Algérie

L'indépendance de l'Algérie était inévitable, pas un "cadeau" (historiens)


L'indépendance de l'Algérie était inévitable, pas un
L'indépendance de l'Algérie, il y a cinquante ans, était inéluctable et le gouvernement de la puissance coloniale finissante, à sa tête le général de Gaulle, n'a fait que prendre acte d'une victoire algérienne annoncée, notamment après le soutien international apporté à la cause nationale, ont affirmé des historiens interrogés par l'APS.
Battant en brèche la thèse selon laquelle l'indépendance à l'Algérie avait été "offerte" par le dirigeant français de l'époque et la volonté délibérée de délégitimer la guerre de libération nationale en évoquant trop souvent les "exactions" commises au nom du FLN et la "riposte" de la force coloniale qui s'ensuivait, l'historien Gilles Manceron estime que ces arguments cherchent à faire croire que la lutte du peuple algérien ne relève pas de la "résistance légitime".
"Cela vise à ne pas lui (le peuple) reconnaître d'avoir obtenu une grande victoire, qui est en même temps une victoire de portée universelle, une victoire du principe des droits de tous les peuples à l'indépendance", a affirmé le vice-président de la Ligue française des droits de l'homme.
Pour lui, la supériorité de la France en armement et en moyens militaires lui a permis, jusqu'au cessez-le-feu de mars 1962 où elle a reconnu cette victoire, de faire "illusion" en contrôlant une grande partie du territoire de l'Algérie.
"Mais les maquis et les réseaux du FLN et de l'ALN ne cessaient de se reconstituer et l'appui populaire à cette cause augmentait sans cesse, le peuple recourant aussi à d'autres formes de lutte que la lutte militaire, notamment les manifestations, en Algérie comme dans l'émigration", a ajouté l'historien.
Selon son analyse, le soutien international en faveur de la cause nationale, lui aussi, n'a cessé de croître et a rendu cette victoire "inéluctable" et le général de Gaulle, a-t-il dit, n'a fait qu'en prendre acte.
L'indépendance acquise au prix d'une âpre lutte
Par ailleurs, le spécialiste du colonialisme français pense qu'on met "trop souvent" sur le même plan les diverses violences qui ont été commises pendant la guerre d'indépendance nationale, alors que le recours à la lutte armée par les nationalistes algériens leur a été "imposé par la violence de la répression et les blocages de la situation coloniale, et, en cela, c'était une résistance légitime".
Ce qui n'exclut pas de faire une "histoire précise" de cette guerre durant laquelle certaines violences apparaissent, avec le recul de l'histoire, comme "inutiles ou contraires aux principes des droits de l'homme", a toutefois observé l'historien pour qui cela est un travail qui revient aux historiens, et, en premier lieu, aux historiens algériens, aux Algériens des nouvelles générations.
Pour l'historien Tramor Quemeneur, il est "bien évident" que l'indépendance de l'Algérie n'était pas ce "cadeau" octroyé par le général de Gaulle.
"L'indépendance n'a été acquise pour les Algériens qu'au prix d'une âpre lutte de presque huit années. Cette lutte s'est déroulée sur tous les fronts : militaire bien sûr, mais aussi politique et diplomatique. Il ne faudrait pas non plus oublier la résistance quotidienne des Algériens dans leur soutien aux militants et aux combattants", a-t-il observé.
Interrogé sur ce discours savamment entretenu en France selon lequel l'armée coloniale ne faisait en fait que riposter à de supposées "exactions" qui auraient été commises contre des civils européens au nom du FLN, il a relevé que "la guerre des mémoires qui sévit de part et d'autre de la Méditerranée passe par une tendance à exagérer les chiffres, à minorer les actes commis par son propre camp et à majorer ceux perpétrés par l'autre camp".
La guerre s'est durcie après l'arrivée de de Gaulle au pouvoir
"La guerre d'indépendance a par ailleurs constitué ce que les spécialistes appellent un +conflit asymétrique+" où la population joue un rôle prépondérant" a constaté l'universitaire, expliquant que de ce fait, dans ce type de conflit, les exactions commises contre la population sont d'autant plus importantes, mais cela "ne peut en aucune manière les justifier quel que soit le camp auquel ces populations appartiennent, si tant est qu'elles appartiennent à l'un des camps en présence".
"La guerre est une affaire de combattants, pas de civils", a-t-il martelé.
Pour l'historienne et chercheuse à l'Institut d'histoire du temps présent (CNRS), Malika Rahal, la thèse selon laquelle la France aurait "offert" son indépendance à l'Algérie, est plutôt une "idée reçue, rapidement dite par ceux qui veulent dénoncer de Gaulle, pour avoir +abandonné+ l'Algérie".
"Elle se placerait donc plutôt dans un contexte français que comme une critique du FLN et du combat pour l'indépendance algérienne", a-t-elle analysé, signalant que le temps mis entre l'arrivée du général de Gaulle au pouvoir, en 1958, et la conclusion des accords d'Evian, en 1962, "révèle au contraire que même l'acceptation de la nécessité de négocier a été, côté français, une chose difficile".
L'auteure d'"Ali Boumendjel, une affaire française, une histoire algérienne" (Belles Lettres, 2010, et Barzakh, 2011), cite par ailleurs les témoignages de combattants de l'ALN qui concordent, selon elle, pour indiquer que la guerre s'est considérablement durcie après l'arrivée de de Gaulle au pouvoir.
"C'est durant cette période qu'ont été lancées certaines des plus grandes opérations de la guerre : le plan Challe, les opérations Jumelles ou Pierres précieuses notamment", a-t-elle rappelé, affirmant que le gouvernement français n'était donc pas dans une position de retrait, d'abandon ou de mollesse.
L'Algérie a recouvré son indépendance le 5 juillet 1962, après une colonisation française de 132 ans, presque jour pour jour, et une âpre lutte de libération (1954-1962) qui a abouti à la signature des accords d'Evian en mars 1962 et un référendum d'autodétermination en juillet de la même année.
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