L'infamie

« De nombreux membres de la famille Tebboune de Naâma, Oran, Sidi-Bel-Abbès, Tissemsilt et Alger ont décidé de déposer une plainte contre un professeur d'université qui affirmait, lors d'une conférence publique, détenir des preuves sur les ?'origines juives'' de l'ancien Premier ministre ». C'est ce qu'on pouvait lire hier dans une brève publiée dans la rubrique « Périscoop » du Soir d'Algérie. On y apprend également qu'une chaîne de télévision particulièrement friande de ce genre d'histoires avait repris en boucle l'information.Dans cette affaire, deux parties trouvent manifestement leur bonheur. Il y a évidemment cet « honorable professeur » qui ne devait quand même pas faire cette « révélation » comme on parle d'un fait banal ou même une trouvaille inspirée. Quand un enseignant en conférence sort ce genre de choses, c'est que le tout était de? le dire. Cela ne relèverait donc ni de l'extrapolation, ni de la contorsion ni du « scandale » d'oser cette hypothèse, largement envisageable comme conclusion, que le conférencier est allé dire son horreur dans une conférence qui n'aura été de fait qu'un prétexte. De toutes les manières, ceux qui ont assisté à la communication et ceux qui l'ont découverte après avoir été relayée ne retiendront que cela. La deuxième partie à jubiler de cette « révélation », ce sont ceux qui s'en sont saisis pour en faire un chou gras. La haine de l'autre est leur seconde nature et ce qui ne gâte rien, elle est particulièrement rentable quand il s'agit de « casser du juif ». De l'autre côté, l'un expliquant l'autre, cette descendance ethno-religieuse, qu'elle soit réelle, supposée ou carrément fausse mais soutenue quelque part, a toujours été vécue comme une suprême infamie. Personne ne s'est défendu en Algérie contre cette « accusation » avec d'autres arguments autres que ceux qui consistent à démentir le? mensonge. La réplique est systématique : non, on n'a aucune origine juive. Jamais : avoir un lien dans ce sens n'a rien d'infamant. Assumer cela, même quand il n'y a plus l'ombre d'un doute sur son évolution-intégration, s'apparente au suicide. Sinon, la famille Tebboune, comme d'autres qui ont eu à subir ce genre d'ignominies, ne se sentirait pas contrainte au démenti et dans le cas précis, aux poursuites judiciaires. Ce ne doit pas être bien difficile de trouver des choses à reprocher à M. Tebboune. Ça a déjà commencé et on n'a pas entendu sa famille s'en plaindre. Mais les autres « casseroles » ne se partagent pas. L'un dans l'autre, le conférencier est sûr de tenir en l'occurrence son coup de grâce. Et les siens semblent nous dire : tout, sauf ça, parce que là, on est touché, là, c'est insupportable ! L'accusation et la défense sont dans la même philosophie. Enfin, appelons-la ainsi par abus de langage.
S. L.