Le Maroc entre le formel et l’informel
Comment peut-on croire un instant que le Maroc ait subitement changé de position alors que les médias marocains, presse écrite et audiovisuelle, toutes tendances confondues, continuent de déverser des insanités et des contrevérités sur l’Algérie?
Les articles incendiaires contre l’Algérie, «d’inspiration royale», sont périodiques et même la télévision privée 2M s’en est donnée à cœur joie, avant-hier, c’est-à-dire au moment même où le Maroc souhaitait la réouverture de sa frontière terrestre avec l’Algérie, fermée depuis 1994, et la normalisation de leurs relations, lors d’une émission consacrée exclusivement à l’Algérie. Les invités ainsi que le principal animateur se sont donné le mot pour «casser» de l’Algérie. L’un des invités a même osé attaquer les généraux algériens en disant que ces derniers «sont la vraie source des problèmes et qu’il faut attendre une génération avant que la situation redevienne normale avec l’Algérie». Un autre invité est allé carrément de sa haine en soutenant que le Maroc, qui a moins de devises que l’Algérie (il a cité le chiffre de 100 milliards de dollars de réserves), arrive à maintenir un niveau de développement supérieur à celui de l’Algérie. Il ajoutera que «la misère et la pauvreté gagnent des millions d’Algériens qui n’arrivent pas à se nourrir convenablement». Ainsi, durant toute cette émission, qui a duré plus d’une heure, les «invités» et l’animateur se sont auto-flagellés en compliments et autres autosatisfactions du genre. La déontologie et la politique de bon voisinage ont toujours commandé à la presse algérienne «une certaine retenue» vis-à-vis des peuples maghrébins. Comment peut-on alors demander la réouverture des frontières et en même temps tomber à bras raccourcis sur les dirigeants de ce même pays? Pour rappel, la frontière terrestre entre les deux pays a été fermée en 1994 à la suite d’un attentat d’islamistes commis à l’hôtel Atlas Asni à Marrakech, dans le Sud du Maroc, et dont Rabat avait attribué la responsabilité aux services secrets algériens. Le Maroc avait alors décidé d’imposer des visas d’entrée aux ressortissants algériens tandis que l’Algérie décidait de fermer carrément la frontière entre les deux pays. En 2005, le Maroc a annulé sa mesure, mais la frontière est toujours fermée bien que les deux pays entretiennent des relations diplomatiques. Les autorités marocaines estiment aujourd’hui que «la fermeture de la frontière a été décidée par l’Algérie de manière unilatérale en 1994 dans un contexte international, régional et bilatéral aujourd’hui largement dépassé». Il est à se demander à quoi joue le Maroc à l’encontre de l’Algérie en lâchant ses «plumes de service» pour répandre de fausses vérités sur le pays. Si ce n’est pas carrément une provocation à peine déguisée, c’est que les Marocains doivent se sentir pousser des ailes pour proférer de telles insanités.
La presse marocaine, dans son ensemble, s’est même permis de se déchaîner, ces derniers jours, sur la personne du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, lui imputant, au passage, la responsabilité du climat délétère qui règne actuellement entre les deux pays. Est-ce à dire que ce sont les Algériens qui sont demandeurs? Evidemment non! N’est-ce pas les responsables marocains qui font de la réouverture des frontières un «abcès de fixation»? Il faut dire que nos voisins marocains, qui cultivent l’art de l’esquive et de l’esbroufe, ne doivent pas ignorer que la normalisation des relations entre les deux pays passe inévitablement par la mise à plat de tous les contentieux qui existent entre les deux pays. Et la liste des problèmes est longue à énumérer. En premier, les Marocains ont toujours refusé d’engager avec les Algériens la résolution du conflit relatif au bornage et au tracé des frontières entre les deux pays, considérant que Tindouf et Bechar font partie de leur territoire géographique. L’Algérie a bien vécu, malgré la terrible tragédie qui a frappé le pays et sans le soutien même moral des Marocains qui -il faut bien le préciser et aussi pour l’histoire- ont versé de l’huile sur le feu. Le problème du Sahara Occidental qui empoisonne la vie des diplomates marocains est depuis une décennie entre les mains du SG de l’ONU. Et cette constante dans la politique algérienne sur la question sahraouie n’est pas nouvelle; elle le fut même au temps du président Ben Bella, en passant par feu Boumediéne, puis Chadli et Zeroual. En quoi alors l’actuel président pourrait-il déroger à la règle ou dévier de ce principe constant dans la politique étrangère? Peut-être que les voisins marocains ont-ils caressé le rêve de voir enfin un président, qu’on dit assez proche géographiquement du Palais royal, abandonner cette position au profit du bradage d’un territoire que même les Nations unies reconnaissent qu’il s’agit d’une question de décolonisation. Les insultes et les invectives semblent devenir ainsi la seule et unique ligne de conduite de cette presse qui ne mesure pas sa responsabilité dans cette histoire et fait fi de la complexité du phénomène irréversible d’une décolonisation fortement appuyée par la communauté internationale. La balle n’a jamais été dans le camp de l’Algérie, car ce pays n’aime pas jouer lorsqu’une affaire sérieuse est sur la balance, de surcroît lorsqu’il s’agit de la vie d’un peuple tout entier.
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Saïd Farhi
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Posté Le : 23/03/2008
Posté par : sofiane
Source : www.voix-oranie.com