflation, seul le
spéculateur s'enrichit ; les producteurs de biens et services, soumis aux aléas
de l'évolution des prix et de la baisse de la demande pour leurs produits qui
en résultent, voient leurs marges bénéficiaires augmenter en chiffres, mais en
fait, se réduire en terme de pouvoir d'achat ; les consommateurs des produits
finaux ne peuvent tenir un budget, si primitives soient les méthodes qu'ils
utilisent pour répartir leur revenue entre différents emplois ; les banquiers
ont le choix soit de prêter à des taux inférieurs au taux d'inflation avec pour
conséquence de recevoir, en terme de pouvoir d'achat, moins que les sommes
qu'ils ont prêtées, soit d'ajuster leurs taux d'intérêts et, donc leur marge
couvrant les dépenses de gestion et les bénéfices, au taux d'inflation et ,
voir, par conséquent, se réduire le nombre de leurs clients.
Quand la spéculation s'étend, parce que
l'inflation, générée par la politique économique publique déclarée ou
implicite, décourage les activités de production, la corruption se généralise,
car ceux chargés des affaires publiques n'ont plus d'autre moyen pour maintenir
leur mode de vie que de vendre à titre privé les services qu'ils gèrent pour le
compte de l'Etat.
L'inflation n'est
pas une scorie inséparable de la politique économique
Seules les décisions économiques prises par
les autorités publiques peuvent créer une situation d'inflation. Tous les
autres acteurs, producteurs de biens ou services, distributeurs, ou simples
consommateurs, n'ont ni le poids économique et financier, ni la puissance
politique leur permettant d'avoir, par leurs décision, un effet sur les prix de
tous les biens et services tels que ces prix augmentent dans leur globalité, et
quels que soient leur nature ou leurs consommateurs finaux.
L'inflation, ici, comme partout dans le
monde, est la conséquence directe et incontournable de politiques économiques
gouvernementales qui font fi de l'impact de cette politique sur le niveau et
l'évolution des prix.
L'inflation n'est donc pas un phénomène
neutre dans sa relation avec la politique économique publique.
Au vu de l'effet de frein causé sur
l'économie nationale par l'inflation,-et on ne peut trop le souligner, -Il y a
contradiction dans les termes entre une politique visant à la croissance et la
diversification de la production nationale, d'un côté, et l'acceptation d'un
taux d'inflation élevé.
Lorsque l'autorité publique est le premier
investisseur dans le pays,-comme c'est le cas pour l'Algérie ou, suivant les
dernières données publiées, a financé, au cours de ces dernières années,
soixante dix huit pour cent des investissements productifs, - la liaison entre
inflation et politiques économiques étatiques est d'autant plus avérée.
L'acceptation de contradiction entre les
objectifs économiques et sociaux visés, d'un côté, et l'inflation, de l'autre,
est d'autant plus incompréhensible que l'Etat est un agent économique soumis
aux mêmes contraintes en termes de calcul du coût et du rendement de ses
investissements ; si cette autorité est obligée de revoir le coût de ses
engagements de manière continue du fait de l'évolution rapide du prix des biens
et services qu'elle mobilise, les objectifs économiques et sociaux qui
sous-tendent ses investissement, ne peuvent qu'être manqués; et au lieu de
consolider la croissance économique, ces investissements instaurent le désordre
dans l'économie et créent l'instabilité sociale, sans compter ses conséquences
politiques, qui peuvent être reportées, mais non supprimées.
Contrairement aux autres agents économiques,
l'Etat ne peut échapper à ses responsabilités à l'égard de la communauté
nationale ; il doit prendre en charge les effets négatifs de sa politique
économique sur la sécurité des biens et des personnes ; car c'est une
constatation qui est confortée par les faits, que la criminalité augmente avec
la détérioration du pouvoir d'achat de la monnaie nationale et ses effets
sociaux négatifs !
Donc, un Etat responsable ne peut que veiller
à ce que sa politique économique ne soit pas cause d'inflation et, en
conséquence, d'extension de la misère et des fléaux sociaux de tout genre
qu'elle entraîne. Toute politique économique qui ignore l'inflation ne peut se
poursuivre que par la répression des manifestations d'insatisfaction populaire
que cette politique provoque et entretient.
