Algérie

L'histoire en chair et en sang



L'histoire en chair et en sang
Le destin de Messaoud Oulamara pourrait bien résumer l'histoire récente du pays. Son récit * est un condensé de toutes les évolutions qui permirent d'assister à sa naissance. Il aura tout connu. Le roman, il s'agit bien d'un, de sa vie, se feuillette comme un palpitant livre d'histoire. Avec ses pages glorieuses et les déceptions que trop souvent elle charrie. Il a tout sacrifié pour organiser les cellules du PPA dans sa région natale de Ain El Hammam en Haute Kabylie. Il fut la cheville ouvrière qui permit l'implantation, à partir de mars 1938, de la première cellule du parti indépendantiste. Il vivra plus tard les conflits fratricides qui donnèrent, lors de la crise de l'été 1962, un goût amer à une indépendance chèrement acquise. Il prit alors fait et cause pour le FFS avant de se rétracter. Engagé très tôt dans le PPA, conscient que seul l'usage de la force pouvait restituer les droits et les libertés spoliés, l'homme, décédé en octobre 2001, à l'âge de 89 ans, livre, dans cet ouvrage, dont la version en langue amazighe est parue il y a six ans, une longue confession. Les rêves y côtoient les épreuves. D'un niveau d'instruction modeste, il a partagé l'idéal des rares militants qui voulaient libérer le pays d'un joug du colonialisme mais éprouvé dans sa chair la répression sous de multiples formes. L'homme, qui a répondu à l'appel de la patrie dès la nuit du 1er novembre, connaîtra les affres de la torture lors de fréquents emprisonnements. Avant de monter au maquis en 1957, il venait de purger une peine de vingt-trois mois dans les camps de Lodi et de Berouaghia. C'est un témoignage vivant qui évoque les hommes, les maigres moyens dont ils disposaient pour mener un combat qui relevait alors de l'irréel. On découvre une ville avec ses patriotes et ses mouchards, les méthodes pour se cacher des yeux et des oreilles indiscrètes. Ici, l'histoire, qui se réduit trop souvent à des dates, à des mots d'ordre abstraits, prend un visage humain. Elle est faite de chair sanguinolente et de sang bouillonnant.Témoignage de première mainL'intérêt du livre qui, par ailleurs, recèle une valeur sociologique avec des annotations sur la place des marchés, les mouvements migratoires, les écoles, est qu'il nous fait partager à la fois la vie des simples militants et nous fait pénétrer dans la sphère des dirigeants. L'auteur décrit les tâches des premiers, leurs comportements lors des rafles ou des élections auxquelles prit part le PPA MTLD. Son parcours croise celui d'hommes entrés dans l'histoire. Messali dont il relate avec minutie le mémorable meeting de mars 1947 à Ain El Hammam, Krim Belkacem, Ahmed Bouda, le colonel Amirouche, Bennai Ouali, Mohammedi Said dit colonel Nasser, Ouamrane, Laimeche Ali , Hocine Ait Ahmed ont, à un titre ou un autre, rencontré Messaoud Oulamara . Le mérite de ce livre qui vient s'ajouter à d'autres comme celui d'Abdelhafid Yaha est de fournir pour l'historien des indications précises et exactes sur le rôle des uns et des autres dans une région où il y avait alors une élite politique remarquable. C'est un témoignage de première main. Il nous fait découvrir quelques aspects de la crise dite berbériste de 1949, les maquis d'avant 1954. On peut aussi lire quelques pages sur « l'affaire de la bleuite » dont il avait suivi les péripéties à l'été 1958 alors qu'il était chargé, au maquis, dans la région de Bounaamane, près d'Azefoun, de repérer et fabriquer, tradition familiale oblige, des armes. Il relate également la terrible opération jumelles de l'été 1959 qui vit 45.000 soldats se déverser sur la wilaya 3. « Nous étions restés huit jours dans un abri inaccessible ni par le haut ni par le bas et nous n'avions pas vu la lumière du jour. Toute la montagne résonnait du bruit des moteurs des colonnes de camions GMC. Notre interrogation à tous : d'où pouvaient provenir autant de soldats ' (P 260). Le récit de ce vieux maquisard qui, en 1960, fut touché lors d'un bombardement par trois roquettes au crâne, parle en connaissance de cause de plusieurs maquis, des combats engagés, des compagnons disparus. Il se rappelle des bombardements au napalm sur la forêt de Mizrana, la défection de combattants et le favoritisme dans les promotions. Sa parole est pétrie de vérité. Celle des gens modestes, demeurés dans l'ombre sans besoin de se nourrir de grandiloquence ou de s'attribuer des légendes factices et surfaites.R. H.amoudi* Messaoud Oulamara, « Les sentiers de l'honneur » Editions Koukou - 319 pages. Prix public : 800 DA.




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