Algérie

L'illusion de "la rente pour tous"


L'illusion de
Un boulevard s'ouvre devant la réélection du président Bouteflika. Les tentatives d'opposition à la reconduction du régime, qu'elles soient d'initiative citoyenne ou le fait de partis cultivant le boycott du scrutin, ne suscitent qu'une mobilisation restreinte.Dans cette atmosphère de résignation nationale, le pouvoir se permet même de modérer son inclination répressive.Il semble qu'en quinze années d'endoctrinement massif, le pays a connu une transformation culturelle radicale : les Algériens croient plus à l'efficacité pratique de l'opportunisme individuel et corporatiste qu'à l'utilité de l'engagement militant et collectif. Cette évolution a été suscitée et entretenue par une stratégie dépensière et corruptrice qui nous éclabousse jusque dans nos chaumières. Chacun étant convaincu de pouvoir améliorer sa condition, sous le régime en place, s'il se trouvait, au bon moment et au bon endroit, là où une vanne s'ouvrirait pour laisser couler de la rente. L'import-export, le commerce informel, le marché souterrain du foncier et de l'immobilier, l'Ansej, le Cnac, le "relogement", l'AADL, les revalorisations brusques de salaires, le retrait des services de contrôle fiscaux et commerciaux, etc. ont fini d'instituer une économie de "filons" rentiers que seule la réhabilitation d'un Etat responsable pourrait menacer.La rente tient tout le monde en alerte. Pas le temps de faire la révolution ? pas même pour le plus démuni ? quand on attend son tour. Quant à ceux qui, par leur fonction sociale, peuvent exprimer une position politique, ils se cachent derrière leur organisation corporatiste, s'en remettant à quelques "meneurs" impudents qui parlent pour eux : tout ce qui active socialement est converti en "organisation de masse" soutenant tout ce qui provient du régime. De l'UGTA aux organisations de la "famille révolutionnaire", des assemblées "élues" aux corporations professionnelles, des zaouïas aux associations patronales, le moindre groupe d'intérêt est arrimé par ses leaders au régime gaspilleur, qui ne manquera pas, espèrent-ils, de les arroser en retour, une fois "stabilisé". Et ceux qui doutent de la pertinence politique de la démarche préfèrent le silence protecteur au risque de s'exposer aux représailles d'un pouvoir qui sait sévir contre les objecteurs isolés.Ainsi, bien que nombreux, ces isolés sont politiquement désactivés. En Algérie, il y a une forte opposition passive. Sans effet. Le Forum des chefs d'entreprise illustre parfaitement cette dictature conservatrice de la minorité active : pour plusieurs centaines de membres, un petit groupe a fait voter, plébiscitée par quelques petites dizaines de membres, une motion de soutien censée exprimer la position du forum. De ce fait, par transitivité, le FCE négocie la position de l'entreprise algérienne avec un régime dont l'empire même est fondé sur le combat de toute autre forme de revenus qui ne viendrait pas de la source qu'il contrôle : la rente !La rente n'est plus une notion économique. Elle occupe, désormais, une place de culture nationale. En termes de cohérence pouvoir-société, le régime rentier qui nous contrôle correspond bien à l'état moral qui est le nôtre. Ce n'est pas la société, disloquée par l'illusion de "la rente pour tous", qui le changera ; ce sera la fin de la rente qui nous changera, nous, d'abord.M. H.NB : Cette chronique est dédiée à Slim Othmani.musthammouche@yahoo.frNomAdresse email


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