S'intéresser aux problématiques liées à l'amélioration des conditions de vie, aux transformations qui touchent tous les secteurs et plus généralement au développement de ce pays qu'est l'Algérie, revient à considérer le développement comme une pratique professionnelle et une politique publique effervescente reposant sur un ensemble d'instruments. Ces derniers constituent donc les composantes du développement, à savoir le capital, les marchés, le savoir-faire technique, la technologie comme connaissance, l'attitude face à l'acceptation de connaissance nouvelle, les effets systémiques qui donnent naissance à des rendements croissants, les principes d'organisation de la chose publique, la sagesse et la volonté de la raison humaine, et enfin l'imagination au pouvoir. Il s'agit de dire qu'il n'y aura pas de vrai développement sans la jonction et la réunification de tous ces éléments. Jusqu'où devons-nous repousser le vrai débat sur le vrai développement, la vraie amélioration ou « technisation de la société », la vraie amélioration de l'infrastructure, de l'aménagement du territoire, du tourisme, du secteur de l'eau potable, de l'agriculture, de l'industrie, des infrastructures sanitaires, du secteur de la formation et de l'université... ? Car malgré des dépenses faramineuses de l'Etat et des réserves de change qui ne cessent d'augmenter, l'action publique n'a pas réellement apporté de vraies solutions aux problèmes tels que, pour ne citer que ceux-là, la maigre production scientifique de l'université par ses travaux et ses publications (le dernier classement des universités sur le plan international le montre bien), les faibles débouchés pour les étudiants diplômés chaque année, les personnes (étudiants ou professeurs) qui partent à l'étranger chercher ce qu'ils ne trouvent pas ici, l'immobilité de l'industrie, les problèmes de coupure d'eau spécifiques à notre pays, un aménagement du territoire quasi inexistant, une infrastructure vieillissante et mal rénovée, les problèmes de pénurie et du prix d'un produit de base comme la pomme de terre alors que l'on dit avoir un programme d'agriculture, la faiblesse de l'attractivité touristique, un secteur de santé à deux vitesses avec d'un côté le secteur public qui n'a pas su développer son infrastructure et ses moyens, et d'un autre côté le secteur privé qui n'est financièrement accessible qu'à une faible minorité d'Algériens... Il est clair que l'on a besoin d'un grand travail d'imagination pour pouvoir supprimer toutes les contradictions qui existent au sein du système sectoriel. Il faut dire que la frénésie des séminaires en Algérie ne peut pas suffire à trouver des solutions adéquates aux problèmes évoqués : et pourtant, l'on ne cesse de se réunir et de dépenser pour des colloques ou autres séminaires sans suite. Mais il est important aussi de souligner que toutes ces rencontres peuvent porter leurs fruits pour participer à l'amélioration des conditions sectorielles de ce pays, seulement si elles sont utilisées pour exécuter l'imagination du pouvoir dans la résolution des problèmes existants. Il s'agit de mobiliser de manière continuelle la réflexion et l'imagination afin de favoriser l'innovation et les modes d'action disponibles de politiques publiques mis en place par le gouvernement. Cela peut-être pour atteindre des biens nationaux (ouvrages publics), de la réglementation juridique, des autoroutes et accords (construire, fabriquer), des investissements industriels avec certificat de normes,... etc. Considérant le développement comme un processus évolutif, les spécialistes le définissent comme la capacité d'un système à réduire sa vulnérabilité aux chocs exogènes et endogènes tout en poursuivant un chemin de changement qui apporte une amélioration de la qualité de la vie à une fraction croissante de la population. On peut donc dire que le développement implique un processus d'apprentissage qui dépend de la capacité des acteurs politiques, économiques et sociaux à apprendre et à innover. Mais ces mêmes acteurs ainsi que les institutions en place ont aussi la possibilité d'entraver les capacités d'apprentissage et d'innovation. Les courants dominants de l'économie et de la décision publique ne prennent souvent en compte que les marchés et le capital. Mais, progressivement, la technique et la technologie comme connaissance sont intégrés et actuellement la prise en compte des autres composantes se généralise. En particulier, l'intégration des deux derniers points, à savoir la sagesse et l'imagination au pouvoir, symbolise le retour à la philosophie politique qui permet de penser la société dans son ensemble autour de ses principales finalités. D'ailleurs, la philosophie politique a un rôle d'autant plus important que les décisions économiques doivent être prises dans un environnement turbulent et incertain. Afin de faire face aux défis posés par un tel environnement, il est nécessaire de construire une économie possédant une certaine flexibilité et un potentiel d'innovation lui permettant de s'ajuster aux changements. Cette construction peut se faire à partir de diverses trajectoires mais elle dépend de facteurs à la fois économiques et sociopolitiques. Il est clair aujourd'hui qu'il n'existe pas de modèle unique de développement susceptible d'être appliqué indifféremment pour tous les pays, mais qu'étant donné les diversités de trajectoire, certains facteurs peuvent être bénéfiques dans certaines situations mais créer des blocages dans d'autres. En effet, l'Etat doit se donner les moyens de permettre l'évolution de la société, c'est-à-dire qu'il doit notamment améliorer sa productivité interne afin de libérer du capital et rechercher des rendements croissants. Ce processus de développement va selon nous de pair avec la sagesse et l'imagination au pouvoir, c'est-à-dire qu'il nécessite des dirigeants visionnaires et capables d'utiliser les richesses de la nation à bon escient. D'ailleurs, la culture de la Renaissance avait parfaitement intégré ces points puisque cette sagesse a fait partie de la réussite des souverains de l'époque et a caractérisé plusieurs grands hommes ayant construit le monde développé contemporain. Enfin, il apparaît ainsi clairement que les pouvoirs publics doivent adopter une attitude plus responsable vis-à-vis de la population, et de plus, il doit être mis en place des formes de gouvernement plus ouvertes, plus participatives, plus « actionnistes » et qui aideront à la formation d'un consensus favorable au développement. Pour aller à l'essentiel, l'on ne doit pas seulement avoir les moyens et le capital mais l'on doit avoir de l'imagination pour contribuer à un bon ouvrage qu'est le développement avec un transfert du produit national brut à un vrai bonheur national brut généralisé sur tous les secteurs et toute la population. Ceci conduit à trouver des réponses à l'interrogation sur les tensions qui traversent actuellement à la fois la pratique professionnelle liée à l'investissement réel et à la méthodologie pour sortir de l'économie rentière, et pour cela, il faut nécessairement de l'imagination et de l'exécution.
* Docteur en sciences politiques (politologue)
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Posté Le : 19/07/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Riadh Bouriche *
Source : www.lequotidien-oran.com