Algérie

L'impact idéologique dans l'accaparement du pouvoir



Bouteflika ira vers un troisième mandat. Les appels contre ces allers-retours commencent à se faire entendre au grand jour. Mais avec ou sans lui, le pays sera quand bien même gouverné. Ce qui en fait, ne changera rien. Car l'âme algérienne continuera à souffrir davantage du manque de visibilité idéologique. D'emblée, il est justifié de clamer qu'il ne peut y avoir une politique simple soit-elle, sans le recours à un ingrédient d'idéologie. Que cette dernière n'est prise justement en compte qu'en cas de vouloir construire une politique, encore simple soit-elle. Pour remplacer la métaphysique traditionnelle, Desttut de Tracy a imaginé une doctrine basée sur l'étude scientifique des idées reçues ou à élaborer éventuellement. L'idéologie. L'absurde côtoie la raison en cas de sacrifice d'une logique faite sur mesure avantageant l'un par rapport à la multitude. L'idéologie n'est donc pas une recette d'accaparement du pouvoir à l'aide de manoeuvres distinctes de l'éthique philosophique dont s'inspire la masse, et qui guide en illuminant la voie de la providence le proviseur spirituel ou le général corps de masse chef suprême des forces d'idées ou de débats. En somme, tout le monde se met à édicter des notes ou des circulaires et demande aux autres de les prendre pour idéologie indéfectible. Un simple éditorial en prend également la même prétention. Quelles sont les frontières idéologiques, avant que l'on détermine l'espace politique de tout un chacun des partis qui n'opèrent, et sur injonctions, qu'une certaine gestion administrative de leur organisation ? Ni le socialisme, ni son contraire ou ses corollaires ne semblent outre mesure animer les états-majors des partis. Tout y est dedans. De l'islam, la justice sociale, la libre initiative, les libertés publiques, la liberté d'expression, les droits de l'homme, la tolérance du culte, tout est pris pour élément fondateur d'idéologie. Et tout donc devait se baser, pour la relation inter-individus ou entre ceux-ci et le pouvoir, sur des indicateurs essentiels à la vie en société. Certains principes liés à l'homme de par le monde ou à la nature humaine, comme ceux inscrits dans la Déclaration des droits de l'Homme, sont intronisés sous un label à définir davantage et martelé comme « constantes nationales ». Quel pays voudrait voir son intégrité territoriale se dissiper et se volatiliser au gré d'une humeur politique ? Quel est ce peuple qui aurait, sans coup férir, le plaisir d'admettre la supplantation par une autre langue, sa langue maternelle ? Quelle est la créature humaine qui s'empêche d'avoir la nostalgie du sol natal ou de se languir sur les origines lointaines de son être ? Ainsi, « les constantes » n'ont paradoxalement pas besoin d'idéologie ou de charte référendaire. Elles sont et demeurent intimement rattachées à l'ego et aux profondeurs de chaque âme. Innées, elles s'auto-greffent et s'épanouissent à mesure que grandissent l'amour de soi et la passion de la patrie. A force justement de rabâcher des préceptes puisés en dehors de l'intérieur du sentiment national, l'on finira toujours par broyer le peu de principes qui reste au fond de cette perception des choses. Il n'est pas consacré que ce sont exclusivement les partis qui devront produire les idéologies, car les fabricants des idées d'où provient l'essence de toute idéologie sont diversement éparpillés à travers les annales de l'intelligence, du génie et de l'intellect. Ils peuvent toutefois ressurgir d'autres horizons moins rompus aux lois du scientisme et à la volonté de l'homme aussi érudit soit-il. La providence, l'autre. Bref. Mais a fortiori, il appartient, en termes de gestion politique, aux partis d'initier, créer ou entretenir des idéologies, à la limite ; dessiner les contours de celles-ci. Ce que à quoi pensent nos dirigeants et nos leaders n'est autre que le mauvais fruit d'une réflexion de petits politicards ou de simples vacataires politiciens. Chez nous, pour l'illustration, personne ne se déclare socialiste, capitaliste, de droite, de gauche ou radical. Devant les défauts des uns, s'affichent les qualités des autres. Face au présent tumultueux de l'un, se dresse le passé illustre de l'autre. La mise en valeur de quelques acquis, de peu de triomphes et des conquêtes supposées ; produit déjà le quiproquo de la paternité. Tous (partis) font unanimement le désaveu public des tourments, des déboires et des revers que connut le pays. En somme, l'on éprouve, depuis plus d'une décennie que les maux et le savoir de les faire taire. L'attentisme délicat que cultivent certains partis, de patienter à lister le profil de leurs futurs poulains, reste pratiquement dispensé par tous les opérateurs politiques voulant s'investir dans la course ultérieure. Aucun parti n'a pu officialiser les locomotives qui auraient à tracter les noms des éligibles. Le sondage populaire local qui s'effectue d'une façon aussi impopulaire tente de défricher les chemins menant à la gloire. Le marketing politique de la cajolerie du corps social tente de faire oublier un passé tout proche et table sur l'avenir. Les promesses et toujours les promesses. Des noms se jettent à la rue ou dans la presse, l'écho qui en suit s'analyse, se recoupe et s'entasse dans l'attente du feu vert décisionnel. La rumeur publique redevient la meilleure commission chargée d'entériner ou d'éliminer les candidatures. Pourriez-vous ainsi parler d'idéologie de candidatures ou de profils ? Le RND, en perte de vitesse publique, s'emploie à gagner d'abord, en les gardant, ses propres « fonctionnaires ». Croyant faire peau neuve, lui qui se dit conserver toujours une neuve