La justice pénale
et les forces de répression des mouvements de foule spontanés deviennent les
auxiliaires obligatoires de la politique économique dont la mise en Å“uvre
génère le désordre dans le système national des prix et leur évolution.
Les différents
indicateurs de l'inflation
L'inflation est une perte du pouvoir d'achat
de la monnaie nationale, qui se manifeste par l'augmentation des prix de tous
les biens et services. La méthode la plus répandue de présentation chiffrée de
l'inflation est l'indice des prix à la consommation. De manière générale, c'est
un fait accepté par les spécialistes dans le domaine que « l'indice des prix à
la consommation (IPC) est l'instrument de mesure de l'inflation. Il permet
d'estimer, entre deux périodes données, la variation moyenne des prix de
produits consommés par les ménages ; c'est une mesure synthétique de
l'évolution pure de prix de produits, c'est–à-dire à qualité constante. » Cette
définition a été tirée du site internet de l'INSEE française et correspond à la
définition qui en est donnée sur le plan international, S'agissant d'une
définition générale, la citation donnée ci-dessus est valable pour l'Algérie,
dont le directeur général de l'Office National des Statistiques a, à plusieurs
reprises, indiqué que ses services suivaient les méthodes internationales de
collecte et de traitement des données statistiques et des indices
correspondants.
Les spécialistes distinguent, cependant,
entre plusieurs indices reflétant l'évolution des prix : non seulement l'IPC,
mais également l'indice du pouvoir d'achat, l'indice des prix à la production,
le déflateur du Produit Intérieur Brut, l'indice des prix des matières
premières, etc. Cependant, -et bien que chacun de ces indices puisse être
établi indépendamment les uns des autres et par des approches différentes, même
si les mêmes données de base utilisées sont, à quelques éléments près,
identiques ,-parce que la finalité de toute activité de production de bien et
de service est sa consommation, sous une forme ou une autre, par l'acheteur
final du bien ou service en cause, l'IPC est considéré comme l'indice de
l'évolution des prix le plus important, et celui auquel les autorités publiques
doivent accorder le plus d'importance pour déterminer la cohérence de leur politique
économique avec les objectifs de croissance et d'amélioration des conditions de
vie de la population.
L'inflation, une
réalité incontestable et durable
Les prix des produits de consommation
courante connaissent une flambée quasi continue depuis ces trois dernières
années, nonobstant les variations saisonnières,-qui sont même à contre-saison ;
ce dernier fait prouve, s'il le fallait encore, que le problème n'est pas lié à
un déséquilibre entre l'offre et la demande ou à des pics de consommation comme
pendant le mois de jeûne, mais est une conséquence de la politique économique
publique mettant l'accent sur les grands travaux d'infrastructure avec appel
massif aux entreprises et à la main d'oeuvre étrangère.
Comme le signale la Banque d'Algérie dans sa
note sur les tendances financières et monétaires pour le premier semestre de
l'année 2009 : « Alors que la tendance mondiale est à la nette décélération de
l'inflation, voire une inflation négative aux Etats-Unis et dans la zone euro,
l'évolution des prix en Algérie fait émerger un nouveau défi d'inflation
endogène forte, d'autant plus que le premier semestre 2009 est caractérisé par
une contraction monétaire. Aussi, l'inflation est endogène et n'est plus
générée, dans des proportions significatives, par la hausse des produits
agricoles importés comme en 2007 et 2008; l'inflation importée s'amenuisant
considérablement,»
L'Algérie est, donc, devenue un pays à haut
niveau d'inflation, alors que dans les pays qui sont ses principaux partenaires
économiques, les taux d'inflations ont eu tendance à chuter, en particulier
depuis ces deux dernières années, conséquence de la crise économique mondiale.
L'inflation en
Algérie, la déflation dans le reste du Monde !
Il est à noter, en passant, que, comme il est
reconnu dans les analyses officielles, que notre pays a subi les effets
négatifs de cette crise, à travers la chute des recettes d'exportations
d'hydrocarbures, la réduction du montant des impôts perçus sur les
hydrocarbures, les pertes de changes liées à la dévaluation du dollar, la quasi
seule monnaie de nos recettes d'exportation, les pertes de placement du fait de
la réduction brutale des taux d'intérêts imposés par les banques centrales pour
relancer leurs économies- par rapport aux monnaies dans lesquelles sont
libellées les importations, etc.
