Algérie

L?hypothèse du paradis



La chaleur a du sens. C?est généralement l?été que l?on se rend compte que l?on vit mal, voire que l?on a complètement raté sa vie. Pour beaucoup, le bilan est terrible ; pas de cabanon au bord de la mer, pas même l?argent pour en louer un, pas de zodiaque ou de petite barque, pas même de combinaison de plongée ou de palmes. L?été est un révélateur, c?est durant cette période que la disparité des classes se voit. Les uns s?en vont passer des vacances dans d?autres mers moins rigides, les autres s?en vont s?installer pour l?été dans de jolies maisons bercées par les brises marines. De l?autre côté de cette hermétique barrière des possibles, les plus malins parmi les pauvres prennent des concessions au bord des plages et louent des parasols à d?aussi pauvres qu?eux, contre le peu d?argent qui leur reste. C?est généralement l?été que l?on comprend qu?il y a sûrement quelque chose que l?on n?a pas compris. Comme l?a révélé hier un quotidien, une femme répondant aux initiales de B.F. vient d?acheter une villa de 900 m2 et un local de 500 m2 à Moretti, le tout pour la modique somme de 126 millions. De centimes bien sûr, soit moins cher qu?une Golf ou une voiture équivalente, dans un pays où le moindre petit bout de terre dépasse le milliard. Comment a-t-elle fait ? Comme ça. Comment est-ce possible ? Parce que ça l?est. A qui appartient le complexe blindé de Moretti ? A ceux qui le blindent. Pour tous les autres, l?été, la vie est très dure. Un quadragénaire suffoquant dans la rue, usé et désespéré, avait lâché cette phrase, pour résumer le tout : « Esskhana ou ddine ». La chaleur et la religion. Comme si les deux ajoutés ensemble accentuaient ce sentiment qu?à chaque été, l?Algérie prend un goût d?enfer et brûle sous les yeux passifs des quelques Algériens, pieds dans l?eau, qui ont la chance de circuler en yacht. C?est vrai qu?il fait chaud.


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