Ferhat Abbas, ce repère de l’histoire nationale et visionnaire hors pair, reste méconnu.
L’historien, Mohamed El Korso, a levé le voile sur un épisode controversé de la vie de l’un des symboles de l’histoire de l’Algérie. Il s’agit de Ferhat Abbas, le premier président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (Gpra). Le nom est connu. Cependant, les multiples facettes de l’homme restent à découvrir. Le chercheur en histoire, Mohamed El Korso, est catégorique: Ferhat Abbas est victime du discours historique ambiant.
«Ce discours a été construit sur la base de la réponse du cheikh Abdelhamid Ben Badis (le premier président de l’Association des ouléma musulmans algériens, Aoma) à un article de Ferhat Abbas: La France, c’est moi». a expliqué M.El Korso, lors de la conférence qu’il a animée au siège du quotidien El Moudjahid à Alger, en commémoration du 25e anniversaire du décès de l’ancien président de l’Assemblée nationale constituante, dissoute en septembre 1963. Abdelhamid Mehri, en mission au Qatar, Réda Malek et Abderrahmane Chibane, président de l’Aoma, se sont excusés de ne pouvoir assister à cette conférence.
L’échange que Ferhat Abbas a eu avec cheikh Ben Badis a pesé lourdement sur l’itinéraire de cet homme historique.
«Le cheikh Ben Badis a crucifié Ferhat Abbas», a affirmé le chercheur. Il a, ensuite, expliqué l’influence qu’a eue cet épisode sur la transcription de l’histoire de l’Algérie du siècle dernier. Cela dit, il a insisté sur un point: la nécessité d’inscrire cet échange dans le contexte de l’époque. En février 1936, Ferhat Abbas publie un article dans le journal l’Entente franco-musulmane (connu sous le nom de l’Entente) qu’il dirigeait. «La France, c’est moi», ce titre annonçait, déjà, la tonalité de l’article.
«L’Algérie en tant que patrie est un mythe. Je ne l’ai pas découverte. J’ai interrogé l’histoire; j’ai interrogé les morts et les vivants; j’ai visité les cimetières: personne ne m’en a parlé...», avait écrit Ferhat Abbas qui, à l’époque, prônait l’assimilation. Seulement, il insistait sur le maintien du statut personnel des Algériens. Aussi, il réclamait l’égalité des droits entre musulmans et européens dans le cadre de la République française.
En réponse, Abdelhamid Ben Badis a défini l’identité algérienne en se référant à l’Islam et à l’arabité. «La réponse de Ben Badis n’a aucunement jeté le froid entre les deux hommes», a précisé M. El Korso. Il a, également, mis en exergue la «ligne politique droite» de Ferhat Abbas.
En ce sens, il a présenté trois repères historiques. Il s’agit des différents périodiques dont Ferhat Abbas était responsable. En 1933 paraissait L’Entente qui déclinait la vision de l’assimilation que l’homme défendait. La Seconde Guerre mondiale à constitué un virage décisif dans le parcours de Ferhat Abbas. En 1944, il publie L’Egalité. Profondément secoué par les massacres du 8 mai 1945, il publie La Réplique Algérienne. «Ferhat Abbas était un homme fédérateur» a soutenu, pour sa part, Amar Belkhodja, journaliste et chercheur en histoire. Ce dernier a révélé que l’Union démocratique du manifeste algérien (Udma), créé et présidé par Ferhat Abbas comptait des militants algériens et français. Il en a décliné deux noms: Roland Miette, un ingénieur en agronomie et...Francis Jeanson, le philosophe français connu pour son soutien indéfectible à la Révolution algérienne. «L’intellectuel Francis Jeanson avait adhéré à l’Udma en 1949», a précisé le conférencier.
Ce chercheur a mis en exergue le travail de sensibilisation mené par les partisans de l’Udma en faveur de la cause algérienne. «Cette mobilisation finira par faire basculer l’opinion intellectuelle française et internationale en faveur de l’Algérie», a rappelé M.Belkhodja. L’un des épisodes les plus marquants de cette mobilisation est le procès des «porteurs de valises», intenté contre Francis Jeanson et les membres du large réseau de soutien à la cause algérienne qu’il a mis en place.
En février 1956, Ferhat Abbas annonce la dissolution de l’Udma et invite ses adhérents à rejoindre le Front de libération nationale. Son engagement indéfectible dans le combat indépendantiste lui a valu d’être élu président du Gpra à sa création le 19 septembre 1958. Il fut ensuite élu président de l’Assemblée constituante de l’Algérie indépendante. Il démissionna de son poste en 1963. «L’homme politique et le visionnaire hors pair qu’a été Ferhat Abbas a été empêché de participer à la construction de l’Etat algérien», a regretté M.Belkhodja.
De son côté, Leïla Benmansour, docteur en communication et auteur du livre «Ferhat Abbas, l’injustice», avait, pour sa part, mis l’accent sur «le visionnaire hors du commun qu’avait été Ferhat Abbas». Ce monument de l’histoire national, auquel l’honneur qui lui était dû n’a pas été rendu, est décédé le 24 décembre 1985, alors qu’il était assigné à résidence.
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Posté Le : 26/12/2010
Posté par : infoalgerie
Ecrit par : Mohamed Sadek LOUCIF
Source : www.lexpressiondz.com