L'incontinent continent

Préfacé par l’ancienne ministre malienne de la Culture, Aminata Traoré, l’ouvrage de Samou Mbaye, «L’Afrique au secours de l’Afrique»* se veut à la fois une analyse et un plaidoyer. Chroniqueur politique et économique, Samou Mbaye a été longtemps haut fonctionnaire de la Banque africaine de développement. Il commence par dresser un bilan de la situation de l’Afrique en montrant que la pauvreté endémique qui la caractérise n’est pas une fatalité, mais le résultat de causes structurelles. Au passage, il brosse un tableau de l’horreur continentale avec ses tristes records au plan du niveau de vie, de la santé, etc. Cette désolation humaine s’aggrave d’une catastrophe écologique annoncée avec une situation hydrique terrible, la destruction annuelle de 13 millions d’hectares de forêt naturelle, etc.
Mbaye s’applique à dénoncer l’hypocrisie des grandes puissances, promptes à se lamenter sur l’Afrique et à donner des leçons, mais incapables de tenir leurs promesses. Il en donne plusieurs exemples dont l’engagement de 2005 de doubler l’aide au développement en faveur de l’Afrique. A ses yeux, les institutions financières internationales ne sont qu’un piège et leurs programmes et mesures, poussant à l’ultralibéralisme, se traduisent par un enlisement perpétuel. De même, il décortique le fonctionnement de l’OMC, qui, par ses pratiques discriminatoires, concourt à destructurer davantage les économies africaines, ainsi que la survivance de «reliques coloniales», telles que le franc CFA, qu’il appelle à abolir. L’auteur n’est pas plus tendre avec les siens. Les résultats de l’unité demeurent en-deçà des espoirs suscités dans la foulée des indépendances et il doute de la volonté des dirigeants africains de concrétiser cet idéal qu’il attribue notamment au «plagiat des institutions européennes», ainsi qu’à la coupure entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne. Il ne voit d’avenir que dans la résurgence d’un panafricanisme nouveau et multiple (économique, culturel…) qui saurait s’inspirer des modèles de développement du Brésil et des pays sud-asiatiques qui le fascinent, pour les adapter aux réalités africaines. Quant à l’entrée de la Chine sur le marché africain, il la considère comme une opportunité pour les Africains pour contrebalancer les influences des puissances «traditionnelles». Ses analyses et propositions pourraient servir à alimenter un débat africain des milieux intellectuels, politico-économiques et culturels. Le livre a été publié dans le cadre d’un partenariat entre éditeurs indépendants, dont la maison d’édition algérienne Apic fait partie. Mais il aurait pu justement être édité en Afrique !                             

Samou Mbaye, L’Afrique au secours de l’Afrique, le livre équitable Paris, 2009. 224 p.