Algérie

L'hommage (oublié) à l'équipage du Tariq Ibn Ziad



Par Youcef Laddada
Dans la nuit du 11 au 12 novembre 2017, le car-ferry Tariq Ibn Ziad, assurant la desserte Marseille ? Alger, s'est trouvé confronté à la pire des catastrophes pouvant survenir à bord d'un navire, à savoir l'incendie.
Aussitôt l'alarme déclenchée, tout le personnel, du commandant de bord au «moussaillon», s'est immédiatement mobilisé, toutes fonctions cessantes, pour faire face au sinistre.
Le feu s'étant déclaré au niveau du 2e étage du garage véhicules, et tendant à se propager, a pu être maîtrisé au bout de quatre heures de lutte, ce qui a pu permettre au navire de rallier le port d'Alcuidia («colline» en français, thighilt en tamazight, quelle coïncidence) grâce au professionnalisme, à l'abnégation et au sens du sacrifice de l'équipage.
Dans pareille situation, le plus dur c'est la gestion de la panique des passagers (630 en plus des 430 véhicules) et, Dieu merci, nos marins ont été à la hauteur, dont certaines nouvelles recrues, faute de faire leur baptême de mer, ont fait leur baptême du feu (c'est le cas de le dire).
Aussitôt informée, la direction de l'ENTMV a pris toutes les dispositions pour la prise en charge des passagers, qui ont été dirigés vers des hôtels à Palma, et enjoint le car-ferry Al Djazaïr, devant assurer la liaison Marseille ? Oran, de faire un «crochet» par Palma pour éventuellement embarquer les passagers désirant se rendre à Oran.
Ordre a également été donné au ferry Tassili 2, en partance d'Oran, de se rendre directement à Palma pour rapatrier le reste des passagers. Missions totalement réussies.
Malgré le dénouement relativement heureux de ce qui aurait pu être une tragédie, et malgré les déclarations de la majorité des passagers qui n'ont pas tari d'éloges sur le rôle du personnel navigant, certains «rescapés» ont jugé utile de stigmatiser le manque de prévention, la négligence et le manque de professionnalismes de nos marins.
A ce sujet, Belaïd L., chef mécanicien en retraite, avec 35 ans de navigation, à son compteur, dont 22 à bord du Ibn Ziad, contacté, déclare : «Durant ma carrière, on a eu souvent à faire face à de telles situations, et notre souci majeur était d'y remédier à l'insu des passagers. Or, dans ce cas précis, les passagers étant submergés par la fumée, l'essentiel était de gérer leur panique, et Rabbi settar, le personnel a été à la hauteur.
Sans évoquer le miracle, je tiens néanmoins à saluer la prouesse du personnel navigant qui a su gérer. J'en suis d'autant plus fier et à la limite orgueilleux, car beaucoup d'entre eux ont été mes élèves. A ceux qui parlent de négligence, il faudrait qu'ils sachent qu'au niveau de chaque port, il existe une autorité, portuaire en l'occurrence, le PSC (Port state control) au-dessus de toute influence, et qui vient contrôler inopinément tous les navires, et constatant une avarie ou une carence, ne leur permettrait jamais d'appareiller, quel que soit leur pavillon.
Donc, le Tariq Ibn Ziad est sorti de Marseille dans les normes.» L'incendie à bord n'étant point une première dans l'histoire de la marine, il n'est point superflu de rappeler quelques antécédents, dont les plus récents :
- Juillet 1947 : incendie du Liberty strip et de l'Océan Liberty en rade de Brest. Bilan : 26 morts, 400 blessés.
- Février 1953 : incendie dans le port de Marseille du cargo Sidi Ferruch. Bilan : 2 marins pompiers morts.
- Août 1990 : incendie dans le port de Marseille du car-ferry Saint Clair. Le sinistre a été maîtrisé après trois jours de lutte par les marins-pompiers de Marseille (une référence mondiale).Bilan : navire complètement brûlé et irrécupérable.
Alors que le feu s'est déclaré à bord du Tariq Ibn Ziad en pleine mer, à quatre heures de navigation du port le plus proche, et dans des conditions météo nullement favorables (vent de force 6, ce jour-là), comble de la non-reconnaissance du courage et du sens du sacrifice de nos jeunes et moins jeunes, sur initiative de la direction de l'Entmv, et par souci d'économie, l'équipage, ou du moins les membres dont la présence à bord n'était plus indispensable, ont été rapatriés par avion le 19 novembre.
A l'arrivée à l'aéroport Houari Boumediène, hormis les membres de la direction de l'entreprise, à leur tête le directeur général, les cadres du syndicat, tout à leur honneur, le personnel aéroportuaire, PAF, Douanes, personnel d'Air Algérie, tout à leur honneur aussi, il n'y avait aucun représentant officiel.


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