«A la croisée des chemins», oeuvre de Noureddine Benhamed16 plasticiens en provenance de neuf pays différents exposent leurs oeuvres, résultat d'une résidence de création à Alger et ce, jusqu'au 11 février 2016.Ce sont des artistes émergents ou confirmés qui nous viennent d'Afrique, d'Amérique du Sud et d'Europe: Grèce, Brésil, France, Espagne, Pays-Bas, Maroc, Mali, Sénégal, Burkina Faso, Congo, et bien sûr l'Algérie. Dans un premier temps, chacun des artistes plasticiens a produit une oeuvre lors d'une résidence organisée à Alger du 22 novembre au 10 décembre 2015. Pour cette édition, selon sa réflexion et sa créativité, chacun aura ainsi pu utiliser des matériaux et techniques disponibles localement. Ces oeuvres, spécialement conçues et élaborées sur place, sont désormais exposées au Mama depuis jeudi dernier.Par la suite, elles seront, soit offertes au Mama, soit reprises par leurs créateurs, soit détruites d'un commun accord à l'issue de la manifestation. C'est jeudi dernier que s'est tenu le vernissage de cette exposition qui constitue la 7e édition du Festival international de l'art contemporain (Fiac). On y trouve de tout, de la peinture, installation, vidéo, des photos montages et cela décliné sur les deux espaces qu'offre le Mama, à savoir l'atrium et le premier étage.Aussi, toutes ces oeuvres exposées forment une parenthèse pour notre regard enchanté, illuminé ou non, émerveillé ou éveillé à l'art conceptuel, pour sortir du marasme routinier et faire émerger le public contemplatif d'une sorte de bulle qui aspire à la méditation sur nous-mêmes ou sur les problèmes socio-politiques que traverse le monde dans sa globalité fragile et son axiome le plus généralement problématique.C'est le cas pour Patrick Altes, né en Algérie d'une famille franco-espagnole qui nous propose de voir dans son oeuvre Mare Nostrum, conçue en digital print, un monde abstrait fait de couleur d'argile et de portraits de femmes en hayek et d'autres non, comme noyés dans des architectures, maisons en lignes éclatées pour signifier ce monde en perpétuel transformation, induisant à l'identité de chaque individu une brutalité née de cet attachement et sentiment d'appartenance à une terre spécifique.A propos de cette identité affirme-t-il à juste titre: «Paradoxalement, il est aussi vrai qu'elle est dynamique et question de choix personnels plutôt que fixe et subie, et qu'à ce titre, elle peut et doit devenir instrument de liberté et créativité.»Noureddine Benhamed, lui, est plasticien et nous vient de Tlemcen. «J'ai ouvert une parenthèse. Je parle des jeunes. De ceux qui ont 20 ans. Le travail se décline en trois parties.» Dans la première, elle est composée de dés. On y lit le mot «ansej, iqra et harga, the wall», pour le second, tandis que pour le troisième panneau, on peut lire «maken walou, chkra hamdoulilah». Pour notre plasticien, le premier dé au numéro un rappelle le verbe «ikraâ», le six équivaut au jackpot ou à la perte.La première partie est appelée le jeu. Le titre général de l'oeuvre est en fait à la croisée des chemins. A cet âge, on ne sait pas quel chemin prendre. Le jeu de dés incite à vouloir s'en sortir. La deuxième partie est composée de neuf tableaux réalisés en technique mixte semi-abstraite et collage dont des coupures de journaux. La vie ici et ailleurs, les guerres et les conflits, ombres de personnes, sont autant d'évocations qui interpellent. Mais aussi des citations en français qui invoquent l'appel à la liberté. Sur les trois derniers tableaux, on découvre notamment une femme voilée, une autre sans «j'essaye de les faire parler. Chaque personne parle de son histoire». La troisième partie comprend trois panneaux pseudo signalétiques de sens interdit, appelés les contraintes. Le premier suggère une bouche bariolée et met en exergue l'interdiction de parler. Au milieu, des mots collés les uns aux autres forment un cercle rouge. Des mots tamponnés sur carton. Des lettres d'une ancienne imprimante. Peintre et cinéaste, Noureddine Benhamed est passionné par le monde de l'image. Ses peintures reflètent ainsi la réalité intérieure d'un être déchiré pris dans mille interrogations. Pour sa part, Kamel Yahiaoui qui vit et travaille à Paris présente un tombeau décliné en fer, laissant passer la lumière, appelé Dar El Saâdia. C'est en fait un tombeau dédié à sa «sainte» défunte mère à qui il rend hommage. A l'intérieur, placé sur un sol ensablé on découvre la photo de sa maman dessinée et radiographiée dans un tableau posé à même le sol.Les ouvertures de ce qui pourrait être une cage rappellent les envies de sa mère qui se plaisait, nous a confié l'artiste, à laisser entrer le vent et faire échapper la lumière des lucarnes et portes et fenêtres de sa maison.L'artiste congolais Gastineau Massamba Mbongo pour sa part, matérialise en pointillés la réalité des conflits dans le continent africain, motivé par la course aux ressources dans une oeuvre intitulée «Diamants, uranium et Afrique centrale».Avec du fil noir brodé sur de la toile, il montre le drame des enfants soldats, mais évoque aussi la situation en Syrie, cousue sur une toile intitulée «Syrie 75018». Son compatriote, sculpteur et peintre, Paul Alden Mvoutoukoulou dit M'vout s'est essayé à matérialiser le temps et la mémoire à travers trois toiles intitulées «A la mémoire», toutes traversées d'un axe représentant le passage du temps. L'une des oeuvres de «M'vout» représente le 19 mars 1962, date de signature du cessez-le-feu, marquant la fin de la colonisation française en Algérie, comme un moment de basculement de l'histoire du pays.Mohamed Redha Skander, artiste algérien présente pour sa part, des bijoux précieux dont la forme originale intrigue et attire l'attention. Ses pièces uniques coulées dans l'or blanc étonnent et émeuvent. Enfin, dans le rayon de la mondialisation toujours et le drame de la vie humaine qui ne cesse de s'accroître, au fur et mesure que les scissions sociales augmentent provoquant plus de riches d'un côté et de pauvres de l'autre, figure l'oeuvre de l'artiste marocain Hassen Echair. Ce denrier dans son oeuvre Caravane suspendue utilise plusieurs matériaux bruts tels le bois peint, les structures métalliques et pierres noircies carbonisées symbolisant des têtes humaines suspendues entre ciel et terre, rêves et illusions et dénoncent ainsi le phénomène de «harga» et partant, celui des réfugiés et des laissés-pour-compte. Ces fantômes, dont l'existence n'a d'égale que l'ombre d'eux-mêmes. Une exposition qui mérite en tout cas qu'on s'y attarde.
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Posté Le : 13/12/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : O HIND
Source : www.lexpressiondz.com