Liberté : Peut-on évaluer l'ampleur des pertes et des dommages causés par la fermeture des écoles et le confinement, ainsi que l'efficacité des alternatives proposées 'Pr Naouel Abdelatif Mami : Même si les enfants ne sont pas les acteurs directs de cette catastrophe sanitaire, ils ne sont pas épargnés sur le plan psychologique et sont même les plus concernés par les dommages engendrés. Jusqu'à aujourd'hui, il est difficile d'imaginer l'ampleur des pertes qui pourraient s'ensuivre pour l'éducation des jeunes d'aujourd'hui et le développement de leur capital humain.
Dans un but d'atténuer la situation, plusieurs solutions ont été proposées à l'exemple de l'enseignement à distance, afin de minimiser les effets néfastes d'une telle coupure pédagogique. Toutefois, cette solution, loin d'être à la portée de tout le monde, s'est avérée peu efficace vu les moyens de bord.
Au niveau de l'éducation et de l'enseignement supérieur, les dirigeants se sont vite employés à mettre en place des plateformes d'enseignement à distance, mais l'utilisation et la participation à l'enseignement à distance ont été limitées. Les enfants qui vivent dans les zones dites zones d'ombre ont été les plus touchés par cette privation.
Possédant peu ou pas d'infrastructures numériques, ils demeurent sans accès à l'outil internet. Ces personnes sont particulièrement touchées et ont donc un double malheur. Dans le contexte du confinement et des restrictions de mouvement, l'effet psychologique pèse lourd. Une prise en charge psychologique devient plus qu'indispensable dans ce sens.
Toujours dans le domaine de l'éducation, il est particulièrement difficile d'adapter les programmes à distance aux besoins des enfants qui sont en situation de handicap ou ceux aux besoins spécifiques. On peut aussi s'attendre à ce que la qualité? et l'accessibilité? de l'enseignement à distance varient considérablement d'une région à l'autre. On peut même trouver des enfants qui, à cause de la pandémie, abandonnent l'école.
À long terme, l'impact de la crise sur les enfants dépendra du temps qu'il faudra pour venir à bout de la pandémie. Plus longue sera la lutte pour endiguer le virus, plus dures seront les souffrances causées par la pandémie et plus pernicieux et persistants risquent d'être ses effets sur les enfants. Les enfants seront affectés dans le développement et risquent d'avoir des problèmes tout au long de leur vie, car leur développement neurologique peut être altéré par les restrictions.
Ces restrictions sont au niveau relationnel où ils sont souvent privés de visite à leurs grands-parents, à leurs pairs... En d'autres termes, les enfants qui vivent des ruptures familiales pendant cette période de stress accru risquent de perdre le sentiment de soutien et de sécurité? dont ils ont besoin pour être bien.
Après huit mois de confinement et un retour timide à l'école, peut-on faire un premier bilan de la situation ' Comment peut-on aider nos enfants à tenir le coup psychologiquement '
Cela va sans dire, ces derniers mois si particuliers en confinement n'ont pas été sans conséquence sur la psychologie des enfants. Mais nous restons optimistes. Il ne s'agit pas pour autant d'un traumatisme, mais plutôt d'une déstabilisation sur les aspects de la vie quotidienne en lien avec l'environnement extérieur de l'enfant. Les enfants ont une capacité accrue d'adaptation et de relativisme.
Nos enfants pensent de manière positive et ont quelquefois un ressenti agréable en restant à la maison, en ayant leurs parents avec eux (surtout pour ceux qui ont des parents qui travaillent). De plus, ils n'ont pas une notion du temps comme celle des adultes et ont donc une plus grande capacité à relativiser la catastrophe. Ils peuvent la considérer comme une privation temporaire et non pas comme une punition. Ils vivent davantage au jour le jour et peuvent se contenter d'un petit tour dans le quartier.
Actuellement, le retour à l'école est un sujet qui inquiète beaucoup les parents et le personnel éducatif. Le protocole sanitaire semble difficile à appliquer car les enfants n'y ont pas été bien préparés. Sur le plan psychologique, le plus important serait de procéder à un encadrement du personnel pédagogique, afin qu'il prenne plus soin du moral des enfants au lieu de la nécessité du port d'un masque chez un enfant de 6 ans.
Nos enfants ne vont pas connaître l'enseignement qu'ils ont connu avant la pandémie, voire avant le confinement, et cela demandera une prise en charge psychologique sérieuse pour assurer une transition en douceur.Même si les enfants auront du mal à accepter les changements, ils sont déjà conscients de ce qui se passe à cause de la Covid-19. Ils ont déjà eu conscience des mesures préventives, il y a plus de 8 mois. Le plus important maintenant, c'est de les prendre en main pour une configuration positive de la situation.
À mon avis, ce qui est important à présent, c'est de permettre aux enfants d'exprimer leur ressenti, afin de pouvoir l'alléger par la suite. Il est important que les parents et le personnel enseignant soient rassurants et ne transmettent pas leur angoisse aux enfants à l'école.
Cela se fait bien évidemment par la valorisation des protocoles sanitaires, afin que les enfants les perçoivent davantage comme une utilité plutôt qu'une punition. Il est donc indispensable d'avoir une cellule de psychologues dans les établissements scolaires. Les enfants doivent être considérés comme des acteurs intervenant dans le rituel sanitaire.
Entretien réalisé par : FAOUZI SENOUSSAOUI
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Posté Le : 25/11/2020
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Faouzi SENOUSSAOUI
Source : www.liberte-algerie.com