Algérie

l'homme au couffin n'est plus



L’homme au couffin n’est plus
par farouk Zahi

Mériem sa fille n’entendra plus la berceuse « Doud’ha y a Doud’ha » que lui chantait Hamid son père depuis quatorze ans…. son âge. Hamid Kechad n’est plus, il vient à l’âge de 52 ans de quitter en ce premier jeudi de la nouvelle année 2008 les siens, qu’il chérissait tant. D’abord insolite avec sa tenue toute simple de diogène moderne, vareuse décolorée, long châle sur les épaules, pull sombre, pantalon bleu de toile sans pli, godillots lustrés et l’imparable couffin en raffia en guise de fourre tout ; puis attachant dès qu’on regarde de près ses yeux pétillants d’intelligence, son nez « dilaté » qui lui confère tout son charme et l’on perçoit le timbre de sa voix chaude et feutrée. Après un bac philo acquis au lycée de Boufarik dans les années soixante dix, il s’inscrit en fac de droit pour la quitter un an après. Non conformiste, il viole les tabous en bousculant les convenances par le verbe pour se faire mettre sur le ban de l’Institution.
Ces premières amours avec la plume auront lieu au journal « l’Unité » de l’UNJA, il s’attache d’amitié avec Djillali Krimo et les T34. Il pianotait sur un vieil harmonium abandonné dans la maison coloniale de Douaouda que sa famille occupa à l’indépendance et plus tard sur la guitare qu’il abandonna vite, pour se consacrer à la recherche dans le domaine musical. La chaîne 3 lui ouvrait ses micros dans la célèbre émission de « Gal ou Gal » où il « violentait » les us linguistiques en permettant aux invités de s’exprimer en dialectal. C’est ainsi que Hamid « intronisa » des noms jusque là inconnus, les Meskoud, Doumaze, Kobbi, Bourdib, Djaafri et autres. Après le registre de la chanson citadine, il s’essaie au genre bédoui, Ain Tadlès et autres chantres des Haouch (domaines agricoles) n’échappent pas aux écoutilles de son « Nagra » qu’il portait en bandoulière. Les cheikhs El Khaldi, Lakhdar (Lakhal) Benklouf, El Alaoui ou encore Nador n’avaient aucun secret pour lui. El Badji l’appelait affectueusement Abdelhamid.

Il se faisait virer deux ou trois fois de la chaîne 3 pour incompatibilité d’humeur ou pour crime « de lèse majesté ». Il errera entre Alger Rép et le Matin où il y commet « La paix des cimetières »…visionnaire quelque peu. Hamid n’aura pas eu de statut ni de reporter, ni de journaliste radiophonique mais aura conquis des territoires immenses dans les cœurs de petites gens des Zibans, du Hodna ou du Gourara-Tidikelt où il aimait y aller, pour dénicher des trésors de vocalité ou de rimes bédouines. Il est probablement le premier prospecteur du genre G’naoui dans les Sud Ouest du pays. Les fidèles auditeurs de son émission hebdomadaire du mardi soir « Ki ma idir fel b’har el aouaam »( Comme fait le nageur dans les vagues), ne l’écouterons plus en direct, le fil de la vie s’est coupé. Les turbulences que connaîtra le pays, ne le laisseront pas indifférent, il veillera de longues nuits avec les Patriotes de Haouch Gros dans la Mitidja. Les survivants d’entre eux ont tenu à accompagner sa dépouille mortelle jusqu’à son ultime demeure. Il repose à présent dans un coin d’ombre dans le cimetière de Koléa juste en face du lycée technique.


Le 03 janvier 2008




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