Zeribi et Ramadnia sur les traces de Fadéla Amara
La nouvelle génération de limmigration veut simposer comme une force de décision en France et ce malgré les difficultés daccès à des postes de responsabilité. Aziz Begag, Fadéla Amara et Rachida Dati sont tous des ministres issus de limmigration qui ont franchi les portes de Matignon et de lElysée. De nombreux jeunes prennent le relais. Karim Zeribi et Nora Ramadnia incarnent cette ambition et veulent percer dans la politique. Lun représente la gauche et est élu comme conseiller municipal de Marseille et président de la direction du transport ferroviaire de la région. Lautre est de lUMP, elle est conseillère municipale- adjointe au maire de Marseille. Dans ces entretiens accordés à LExpression, ils retracent leurs parcours politiques.
Karim Zeribi«La politique dimmigration est lamentable»LExpression: A 41 ans, vous êtes nommé à la tête de la RTM et vous êtes élu conseiller municipal du PS à Marseille. En tant quenfant de limmigration comment avez-vous pu arriver là?Karim Zeribi: Je vais vous répondre franchement. Je crois quon ne fait de cadeau à personne. Imposer sa place dans le monde professionnel et politique nest pas facile. Le combat politique est rude pour tout le monde. On ne fera pas de cadeau pour les Français dorigine algérienne et on na pas à leur en faire. Cest en travaillant laborieusement que les autres nous respectent. Il va falloir simposer par nos compétences, notre charisme et notre capacité à convaincre.En politique, je ne suis pas le candidat des Algériens à Marseille, mais de tous les Français. Si les Algériens se sentent représentés, cest extraordinaire, cest une fierté pour moi. Javoue que jai une sensibilité particulière pour les Algériens. Ce lien on ne peut pas le couper, il doit faire notre force.Je tiens à préciser quil est plus difficile de réussir en France lorsquon est dorigine algérienne que pour un Caucasien. C est évident! Mais ce nest pas parce que cest difficile quon va se lamenter, baisser les bras et faire la part belle à ceux qui nous voient comme des gens incompétents. Cest à nous de prouver le contraire.Vous dites que cest la discrimination et le racisme qui vous a mené à vous engager dans la politique?La France a fait une erreur gravissime. Elle a concentré dans des quartiers des populations de différentes origines. Elle a constitué des quartiers qui sont aujourdhui des cocottes-minutes qui peuvent à tout moment exploser. Cest ce qui a provoqué la crise des banlieues en 2005. Cest en réalité le syndrome dun malaise des jeunes qui habitent des endroits quon peut qualifier de ghetto. Sur ce plan-là, je pense que la promesse républicaine, à savoir liberté, fraternité et égalité, napparaît pas raisonnable.La concentration des immigrés dans des quartiers populaires est à lorigine du problème de la discrimination. Jai vécu dans un quartier populaire et je me suis engagé dans la politique parce que je trouvais inacceptables ces inégalités à légard de la communauté maghrébine. Je lutte pour la restauration de la République au sens propre du mot. La France laïque doit permettre à chacun de vivre et de pratiquer sa religion.A votre avis, la politique dimmigration nest-elle pas en contradiction avec les valeurs de la République'Effectivement, la politique de Brice Hortefeux est totalement lamentable et elle est indigne des valeurs de la République. Je vais vous dire pourquoi, cest vrai que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde. Mais est-ce de ça dont il sagit? Bien évidemment, non. Est-ce que la France a besoin dimmigration?Bien évidemment, oui. Je pense quaujourdhui on doit mieux respecter les immigrés qui viennent travailler et qui contribuent à la richesse de ce pays: payer des impôts, payer les cotisations, élever leurs enfants à respecter la République. Ces gens-là doivent être respectés. Il y a des personnes qui travaillent au noir depuis dix ans et qui sont reconduits à la frontière comme des gens malpropres et qui représentent un danger pour la République.Moi je nadhère pas à cette manière. Je crois que la France doit redéfinir ses relations avec un certain nombre de pays. Dailleurs, je nai jamais compris pourquoi il est si difficile pour un Algérien dobtenir un visa. Or, énormément dAlgériens ont de la famille en France, cela veut dire quoi, quon na pas le droit daller voir sa famille? Il y a un paradoxe lorsquon parle de développement du partenariat et en parallèle, on durcit les visas. Comment veut-on réussir lUnion pour la Méditerranée alors que les frontières sont verrouillées?Que pensez-vous justement du projet de lUnion pour la Méditerranée? Va-t-il servir les pays de la rive Sud?Moi je ne crois pas. Malheureusement, ce projet est mal emboîté. A mon avis, le président français a pris les choses dans le mauvais sens. Pourquoi? Parce quil na pas associé les autres pays. Il a donné le sentiment quil pouvait passer en force. On ne peut pas passer en force. Le projet en soi est extraordinaire. Moi je suis