Algérie

L'hystérie qui compromet le débat



L'hystérie qui compromet le débat
De tous les débats et de toutes les polémiques qui enfièvrent aujourd'hui l'Algérie, le rétablissement ou non de la peine de mort est probablement le sujet le plus grave et le plus irréversible. Grave parce qu'il engage l'être humain dans ce qui le distingue du reste des êtres vivants et l'élève au rang de créature civilisée ; irréversible parce qu'il implique la suppression de la vie avec tous les bouleversements et désordres que cela entraîne généralement, notamment dans l'entourage des personnes exécutées.
Ce qui, pourtant, confère un caractère extrêmement dangereux à la polémique grossissante est la passion proche de l'hystérie qui gagne la société algérienne et une certaine élite face à la multiplication inquiétante des assassinats d'enfants. Depuis l'horrible drame qui a frappé la famille de la petite Chaïma Yousfi, en décembre dernier, et qui a conduit la Fondation nationale pour la promotion de la santé et du développement de la recherche (Forem) à réclamer la réactivation de la peine capitale pour les assassins d'enfants, d'autres enlèvements suivis d'assassinats sont intervenus et d'autres tragédies ont touché des gamins dont, il y a quelques jours encore, Haroun et Brahim, à Constantine, et Sana à Tlemcen. Ce n'est désormais plus seulement Mustapha Khiati, le président de la Forem, qui exige le rétablissement de la peine de mort mais également une partie de la société, horrifiée et au bord de l'affolement, et des figures de l'élite algérienne. Il n'est jusqu'à Me Farouk Ksentini, pourtant président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (Cncppdh) qui ne cédât à la panique collective en estimant que la condamnation suprême doit être exceptionnellement prononcée, dans certains crimes comme les enlèvements d'enfants suivis d'assassinats. Ce qui constitue une position étonnante de la part d'un abolitionniste déclaré de la peine de mort, même si celui-ci précise qu'il revient à la justice de décider de son application ou pas.
Autant il est naturel que, fous de douleur et de chagrin, les parents et proches des victimes réclament vengeance et châtiment, autant il est étonnant, voire affligeant, d'entendre une certaine élite, celle-là même dont il est attendu qu'elle appelle à la retenue et la raison, battre le tambour et appeler à la réactivation de la peine de mort alors même quelle sait - et le répète à tout bout de champ - qu'il reste encore beaucoup à faire en termes d'amélioration des conditions socioéconomiques, de refondation de l'école, de réhabilitation des valeurs sociales', facteurs dont tout le monde s'accorde à dire qu'ils contribuent lourdement au développement de la délinquance et de la criminalité.
Mieux vaut tard que jamais, le gouvernement a, enfin, décidé de la tenue d'un Conseil interministériel pour «étudier les meilleures façons de lutter contre les rapts d'enfants». On ne sait ce qu'il sortira de ce conclave mais il est certain qu'il n'occultera pas le fait que, dans ce cas précis, l'Etat a failli : une réaction plus rapide des pouvoirs publics aurait peut-être permis de sauver des vies. Et d'éviter les égarements qui risquent de survenir.
S. O. A.


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