Algérie

l'homme n'est qu'un homme (X) Juste un mot



l'homme n'est qu'un homme (X) Juste un mot
La culture, c'est quelque chose
Nous lisons et entendons à longueur de journées des discours qui nous rabâchent que la pauvreté, le chômage, la précarité reculent dans notre pays et tendraient même à disparaître. Pourtant, notre réalité nous prouve quotidiennement le contraire. Ce paradoxe nous remet en tête une leçon d'économie politique que nous avait dispensée Monsieur T. à la faculté d'Alger en' 1965. Ce professeur émérite était le digne devancier de ces experts es-économie des organisations internationales qui, chargés de trouver des solutions pour nourrir, soigner, éduquer les peuples, particulièrement ceux du Sud, passent le plus gros de leur temps dans les premières classes des avions, les hôtels cinq étoiles, à compter leurs per diem et cumuler leurs notes de frais, tout en pensant à leurs salaires astronomiques. Aucune honte ne semble les tarauder quant aux revenus misérables des gens qu'ils sont censés aider.
Le drame ou le comique ' car nous ne savons jamais s'il faut rire ou pleurer de ce qui nous arrive sur cette terre et en ce siècle ' est que nous aussi, en Afrique, nous avons créé des phénomènes du même calibre avec nos «Népadistes» budgétivores.
Mais revenons à la leçon du professeur T. Elle relatait une expérience menée au Maroc, par lui et son équipe à la fin des années 50. Le but était d'aider des populations rurales de ce pays, paysans sans terre affamés et misérables, en les mobilisant et les encadrant pour mettre en valeur des lopins par la pioche et la brouette, c'est-a-dire avec uniquement la force de leurs bras.
Ces terres devaient, par la suite, leur revenir en toute propriété. Le programme de nos experts prévoyait de fournir à ces paysans durant la période des travaux ce qu'il leur fallait pour vivre ou plutôt survivre : semoule, huile, café, sucre, savon, etc. Il leur octroyait également une somme modique en espèces pour faire face aux petites dépenses telles que transport, cigarettes, etc. Ce programme, apparemment cohérent et bien pensé, se cassa la gueule. Il «capota», nous avait dit le professeur, à cause de ces gueux de paysans, bien sûr, qui n'avaient pas encore intériorisé la valeur travail.
En effet, ces derniers avaient eu une idée saugrenue, absolument imprévisible : ils avaient économisé les petites sommes reçues pour acheter un poste radio à transistors. Dès lors, ils ne travaillaient plus du lever au coucher du soleil, réduisant leur travail à dix heures. Ils passaient le reste de leur temps à écouter ce que diffusait ce terrible appareil qui venait à peine de naître. La conclusion du cours était que ces paysans, parasites et fainéants, n'étaient pas capables de se prendre en charge, ni de prendre en charge leur avenir et celui de leurs enfants.
Ce qui nous préoccupe et nous inquiète aujourd'hui, en nous remémorant cette leçon d'économie politique d'un professeur-expert occidental, c'est que nous avions alors tout accepté, tout gobé sans broncher : ses données, son raisonnement, sa conclusion. Nous étions à la fois naïfs et sans culture. Nous avions d'ailleurs tous reçu une bonne note à l'occasion des examens portant sur ce sujet. Nous étions, comme dit Gilles Deleuze à juste titre, des étudiants sans idées et sans imaginaire, capables seulement de répéter les «vérités» que leur assène leur prof.
Aujourd'hui, 40 ans après, nous avons surtout honte de ne pas avoir compris que ces paysans marocains des années 50 avaient en réalité accompli un acte de rupture, pour ne pas dire révolutionnaire. Se privant de tout, ils avaient choisi d'acquérir un instrument d'information et de culture.
Ils voulaient entendre leur musique, retrouver leurs racines, écouter les nouvelles et les journaux radiodiffusés, savoir ce qui se passait dans le monde et tout spécialement dans notre pays, l'Algérie, car notre peuple était alors en guerre pour sa libération.
Si de nos jours nous sommes admiratifs devant nos jeunes et tous ceux qui accèdent avec aisance aux nouveaux moyens d'information et à la technologie moderne, sachons cependant rendre hommage, même tardivement, à ces paysans qui avaient compris, dès le milieu du siècle dernier, combien l'information et la culture sont essentielles à la dignité, la liberté et le progrès des hommes. Ce sont eux qui avaient raison !


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