Algérie

L'hôpital Mustapha étouffe sous la pression des malades et des véhicules Durant ce mois de Ramadhan, l'activité déborde la nuit



Par Karima Mokrani
Très animées et éclairées les nuits d'Alger en ce mois de Ramadhan. Des hommes et de femmes, des enfants et des personnes âgées se promènent à travers ses ruelles jusque-là obscures et silencieuses sans s'en lasser. La foule grouillante fait exprès de se perdre dans la nuit, à la recherche d'une quelconque sensation de fraîcheur.

L'activité déborde
Fraicheur de l'air, d'un sourire, d'une pensée, d'un souvenir. La vie nocturne reprend ses droits l'espace d'un mois. Il fait nuit mais aussi très chaud. 22h ou minuit, c'est pareil. Les salons de thé aménagés en plein air, à la Grande-Poste, à la rue Didouche Mourad et autres n'arrêtent pas d'offrir des glaces et des boissons fraîches. Les enfants courent, crient, s'amusent. Les femmes, l''il et l'oreille accrochés à la beauté et au charme qu'offrent la ville et ses paysages, en ces rares moments de détente et de loisirs, s'assoient presque par terre. Il n'y pas de chaises. Les bancs publics ne suffisent pas. L'ambiance est conviviale. En ce mois de Ramadhan, la journée commence la nuit et les foyers se déplacent à l'extérieur. Tous dans la rue. Non pour protester contre un pouvoir central ou une injustice sociale quelconque. Ni pour réclamer des droits ou exprimer des revendications. Tous dans la rue pour respirer l'air de la nuit.
Il y a du monde aussi dans les établissements hospitaliers et autres structures sanitaires. Une file interminable de véhicules à l'entrée de l'hôpital Mustapha-Pacha et les deux services des urgences médicales et chirurgicales débordent d'activité. Au moins quatre ambulances autour. Ramadhan ou pas, de la pression il y en a toujours. Bientôt vingt ans de travail dans ce même établissement, un homme, la quarantaine, confie: «Il y a toujours du monde mais c'est, en partie, notre faute. Il fallait fixer des règles dès le départ et veiller à leur respect par tous» Agent de sécurité au service des urgences chirurgicales, l'homme soutient qu'une grande pression s'exerce sur le service et, de manière générale, sur tout l'hôpital, du fait qu'un grand nombre de malades continuent de s'y rendre pour des soins variés.
Les malades et leurs proches sont d'autant plus nombreux qu'ils sont libres durant ces nuits du Ramadhan. Presque oisifs.
Les deux services des urgences (médicales et chirurgicales) sont pris d'assaut. «Toute une famille ou un groupe de personnes pour accompagner un seul malade même s'il ne s'agit pas d'un cas grave. La maladie est devenue un autre prétexte pour sortir la nuit après la rupture du jeûne et voici le résultat. Comme toujours, ce sont nous, les agents de sécurité qui en payons les frais. Le travail avec le public n'est pas facile», relève-t-il.

