Algérie

L'inévitable et vitale réforme du système bancaire !



Lors du premier Conseil des ministres en 2021, qui marque son retour résolu aux manettes de l'Etat, le Président Abdelmadjid Tebboune a évoqué, et c'est heureux, « le point noir » qu'est le système bancaire. Ce qui augure d'une nécessaire, vitale et réelle réforme de ce secteur au cours de son mandat. Vaste chantier au demeurant !La réforme du système bancaire, frappé de sclérose bureaucratique et peu en phase avec la réalité économique du pays, est en fait une vieille antienne politique. Déjà, en juin 2017, le prédécesseur de l'actuel chef de l'Etat avait demandé au gouvernement que ce dernier dirigeait de réformer, en priorité, le système bancaire. Cette demande sera un v?u pieux. Elle le fut dans la mesure où M. Abdelmadjid Tebboune, alors Premier ministre, avait été empêché d'appliquer son plan de gouvernement dont le contenu global n'était pas conforme au maintien du statu quo et de certains intérêts catégoriels.
Le refrain de la réforme bancaire fut pourtant entonné une nouvelle fois par le Président Abdelaziz Bouteflika lors de son investiture en avril 2009. Il avait alors réitéré sa volonté « d'assainir nos institutions financières et d'engager le processus de leur modernisation». Même couplet en avril 2005, sous forme de question lancée aux cadres de la Nation : «Où est cette réforme bancaire, dont on nous parle depuis 1999 et qu'on n'a pas encore vue '» Réforme dont il a lui-même parlé au tout début de son premier mandat ! Et toujours le même Président, qui, cette fois-ci, à Sea Island, aux Etats-Unis, qui soulignait, en juin 2004, devant le G8, que «la poursuite des réformes se concentrera désormais sur la modernisation du secteur financier et bancaire». En 1999, et alors qu'il venait juste de succéder au Président Liamine Zeroual, il déclarait déjà, à l'hôtel El-Aurassi : «Il faut assurer la transformation des banques par leur adaptation aux exigences d'une économie libérale moderne.» On le voit bien, ces déclarations récurrentes indiquaient quand même l'urgence de moderniser le secteur bancaire qui est le facteur de stagnation le plus important de notre économie, et qui représente un danger majeur pour elle. Leur caractère itératif révélait l'absence totale de réforme d'un secteur antédiluvien. Ce qui montrait que tous les gouvernements qui avaient précédé celui de M. Abdelmadjid Tebboune et ceux qui lui ont succédé n'avaient donné aucune suite concrète aux velléités de réforme du Président Abdelaziz Bouteflika. Pourtant, une réforme profonde du système bancaire relève d'une plate évidence.
La mise en ?uvre d'une économie basée sur autre chose que la gestion de la rente énergétique ne peut être, en effet, combattue par de simples professions de foi ou des rustines. Elle nécessite la mise en ?uvre d'une réforme profonde qui implique de changer les paradigmes, les hommes et les méthodes de travail. Une réforme urgente, avec un grand «U» et un grand « R », celle d'un système bancaire dont la nature et le fonctionnement représentent un risque majeur pour la sécurité financière et la sûreté économique du pays. Il est absolument anormal qu'un pays à revenus intermédiaires comme le nôtre, presque totalement dépendant de la rente pétrolière, ait pris un si énorme retard dans la modernisation de son secteur financier. Là aussi le statu quo est mortifère.
La réforme est donc nécessaire pour créer ce choc de confiance pour garantir l'adhésion de tous les acteurs économiques et de la population. Faut-il le répéter encore, nos banques publiques fonctionnent comme un oligopole sclérosé qui recycle les dépôts issus des revenus pétroliers et n'accorde des financements qu'aux entreprises publiques et surtout à des entreprises privées privilégiées. Les PME-PMI, qui représentent la part la plus importante du tissu économique et qui doivent être le vrai moteur de la croissance et de l'emploi, peinent à obtenir des financements même modestes. Le marché interbancaire ou ce qui en tient lieu ne fonctionne pas comme il le devrait. Les banques publiques ne coopéraient pas avec les banques privées qui sont toutes à capitaux étrangers.
Après la liquidation de Khalifa Bank, l'Algérie s'est placée dans la catégorie peu enviable des rares pays au monde à ne pas disposer de banques à capitaux privés nationaux. En outre, et c'est encore déplorable, une part très importante de la liquidité monétaire échappe au système bancaire. Les raisons sont connues : défiance vis-à-vis des banques et absence de supports de placement et d'épargne assez attractifs. S'ajoutent aussi le faible développement de la monétique et les retards inouïs et incompréhensibles dans la mise en ?uvre du paiement électronique. Reste ensuite la question de la Bourse. Son développement est fortement pénalisé par l'absence de professionnels en nombre et en qualité pour animer le marché. Notamment pour encourager les entreprises publiques et privées à émettre des titres de dette ou des actions.
Il faudrait donc repenser la notion même de patriotisme économique ou de souverainisme financier, comme nous le servaient les discours creux et la langue de bois de nombre de gouvernements. Le patriotisme économique, le vrai, a pour seule philosophie la performance de l'économie et son pouvoir de création de richesses et d'emplois. Le protectionnisme ne doit pas signifier la perpétuation des logiques rentières et de l'économie administrée. Seul compte le souci permanent d'élever la productivité, de stimuler l'innovation et de créer les emplois nécessaires pour assurer la stabilité politique et sociale. Une telle transformation, si elle est lancée, comme l'exprime la volonté du Président Tebboune, et menée surtout à son terme, aura une incidence profonde sur la place de l'Etat dans l'économie. La dépense publique ne serait plus alors le moteur principal de l'économie, mais le stabilisateur et le soutien à des activités à «externalités positives» comme la recherche-développement.
Cette inévitable, vitale et véritable entreprise de transformation exige de s'appuyer sur des hommes et des femmes de choc. Ça devrait être théoriquement le cas d'un futur gouvernement ad hoc. C'est-à-dire de combat.
N. K.


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