Lorsqu'on donne sa parole c'est pour la tenir.
Le film de notre ami Michel Suchs (Li fet met) raconte une histoire bien simple, belle et aussi émouvante. Il raconte la venue à Alger, par bateau, d'un Français d'une quarantaine d'années, d'allure modeste, mais paraissant préoccupé. Cet homme tient à la main un sachet en plastique qu'il ne lâche à aucun moment.
Mustapha El Anka, l'un des acteurs du film, matelot sur le bateau, avec la tête d'un authentique Algérois d'une cinquantaine d'années, barbe naissante de quatre à cinq jours, gris poivre, béret basque sur la tête, un vrai «bahri», le repère et l'observe. Juste avant le débarquement à Alger, il va vers lui et lui dit : «Ecoute, je sens que tu n'es pas bien. Est-ce que tu as besoin de quelque
chose '» Notre voyageur lui répond tranquillement : «Ne vous inquiétez pas pour moi, tout va bien.» Avant de le quitter, Mustapha insiste encore : «Je sais que tu viens pour quelque chose d'important dans ce pays et je sens que c'est aussi le tien. Si tu as besoin de quoi que ce soit, même pour l'hébergement, n'hésite pas, voici mon numéro de téléphone.»
Sitôt débarqué, le personnage, qui semble bien connaître la ville, prend à pied le chemin menant au Climat de France, son sac en plastique toujours à la main. Une fois sur place, il se dirige vers la boutique du marchand de beignets et, dès qu'ils se voient, tous deux se reconnaissent. Pourtant, trente années sont passées. Après avoir dégusté trois beignets tout chauds, notre bonhomme déclare à son pote le marchand qu'il voudrait retrouver ses copains d'enfance.
Ce dernier sort alors du magasin et émet un sifflement particulier : aussitôt deux hommes rappliquent. Ce sont des «potes» à Michel (signalons, pour la compréhension du récit, que le réalisateur joue lui-même le rôle principal de son film). Les retrouvailles sont animées. Michel offre des beignets à tout le monde et, grand moment cinématographique, il sort un billet de mille francs datant de l'époque coloniale pour payer. Eclats de rire et interjections fusent ! D'une même voix, tous clament : «Notre pays est indépendant. Il a sa propre monnaie !» Pardonnons à Michel cette bourde en rappelant qu'il a quitté l'Algérie en 1962 alors qu'il n'avait que 14 ans.
Une fois les souvenirs déballés, les histoires rappelées, les confidences échangées, le moment de vérité arrive. Michel explique à ses amis qu'il est là pour enterrer sa tante Rosa et il sollicite leur aide. Incrédules, ses copains demandent des nouvelles de la bonne dame et disent combien ils aimeraient la revoir. Après un moment de silence, Michel déclare qu'ils ne pourront plus la revoir car elle est bel et bien morte. Toujours intrigués, ses amis se regardent et l'un d'eux finit par lui dire : «D'accord, tu viens enterrer ta tante Rosa, on va t'aider, mais où est le cercueil '» Michel leur montre le sachet en plastique et répond : «Elle est là-dedans. Depuis des années, ma tante insistait pour être enterrée en Algérie auprès de son mari. Je lui en ai fait la promesse et je suis là aujourd'hui pour la tenir.»
Puis il demande si le trou dans la clôture du cimetière catholique de Saint Eugène (Bologhine aujourd'hui, mais il ne le sait pas!) existe toujours. «Vous vous rappelez, c'est celui par lequel on passait pour jouer à se faire peur en voyant des fantômes partout '», ajoute-t-il. L'un de ses amis lui dit qu'un jour il est passé à côté et qu'il a remarqué que le trou y était encore. Et c'est ainsi que, la nuit tombée, la petite bande se rend au cimetière pour enterrer Rosa. L'opération terminée, avant de quitter les lieux, nos trois amis jouent une dernière fois à se faire peur, comme s'ils avaient encore dix ans'
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Posté Le : 05/09/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Boudjemaâ Karèche
Source : www.elwatan.com