Ces véhicules source de désagréments
Aucune note n'indique une quelconque restriction concernant le nombre des personnes qui accompagnent un malade. Aux urgences médicales, toutes les chaises sont occupées. La majorité des occupants, des jeunes paraissant en bonne forme. «Moi, non plus, je ne comprends rien» lance l'agent. Des femmes, debout, dans le même espace, discutent entre elles, en gesticulant. Elles se félicitent du fait que la femme qu'elles viennent de faire entrer chez le médecin ne souffre finalement que d'un léger malaise, survenu suite à une dispute à la maison: «Dieu merci. Avec son problème de tension artérielle, le pire a été évité de justesse». Une autre femme, la cinquantaine, arrive dans une ambulance du Samu. La femme est très mal en point. Elle gémit, souffrant, sans doute, de grandes douleurs. Une autre ambulance arrive, celle de l'hôpital. Et c'est encore une femme, celle-ci nettement plus âgée.
Elle est presque dans le coma. La famille s'affole et les agents de la Protection civile, toujours admirables par leur travail et leur sérieux en pareille situation, gèrent les choses à leur manière, les traits du visage tirés par la fatigue. «Ça travaille tout le temps. Ça ne s'arrête pas» confie l'un d'eux, 25 ans environ. C'est à cause du Ramadhan' «Je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est qu'on est tout le temps appelés à intervenir pour différents cas (accidents domestiques, évanouissements, crises d'angoisse, transport de personnes âgées')», poursuit-il. Et ce dernier de se plaindre d'un sérieux problème: la circulation automobile très dense durant ces nuits du mois de Ramadhan:
«Il devient de plus en plus difficile de se frayer un chemin parmi toutes ces voitures. C'est vraiment un calvaire.»
C'est le mot, un calvaire. L'entrée de l'hôpital Mustapha est obstruée par les nombreux véhicules, tous pressés d'accéder à l'intérieur. Pas forcément pour déposer un malade. «Certains viennent garer leurs voitures et ils partent», dénonce un autre agent, la trentaine.
«Je suis au même poste depuis dix ans et franchement, je suis fatigué. La situation est ingérable et le travail avec le public n'est pas de tout repos. C'est tout le monde qui a les nerfs à fleur de peau et c'est tout le monde qui s'entête à passer à l'intérieur. Une fois, un habitant d'un bâtiment du quartier (place du 1erMai) est venu rendre visite à un de ses proches. Il lui a ramené de l'eau minérale.
Il était venu en voiture juste pour lui remettre la bouteille d'eau minérale. Quand je lui ai dit que c'est interdit de passer avec son véhicule, il m'a presque insulté, me disant qu'il est chez lui, c'est à dire dans son quartier.» Visites sans véhicule, les gens le savent mais ne l'appliquent pas. D'autres font exprès de ramener leurs voitures et les garer à l'hôpital: «Ils viennent, garent leurs voitures et repartent.»

Une histoire de confiance
Depuis le temps que des citoyens et des responsables de l'hôpital Mustapha- Pacha crient leur colère devant cette situation, rien n'est fait par les autorités publiques dans le sens d'un changement positif qui serait à même de soulager toutes les parties.
L'hôpital, vieux de plusieurs dizaines d'années, ne répond plus aux besoins sans cesse croissants de la population. «Il ne faut pas oublier que c'est un hôpital qui a été construit pendant la période coloniale. Il a été conçu pour un certain nombre de malades et là, il se trouve avec un autre nombre nettement supérieur», note un paramédical.
Cet autre corps qui souffre autant -si ce n'est plus- que les agents de sécurité et les pompiers, du laisser aller flagrant dans cette structure ô combien chère aux habitants d'Alger et d'autres du pays. Cela aussi est un autre problème: «Ils viennent tous ici.
Les habitants des différentes communes de la wilaya d'Alger et d'autres wilayas du pays. Si vous allez à l'hôpital Beni Messous, vous trouverez une situation différente. Là bas, ils travaillent à l'aise». C'est que la plupart des personnes malades et leurs familles ne font pas confiance à ce qui leur est proposé ailleurs. «Ici, ils pensent qu'il y a de meilleurs soins et de meilleurs équipements.
Pourtant, même les autres établissements sont mieux équipés, depuis un certain temps et le personnel n'est pas mauvais.
Je ne comprends pas pourquoi les gens s'entêtent à venir se soigner toujours ici.» Ce qu'il est aussi nécessaire de rappeler, c'est que des polycliniques et des centres de santé existent au niveau local, dans toutes les communes pour ne pas dire des quartiers.
Eux aussi sont relativement bien équipés et disposent d'un personnel qualifié.
Logiquement, quand il s'agit de cas d'urgences, il faudrait passer par ces établissements. S'il y a nécessité de procéder à un transfert vers un hôpital de l'ampleur d'un CHU ou EHS, ce sera au médecin de le décider et non pas au malade lui même.
Il n'empêche, même pour les petits bobos, c'est l'hôpital Mustapha-Pacha qui traverse l'esprit.
K. M.


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