Algérie

L'extrême droite, premier choix des jeunes actifs désenchantés



Les jeunes actifs français, quand ils ne s'abstiennent pas, votent de plus en plus pour l'extrême droite de Marine Le Pen, dont le Rassemblement national est devenu le premier parti des 25-34 ans, un phénomène nourri par leur désenchantement à l'égard des gouvernants et des partis politiques. A un an de la présidentielle de mai 2022, pour laquelle le président sortant Emmanuel Macron et son adversaire de 2017 Marine Le Pen arrivent largement en tête des intentions de vote, deux instituts de sondage font le constat que quand les jeunes ne désertent pas les urnes - l'abstention est très forte chez eux -, les plus âgés d'entre eux (25-34 ans), qui sont davantage sur le marché de l'emploi, votent d'abord pour le Renouveau national (RN, héritier du Front National fondé par Jean-Marie Le Pen). Si les 18-24 ans votent plutôt pour le président centriste Emmanuel Macron ou le tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, «les 25-34 ans, ces jeunes qui ne parviennent pas à s'insérer, qui vont payer les conséquences dévastatrices de la crise économique» votent en premier lieu pour le parti de Marine Le Pen, affirme Frédéric Dabi, directeur adjoint de l'Ifop, qui a réalisé cette étude avec un autre institut, Ipsos, des données obtenues par le quotidien Le Monde. «La jeunesse qui emmerdait le FN (célèbre slogan des années 80, ndr), elle a pris le mur de la réalité en pleine face (...) quand il s'agit de trouver du boulot dans un monde ultralibéral (...), de vivre avec une immigration anarchique et avec l'insécurité massive qui en est le corollaire», estime pour sa part Marine Le Pen, qui a récemment donné une longue interview au média jeunes de l'hebdomadaire conservateur Valeurs Actuelles, VA+, et dont le parti promeut rapidement les jeunes militants.Le vote des jeunes en faveur du RN «a existé à toutes les époques mais pas dans cette proportion», note le politologue Jean-Yves Camus. Il s'agit d'une classe d'âge «particulièrement touchée par la désillusion vis-à-vis des formations, de droite comme de gauche, qui se sont succédées au pouvoir».»Les anciennes prévenances» à l'égard du parti d'extrême droite «s'émoussent parce que l'époque où tout le monde défilait dans la rue» contre Jean-Marie Le Pen quand il parvient au second tour de la présidentielle en 2002, «remonte à 20 ans», explique le directeur de l'Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean Jaurès. D'autre part, «c'est à partir de 25 ans que vous êtes confrontés au marché du travail, à votre première mobilité géographique», alors que chez les plus jeunes, «il y a encore une influence du milieu familial» sur le vote, avance-t-il. La «dédiabolisation» du RN des accusations de racisme et d'antisémitisme entreprise par Marine Le Pen, peut également jouer un rôle dans ce vote, selon lui. Reste que quel que soit son âge, un élève de lycée agricole ne vote pas forcément comme un étudiant de classe prépa. Le RN reste un parti où «le vote est corrélé au niveau de revenus et de diplômes», les plus bas revenus et les moins diplômé votant davantage pour lui, comme ailleurs en Europe, rappelle Jean-Yves Camus, auteur avec Nicolas Lebourg de «Les droites extrêmes en Europe» (Seuil, 2015). Tous les spécialistes rappellent cependant que le premier parti des jeunes reste l'abstention. En 2017, seul un jeune sur cinq a voté aux deux tours de l'élection présidentielle, et pour 2022, un sur deux prévoit d'aller voter, selon Ipsos.
Pour le sociologue Vincent Tiberj, coauteur de «Générationsdésenchantées'» (la documentation française, mars 2021), il y a une «mise à distance des partis politiques» et du vote. Les plus diplômés veulent participer «autrement» à la vie de la cité, soit par des manifestations, pétitions, boycotts etc, soit par des consultations directes, dans une forme de démocratie plus «horizontale», explique-t-il. «La jeunesse a soif d'engagement» mais «s'engage de manière différente», veut croire sur France Culture la secrétaire d'Etat à la Jeunesse Sarah el-Haïry, qui souhaite faire «converger» démocratie représentative et démocratie participative, en promouvant la convention citoyenne sur le climat. Le «devoir» citoyen du vote parle encore moins aux jeunes des territoires ruraux ou périurbains, où le «désarrimage de la politique est beaucoup plus inquiétant», note M. Tiberj. «Ce sont des gens qui sortent des radars et reviennent parfois, notamment à la présidentielle». Ce vote «d'adhésion» des jeunes actifs pour le RN pourrait aussi s'expliquer par le fait que les jeunes se positionnent politiquement en fonction de problématiques identitaires davantage qu'économiques ou sociales, qu'ils soient pour ou contre, selon le sociologue.


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