Algérie

L'indépendance de la Banque d'Algérie vue par Mustapha Nabli Analyse éco : les autres articles



Le gouvernement de transition de la Tunisie a tenté, la semaine dernière, de mettre sous sa coupe la BCT, la Banque centrale tunisienne. Mal lui en a pris. Le gouverneur de la BCT, Mutapha Nabli, s'est fondu d'un communiqué pour rappeler que la politique monétaire du pays est de sa responsabilité, que c'est la loi qui le dit, et que tant que cette loi n'est pas changée, il ne saurait en être autrement. Les Algériens peuvent longtemps rêver d'une telle sortie du très lisse Mohamed Laksaci, gouverneur de la Banque d'Algérie en résistance à un des innombrables oukases que lui adresse le Premier ministre et qu'il exécute avec un zèle proche du burlesque. Cela a autant de chance d'arriver que de voir le président du conseil constitutionnel donner la priorité au respect de la constitution face aux ordres du palais d'El Mouradia.
C'est bien sûr le grand marqueur d'un archaïsme atavique. Tout cependant n'est pas simple dans le débat d'école sur le statut des banques centrales. L'indépendance de la Banque centrale vis-à-vis du pouvoir politique est une invention du capitalisme avancé. Elle est assimilée à un indicateur de modernité dans la gouvernance. Pas neutre. En Occident, historiquement, l'idée de mettre à l'abri de l'injonction politique les administrateurs des instituts d'émission est d'inspiration droitière. Les possédants détestent l'inflation plus que les salariés et les démunis dont le premier «souci» est l'emploi. Ce sont les riches qui détiennent le plus d'actifs «dépréciables».
Eux qui ont le plus à perdre d'une inflation galopante. Par ailleurs bonne pour personne. L'avènement en Europe, dès avant la Seconde Guerre mondiale, de gouvernements dominés par les socialistes liées à l'Internationale ouvrière, a stimulé les dépenses publiques. Le Keynésianisme et le New Deal américain ont donné une légitimité théorique et opérationnelle à des politiques d'expansion monétaires et budgétaires. Nécessairement inflationnistes. Tant que la croissance était là, la bourgeoisie a fait le dos rond. La fin des trente glorieuses a sonné la contre-réforme néolibérale. Comme il ne pouvait pas être question de constitutionnaliser la lutte contre l'inflation, les gourous monétaristes ont bien vu que la Banque centrale était un territoire que les dominants pouvaient soustraire à l'alternance politique.
Piège redoutable. Qui s'est refermé sur l'Europe avec la crise des dettes souveraines. Les Etats-Unis, eux, ont maintenu, en dépit de leur enseignement de façade, un puissant canal de «négociation» du politique avec l'autorité monétaire. Alors même que Henry Paulson, le secrétaire au Trésor américain a coordonné tous les matins avec Ben Bernanke, le président de la FED, le plan de sauvetage de Wall Street avec de l'argent public en septembre 2008, les gouvernements européens sont restés engoncés jusqu'au bout sous le diktat de la Banque centrale européenne et du «non-financement de la dette par la monnaie». Il n'existe en réalité pas de Banque centrale totalement souveraine. Ni vis-à-vis du politique, ni désormais vis-à-vis des marchés et de leurs reflets, les agences de notation.
Certes. Mais ce qui a été poussé au dogme en Europe, n'est pas dépourvu de progrès pour les pays émergents. L'indépendance des instituts d'émission dans les pays du Sud est d'abord perçue comme une capacité à bien gérer l'économie sans le secours de l'artifice monétaire. Un gouverneur de Banque centrale aux ordres du pouvoir politique peut conduire au pire. En Tunisie, il a permis au clan Ben Ali-Trabelsi de légaliser sa rapine. Sous d'autres cieux, les banquiers centraux se mettent au service de gouvernements autocratiques et populistes, faisant marcher la planche à billets à volonté. Vendant une crise des finances publiques à la décennie suivante. Le point d'équilibre d'une indépendance suffisante de la Banque centrale est une recherche permanente. Elle est en cours en Tunisie. La première estocade d'un gouvernement en difficulté pour faire face aux immenses attentes sociales a été repoussée.
Les politiques reviendront à la charge. Et Mustapha Nabil devra compter sur les agences de notation et les bailleurs de fonds multilatéraux qui ne vont pas apprécier que les prérogatives de la BCT soient rognées. En Algérie, la cause est entendue. Le pays a besoin de réduire l'informel ' La Banque d'Algérie bloque l'agrément des nouvelles agences bancaires. L'économie a besoin des IDE ' La Banque d'Algérie retient les rapatriements des dividendes de ceux qui ont choisi l'Algérie pour investir. Les entreprises algériennes ont besoin d'exporter et de se déployer à l'international ' La Banque d'Algérie interdit l'exportation de capitaux pour créer de la valeur ailleurs. Son gouverneur ne peut même pas dire, pour tout, qu'il applique le règlement voté par d'autres. Il est indépendant.


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