favorable à lUnion pour la Méditerranée mais pas de la manière dont Nicolas Sarkozy a engagé les choses. Je crois quil faut respecter les pays de la Méditerranée. Avant de prendre des décisions sur le Sommet, la présidence et le lieu de lUnion, il aurait fallu peut-être aller plutôt voir des dirigeants des pays de la région, écouter, entendre, proposer, échanger les débats. En plus clair, accepter dalimenter le projet des idées des uns et des autres.Vous vous êtes rendus récemment en Algérie, quel regard portez-vous sur votre pays dorigine?LAlgérie est un pays en pleine évolution. Elle a des compétences humaines et des ressources financières importantes. Même si les choses navancent pas parfois comme il le faut. Le gouvernement algérien a opté pour une forme de libéralisation dun nombre de secteurs.Dans le secteur du transport, de grands projets ont été lancés comme lautoroute Est-Ouest, les chemins de fer. En tant que président de la Sncf région Marseille, je crois quil y a beaucoup de travail à faire avec lAlgérie. Disons les choses clairement, lAlgérie na pas de problème de financement pour monter ses projets comme cest le cas dans dautres pays. Le TGV au Maroc est une complexité en termes de montage financier alors que lAlgérie a débloqué 18 milliards de dollars pour le transport ferroviaire. Cest énorme comme enveloppe. Je vais retourner en Algérie pour asseoir une relation pérenne. Je vais proposer même à la Sncf douvrir un bureau en Algérie, je pense quon doit sinstaller et travailler ensemble, car il y a une révolution à faire dans le ferroviaire comme cest le cas en France.Nora Ramadnia«Je refuse lexploitation de nos jeunes»LExpression: Vous êtes conseillère générale auprès de la ville de Marseille. Est-ce facile pour une Française dorigine maghrébine daccéder à ce poste de responsabilité?Nora Ramadnia: Je réponds tout simplement par la négative. Laccès à des postes de responsabilité reste très difficile pour un enfant issu de limmigration. Moi je me suis battue durement pour arriver là où je suis aujourdhui. Vous savez que simposer entre les Français est un combat de longue haleine. Surtout pour moi qui est de la droite. Cest plus facile pour un socialiste de gagner la popularité des citoyens que pour un candidat de la droite. Pourquoi je vous dis ça, parce que cest une expérience que jai vécue. Jai mené ma campagne au niveau des quartiers les plus difficiles où notre communauté maghrébine est énormément présente.Vous dites avoir mené votre campagne dans les quartiers difficiles. Est-ce que la communauté immigrée, particulièrement les Algériens, vous a soutenue?Malheureusement, la communauté ma rejetée. Ce qui ma fait beaucoup de mal dailleurs. Je ne sais pas pourquoi ce rejet alors que je défends leurs revendications. Si jai réussi, cest grâce à ma personnalité. Malgré les contraintes et les difficultés, je nai pas fait marche arrière. Je suis convaincue que rien ne se donne et que tout sarrache. Certes, on ma rejetée, mais je nai pas baissé les bras. Bien au contraire, ça ma encouragée à continuer ma campagne et à déployer plus defforts pour convaincre les gens de ce que fait la droite.Dailleurs durant les élections présidentielles de 2007, jai pu décrocher 48% délecteurs dans des quartiers où les gens nont jamais voté. En signe de reconnaissance, le président français ma invitée deux fois à lElysée pour me remercier.La France veut renforcer le partenariat avec les pays du Sud, dune part, et dautre part, elle plaide pour le durcissement de lattribution des visas. Comment expliquez-vous cette contradiction?Je suis entièrement daccord sur ce point avec le président de la République. La France ne peut accueillir tout le monde. Jexplique pourquoi: je ne veux pas quon traite les Algériens ou les Marocains comme des esclaves. Beaucoup de jeunes sont exploités par les marchands de sommeil. Ça me fait énormément mal quand je vois nos jeunes qui souffrent du chômage, du racisme dans les cités. Si on peut offrir une vie décente pourquoi pas, mais le problème est là. La politique appliquée par le département de Brice Hortefeux se base sur le contrat de travail et la maîtrise de la langue française. Je pense que ce sont deux éléments indispensables pour permettre aux candidats à limmigration de sintégrer facilement dans la société française. A mon avis, la démarche entreprise par la France dans ce sens est tout à fait logique.Quel regard portez-vous sur lAlgérie? Pensez-vous pouvoir travailler avec votre pays dorigine?LAlgérie est un grand pays avec lequel on peut faire beaucoup de projets. Le maire de Marseille exprime un grand intérêt au partenariat avec lAlgérie. Cest un pays qui a un potentiel important sur le plan matériel et humain, mais il ny a pas de vrais interlocuteurs. Je crois quil y a une crise dhommes sincères qui veulent travailler pour développer ce pays.
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Posté Le : 19/07/2008
Posté par : sofiane
Ecrit par : Nadia BENAKLI
Source : www.lexpressiondz.com