Algérie

L'heure de vérité


L'épreuve difficile qu'a traversée le pays, avec son lot de 70 victimes, une abjecte mise à mort d'un jeune homme innocent et des dizaines de milliers d'hectares brûlés par des mains criminelles, n'est pas totalement derrière nous. Mais l'on peut d'ores et déjà tirer les premiers enseignements au triple plan judiciaire, politique et social. Des vérités ont pu être établies.La justice, qui a pris en main le dossier des incendies de forêt, a entamé la première phase d'un travail difficile et méticuleux, nécessitant un maximum de précisions. Les voix qui s'élèvent ici et là apportant un soutien à certains prévenus doivent aussi être entendues. Il est important de ne pas céder à la précipitation. Même si le caractère criminel des incendies est scientifiquement établi, il n'est pas dit que toutes les personnes soupçonnées en soient les auteures. La justice doit faire son travail dans la sérénité et les Algériens sont censés accepter son verdict quoi qu'il advienne. Quitte à ce qu'il n'y ait aucune condamnation lors des procès des présumés incendiaires. Ils sont encore innocents jusqu'à preuve de leur culpabilité. Le rôle des juges est autant important que difficile au regard de l'intérêt qu'accorde l'opinion nationale au drame vécu par la région de Kabylie.
Laisser faire la justice et accepter sa décision est, compte tenu du contexte dans lequel se dérouleront les procès, un autre témoignage de la maturité de la société algérienne. Celle-ci a, rappelons-le, confié aux services de sécurité et à la justice la mission d'investiguer, de juger et condamner les assassins de Djamel Bensmaïl. Aucun mouvement de foule ou autre tentative de rendre la justice en dehors des tribunaux n'ont été enregistrés aux quatre coins du pays. Les Algériens ont suivi et apprécié, à sa juste valeur, le travail des enquêteurs de la Police nationale et n'ont pas écouté les voix de la haine. Ils s'en remettent à la justice de leur pays.
Ainsi, dans leur volet judiciaire, les incendies et le meurtre de Djamel Bensmaïl font l'unanimité au sein de la collectivité nationale. Au plan politique, l'attitude solidaire des Algériens avec la région de Kabylie a ouvert un nouveau chapitre dans l'Histoire de l'Algérie contemporaine, rappelant le formidable élan salvateur de la République du 22 février 2019. Le peuple a réalisé une autre démonstration de son unité et mis, encore une fois, la scène politique nationale devant une situation inédite et inattendue. Les réactions unanimes des acteurs politiques, submergés par la puissance de l'unité populaire, cachent en réalité très mal leur méconnaissance de la sociologie politique de leur propre pays. Ils ont appris que le tribalisme, le régionalisme et autres tares dont ils affublent la société algérienne n'existent que dans leurs têtes. Après celle du Hirak, en février 2019, la leçon algérienne de ce mois d'août 2021 donne un signal fort aux leaders politiques, que certains ne semblent malheureusement pas avoir saisi. Certains propos nauséabonds et d'autres totalement en décalage avec la réalité imposée par l'attitude des Algériens, amènent à désespérer d'hommes et de femmes qui n'ont rien compris à la dynamique de la société algérienne, trop occupés à singer l'Occident et l'Orient.
Cet échec prévisible de la classe politique à s'élever à la hauteur de l'événement du moment, n'empêche pas la machine de l'Histoire d'avancer. À ce propos, un important rendez-vous est pris entre les Algériens de Kabylie, leurs frères et soeurs du reste du pays et l'Etat, représenté par son administration locale et centrale. Panser les plaies de cette région du pays, si chère à tous, est une affaire de la société civile et de l'Etat. Des volontés de prendre part à l'effort de construction de ce qui a été détruit par le feu s'expriment aux quatre coins du pays. D'Oran, de Constantine, d'Alger, de Tlemcen et d'ailleurs, de très nombreux collectifs se préparent au reboisement, d'autres à rebâtir les logements. D'autres encore imaginent des plans complexes et astucieux pour régénérer la faune et la flore de la région. Bref, l'Algérie est en ébullition et impatiente de transformer l'élan de solidarité en un long parcours d'édification d'une région, indépendamment de toutes les tares qui font courir les politiques. Il reste à l'Etat d'accompagner cette formidable dynamique naissante, de débroussailler les réglementations...Bref d'être à l'écoute et de se comporter en facilitateur de l'effort citoyen de reconstruction.
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