Mais, la déflation que connaissent nos
partenaires internationaux, en conséquence directe et reconnue de cette crise
mondiale, n'a pas eu d'effet sur l'évolution du taux d'inflation dans notre
pays.
Ainsi, alors que le dernier indice des prix
publié indique une projection du taux d'inflation annuelle en Algérie égal à
5,7 pour cent, il est de 0,4 pour cent en France, de 0,5 pour cent en zone
Euro, de 0,8 pour cent en Chine (avec un taux de croissance pour 2009 de 8,9
pour cent !), de 1,3 pour cent aux Etats-Unis d'Amérique et de moins 2,3 pour
cent au Japon !
L'inflation est donc, par exemple, 14 fois
plus faible en France qu'en Algérie, 11 fois plus basse dans l'ensemble
monétaire européen que dans notre pays, etc. pour prendre la mesure de la
gravité de la situation inflationniste dans notre économie, libre à tout un
chacun peut faire le même calcul pour chacun des pays cités ici, et
qui,-faut-il le souligner ? - sont nos principaux partenaires économiques !
En conclusion :
1. La fiabilité
des informations économiques n'est jamais totale, que ce soit en Algérie ou
dans le reste du monde ;
2. Cependant, il
existe des méthodes statistiques pour déterminer une marge d'erreur qui
n'enlève pas aux données statistiques présentées sous formes d'indices ou
d'agrégats, comme le Produit Intérieur Brut ou l'indice des prix, leur utilité
comme reflets de l'évolution de l'économie et des prix;
3. Le problème
dans ce domaine est la tentation de manipuler ces donnés à des fins politiques
circonstancielles, au grand dam de l'économie ;
4. Dans les pays
à économie de marché avancée, les données économiques et sociales collectées et
traitées par les autorités publiques sont trop importantes pour le maintien de
la stabilité politique et la continuation de la prospérité, fondement de la
sécurité nationale et de la position sur l'échiquier mondiale, pour qu'elles
donnent lieu à manipulation ;
5. Les prix, en
économie de marché, constituent les indicateurs fondamentaux dans la prise de
décision des différents acteurs économiques ;
6. L'inflation,
ou augmentation générale des prix de tous les biens et services dans une
économie, constitue un obstacle à des prises de décision rationnelles par les
différents acteurs ;
7. L'inflation
est un frein à la croissance, et son acceptation par les autorités publiques
est en contradiction avec les objectifs économiques de développement et
d'amélioration du niveau de vie comme d'expansion de la production et de la
productivité nationale que ces autorités affichent et proclament comme
finalités de leur politique économique explicite ou implicite ;
8. Seules les
autorités publiques ont le poids économique, financier et politique nécessaire
pour créer la stabilité des prix ou générer l'inflation ;
9. L'inflation
n'est pas une fatalité entrainée par la politique de croissance décidée et
exécutée par les autorités publiques ;
10. Du fait de la
politique économique suivie, l'inflation s'est accélérée depuis 2006, et plus
particulièrement au cours de l'année 2009, bien que les économies des pays dont
elle est partenaire économique, connaissent la déflation ou une inflation
proche de zéro du fait de la crise économique mondiale, dont seuls les effets
négatifs ont été ressenties par notre pays ;
11. L'inflation
entraîne avec elle non seulement la spéculation, mais également la corruption
et l'accroissement de la criminalité, phénomènes négatifs dont la répression
est du ressort des autorités publiques ;
12. La réduction
de l'inflation est du ressort des autorités publiques qui doivent la mettre au
centre de leur politique économique, si elles veulent consolider la crédibilité
de leurs objectifs affichés de développement, et de renforcement de l'économie
de marché ;
13. Faute de
mesures ciblant l'inflation et visant à la réduire, la menace d'hyperinflation
avec ses conséquences économiques, politiques et sociales échappant au contrôle
des autorités, est un risque majeur qui n'a rien d'une prédiction et dont tous
les éléments constituants sont en place.
14. L'année 2010
sera-t-elle fatale pour l'évolution de l'économie nationale, si aucun train de
mesures de réduction de l'inflation ne sont prises et si elle continue à être
acceptée comme inévitable et incontrôlable ?
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Posté Le : 31/12/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mourad Benachenhou
Source : www.lequotidien-oran.com