Algérie

L''il intérieur



Les émeutes à la chaîne qui ont secoué l'Algérie, l'année dernière, n'ont rien à voir avec la main étrangère, ni avec un quelconque complot ourdi de l'intérieur des murs. Une hypothèse chère à nos ministres, en mal d'explications, et brandie à chaque fois que la rue expire. C'est un peu le résumé du dernier rapport annuel de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme. Tout un programme. Le rapport dit aussi que l'emploi systématique de la matraque contre des manifestants pacifiques ne saurait être justifié ni toléré. Référence faite à la bastonnade des blouses blanches et des uniformes fripés de la garde communale. Une première en Algérie en dehors des protestations molles de démocrates en carton-pâte. Le Cncppdh détaille les raisons qui poussent les Algériens, à se lever un beau matin et à aller manifester dans les rues de l'indépendance. Marcher jusqu'à ce qu'une escouade d'uniformes charge. Dans la case des prétextes à défiler, tout y passe. Du générique droit à « la vie décente », à celui plus qu'improbable de « justice incorruptible », en passant par les classiques « un dispensaire pour notre douar », « un toit pour ma famille », « une école, une bonne ». Les Algériens marchent également pour ne plus subir le monopole de l'UGTA, prétendre à un boulot autrement qu'au noir, et dire et penser librement sans que cela soit porté sur leurs fiches de renseignements. La sécurité est aussi une raison pour aller se dégourdir les jambes. La Commission estime que la mercuriale a joué un rôle dans ces émeutes et ces vagues de protestation. L'institution, présidée par Me Farouk Ksentini, celui-là même qui a demandé à ce qu'on condamne les Algériens coupables de boycotter les urnes, estime que l'Etat des droits de l'Homme en Algérie laisse carrément à désirer. Les patriotes zélés, les gardiens du temple et les professionnels de la dénonciation en sont pour leur grade, eux tellement prompts à descendre en flammes les zéros pointés que nous collent chaque année les organisations des droits de l'Homme. Cette fois, le constat est de l'intérieur, domestique. Que faire alors ' Accuser Me Ksentini de rouler pour l'ennemi ' Affirmer qu'il a été manipulé à son insu et produire de faux témoignages ' Faire sortir les premiers marcheurs historiques du RND pour dénoncer ce rapport ' Pourtant, les rédacteurs de ce « brûlot » font le distinguo entre le printemps arabe et notre cycle émeutier. Pour eux, l'Algérien sort dans la rue pour dénoncer la hogra, un terme qui regroupe toutes les injustices du monde, et qu'il n'est aucunement dans son intention de demander le départ de quiconque. Si ce n'est du garde-champêtre coupable de braconnage. La Commission n'a pas levé de lièvres, ni éventé des secrets. Elle n'a écrit que ce que les Algériens vivent au quotidien. On n'avait pas besoin de Ksentini pour savoir que les droits de l'Homme en Algérie sont foulés aux pieds de quelques hommes. Mais c'est toujours bon de se l'entendre rappeler que la dimension humaine de l'Algérien passe en dernier après le dessert et le digestif.


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