peau, s'élance altièrement à normaliser les critères quant à l'emploi d'une vision politique. Partira, ne partira pas vers la révision de la Constitution ? Suspens, silence puis déclaration : feu vert pour un troisième mandat. Chez Ouyahia l'on croit faire encore de la bonne politique en usant d'un suspens qui n'en est pas. Rien n'indique à cette date une lisibilité pour une autre échéance présidentielle. Son leader, refusant même l'alternance en son sein, pense-t-il user ainsi pour avoir en finalité vers l'après-2009 à consommer, en premier du genre, le temps d'un quatrième mandat ? à l'horizon 2012. Cette façon de pouvoir prévenir les choses comme un météorologue, si c'en est le cas, revêt l'existence d'une force capable de provoquer les moyens nécessaires à l'accaparement d'un pouvoir sans passer par une quelconque idéologie. Au FLN, le jeu semble très clair. Fécondateur de l'idée du troisième mandat et premier demandeur de la révision constitutionnelle, l'ex-unique entend garder sa position confortable de meneur de jeu. Chez lui, l'idéologie avait pris une autre tournure. De la défense des moyens de production et leur collectivisation, il passe à l'exigence de la mise à niveau des entreprises et l'encouragement à l'accession à l'OMD en criant en sourdine le besoin de protéger le travailleur. Un semblant de nostalgie idéologique semble toutefois l'animer. Chez ses vieux militants, l'envie d'embobinage continue à se faire sentir tel un besoin vital qui permettra la longévité partisane. Comme une accoutumance, la dose d'idéologie est indispensable. Même octobre 88 n'avait pu désintoxiquer tout le monde. Il reste des gens divers et diversifiés qui réclament, par survie politique, cette touche enthousiaste et extasiante qui les faisait vibrer lors de meeting ou de discours anti-impérialistes incendiaires et euphorisants. Les « vive » et les « à bas » seraient toujours ces pullules anti-dépressives et vitaminiques. Et là, peut-être que ces trucs n'amènent maintenant nulle part, d'où il faudrait beaucoup d'imagination pour les faire suppléer par d'autres. La nouvelle donne démocratique offre à cet effet toute une variété de recettes. La conviction à l'égard d'une démarche reste la meilleure garantie pour une totale adhésion et le meilleur rempart contre l'éventuelle défection. Il demeurera cependant quelques brins utiles à soulever l'ego des foules, à les méduser jusqu'à l'ensorcellement. Le même scénario est à constater aussi dans les autres corporations politiques. Au Hamas, l'on ne parle plus de religion, ni de zakat plus que l'on parle de coulisses, de succession et de portefeuilles ministériels. Au RCD, FFS ou dans la maison Hanoune, il est encore question de leadership, de culte du chef et d'interdit quant à l'alternance aux postes de secrétaires généraux ou de président de partis. L'on ne parle plus dans ces forteresses de la philosophie génitrice de leur être. Le trotskisme ou le berbérisme pur et dur se sont éclipsés, sémantiquement, au profit de l'intérêt des travailleurs, de l'anti-privatisation et de la culture dans sa dimension historique et nationale. Juste pour dire que le vocabulaire des uns n'est pas celui des autres quand bien même s'agirait-il d'un même sens. Rien ne pourra en somme remplacer l'usage du moyen le plus accepté en matière d'exercice de l'acte politique de gouverner les siens. La démocratie. La concertation. La gestion participative et parlementaire. Enfin, cet effort combien louable qu'est la conviction populaire. Mais la mimique et la gesticulation resteront dans le discours de tous les chefs des éléments démagogiques inévitables. Les ovations et les applaudissements continueront à servir de faire-valoir. Tout le monde en use, de Bouteflika à Chavez, de Bush à Kadhafi, de Sarkozy à Moubarak, de Berlusconi à Mahmoud Abbas. Et la liste, comme dit-on, est longue. Chez ces gens-là, à défaut rare de hisser les bras, jouer des coudes ou tapoter le pupitre, la parole est à choisir dans le lexique le mieux indiqué pour non seulement secouer les inattentions mais pour casser carrément la limite du supportable. Fondre les tabous. De ces mots, sentences ou tout juste des dits, ils en font des labels publicitaires à même de servir leur autorité. « La racaille et le kärcher » a fait incendier les rues de Paris, mais a porté leur auteur à l'Élysée. « L'axe du mal », « les caricatures » ou « la bombe islamique iranienne » ont fait penser à Bush à rajouter le 123ème amendement. La Forza italia, fustigeant l'Italie à être représentée par une fille de joie, a fait réussir aussi un retour probable de son orateur. Et ainsi va le monde politique et ainsi vont les hommes qui l'animent. Le « toz fi amrika » ou « inkilab hamas » n'a fait que pérenniser leurs auteurs. Cependant, il est à constater avec interrogations, que cette façon hystérique dans l'expression est absente sinon insignifiante chez les rois et les monarques. Ni la reine d'Angleterre, ni le roi d'Arabie n'ont eu besoin à recourir à une quelconque colère verbale. Ni l'émir du Koweït, ni le souverain d'Espagne ont eux aussi éprouver un tel besoin. Il en est de même chez Moulay du Maroc ou sa majesté de suède. Ils gèrent en régnant et gouvernant autrement. Donc, multiples sont les moyens d'accaparer le pouvoir. Ils le sont davantage quand il s'agit de le maintenir. Il suffit d'un peu de cran, d'un visage osé, d'un discours enflammant et d'un tout petit peu de baraka. Tous ces comportements et attitudes, qu'ils soient ou non démocratiques, d'essence idéologique ou démagogique, ne feront pas changer le monde ni les personnes, mais agiront bel et bien sur ce monde et ses personnes.
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