L??il du maître
Il y a quelque chose de pathétique et de burlesque dans ces visites inopinées et brusques que tant de responsables et de gestionnaires ont pris l?habitude d?effectuer en guise de contrôle et d?inspection. La confiance « règne » et on est toujours confronté aux mauvaises surprises. Déjouant les fuites, les rumeurs et moult hypothèses formulées ça et là, le « boss » débarque, flanqué de ses plus proches collaborateurs. Il exerce l??il du maître, la mine furibonde, le visage austère, les nerfs à fleur de peau. Il furète, jauge, pèse et soupèse. Les résultats ne sont pas à la hauteur de ses attentes. Des voix intérieures, célestes ou ineffables l?enjoignent de réagir et de remettre les pendules à l?heure. Le chef tient à son poste, à son statut et plus prosaïquement à sa carrière, car un rien peut la compromettre. Pas besoin de se faire prier pour lui indiquer la méthode à suivre. Le responsable court, vole et sévit. A chaque raid, son pesant de victimes expiatoires. A chaque débarquement, sa pelletée de subalternes prise en flagrant délit de carence avérée. Même si on dit souvent qu?il n?y a jamais de piètres soldats, mais uniquement de mauvais chefs, le rite, la coutume et la norme ont inscrit sur le marbre un verdict qui confine à l?évidence. Ce sont toujours les sans-grades, les subalternes, qui trinquent et qui payent la note. On leur fait porter le chapeau globalement et dans le détail. Selon l?expression consacrée. Un bouc émissaire ne s?use que si l?on ne s?en sert pas. Avec le sentiment du devoir accompli et croyant avoir séparé le bon grain de l?ivraie, le valeureux gestionnaire se retire, l?âme envahie d?une indicible satisfaction. Il pense déjà à arpenter un autre sentier pour traquer le mal, un autre front à investir pour exercer sa poigne de fer jusqu?au jour où une décision impromptue, aussi inopinée et inattendue que ses visites, vienne mettre fin à ses fonctions et le tienne en réserve de la République. Un bel euphémisme pour lui signifier une mise au placard bien pitoyable.
Posté Le : 05/07/2005
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mohamed B.
Source : www.elwatan.com