L'hommage de sa fille Sarah

Laissez-moi faire mes choix, mes propres expériences de la vie, tout en me recadrant si je m'égare.Tu avais cette sagesse à vouloir toujours comprendre l'autre, à ne pas le juger, mais surtout à ne jamais l'abandonner dans l'infortune. Même la maladie, puis le grand départ qui pointait ne t'ont pas empêché de m'instruire, comme si tu tenais à tout me léguer avant de partir.
Grâce à ce que j'ai appris de toi, je suis aujourd'hui une femme indépendante, courageuse, généreuse, mais surtout dévouée à travailler dur pour réussir, même dans un système pernicieux Et tu me laisses ma chère maman ! Ensemble, elle et moi, nous tâcherons de perpétuer la flamme de ton havre et honorer ton nom.
Quoi dire de ton adorable petite-fille qui n'aura malheureusement pas la chance de connaître quelle grande personne tu étais ' Elle n'aura malheureusement pas ce plaisir de t'écouter lui chanter des berceuses, d'admirer tes fameux tours de magie. Tu ne lui apprendras pas à jouer aux dominos.
Tu ne l'emmèneras pas à la salle de judo ni en colonie de vacances. Hélas ! Ma Leia n'aura pas ma chance. Oui, comme je suis la femme la plus chanceuse, je suis aussi la plus triste au monde. Chanceuse et fière d'être ta fille que tu as choyée durant trente-deux ans, et triste de t'avoir perdu si tôt.
Que Dieu Tout-Puissant ait pitié de ton âme ! Tu te plaignais de douleurs depuis des mois, croyant que c'était juste des séquelles d'anciennes blessures aux entraînements. Tu perdais rapidement du poids, mais tu te trouvais des explications sportives. Tu ne doutais guère que c'était le début de la fin.
Tu pensais tel un humain que c'était par malchance que ça tombe sur toi, mais même rongée par le chagrin, je te consolais, telle une fille croyante qui adore son papa, que tout ce qui nous arrive est la volonté de Dieu, et qu'il faut l'accepter, comme tu me l'enseignais. Car le Tout-Puissant t'aime vraiment pour t'avoir choisi.
Nous savions un peu plus que toi que le combat allait être très rude, voire vain, mais tu l'as mené avec témérité jusqu'au bout. Ton courage de combattant et ta fierté de maître t'ont contraint à l'affliction discrète. Tu ne voulais d'apitoiement de personne.
Tu souhaitais rester la personne que tout le monde respectait et admirait, l'homme qui, peu importe les souffrances ou la maladie, reste fidèle à lui-même, travailleur, passionné, et surtout disponible.
Chaque dimanche ou jeudi, selon le cas, et après une longue séance de chimiothérapie le matin, même très fatigué, au lieu de rentrer à la maison te reposer, tu trouvais le moyen et les ressources pour faire un tour à ta salle de judo, t'enquérir des conditions de tes athlètes, les encourager à donner le meilleur d'eux-mêmes afin de concrétiser leurs rêves en devenant des champions, à l'instar de ceux qui les ont précédés.
Tu pensais que le sport protégeait contre toutes les maladies, cela n'est pas faux. J'aurais souhaité que cette logique s'appliquât à ton cas, mais la Volonté divine transcende n'importe quelle logique. Les projets ambitieux que tu avais pour cette salle, pour les jeunes qui la fréquentent, et qui te tenaient à c?ur, étaient tels que tu étais prêt à tous les sacrifices pour les mener à terme, y compris ta propre petite famille.
Hélas ! Ton bébé, qui devrait fêter son 45e anniversaire, le fêtera sans toi. Nul n'ira à l'encontre de la volonté de Dieu, ainsi est écrit depuis nos naissances. Tu étais là pour une mission, et pour ma part, tu l'as bien accomplie. Tes ?uvres aussi bien faites qu'écrites, ainsi que ta personne, parleront toujours de toi.
Et tant que je vivrai, je veillerai à ce que ton nom, tes valeurs et projets soient toujours honorés. Nous ne t'oublierons jamais grand Homme. Je profite de l'occasion pour remercier Mme Mabed (maman) pour tous ses sacrifices, pour sa compréhension, pour son éducation, pour avoir été une femme exemplaire avec mon père.
Elle l'a laissé vivre sa passion, souvent à son détriment personnel. Elle a beaucoup de mérite dans ce que mon père a réalisé. Elle était la «Femme» derrière le grand Homme. Maman, je te rends aujourd'hui hommage.