L'estimation de Djezzy devait être faite à la fin mai. Des sources
algériennes anonymes citées par Reuters affirment que cela est dû à des
difficultés rencontrées par le cabinet d'avocats Sherman & Sterling
d'accéder aux données d'OTA-Djezzy. Le cabinet, lui, parle
de clause de confidentialité en cours de négociations avec Djezzy.
Omar Berkouk, expert financier, nous apporte son
éclairage.
Quelle est la
démarche ordinaire ailleurs dans le monde en matière d'échange de données
d'entreprise en cas de rachat ou de cession ?
S'il existe bien une démarche usuelle en
matière de rachat ou de prise de contrôle «amicale» ou «hostile» d'une
entreprise par une autre entité (État ou Corporation), la démarche du
Gouvernement algérien n'a rien d'ordinaire ! Généralement le lieu où s'exerce
l'action de «prise de contrôle» ou de «rachat» détermine le mode de relation
entre le candidat au rachat et la «cible». Dans le cas d'une société dont les
actions sont librement cotées sur une Bourse normalement régulée», tout
actionnaire peut obtenir l'information nécessaire pour fonder son opinion sur
la valeur de la société. Dans ce cas, la prise de contrôle de la société cible
peut se faire de manière «hostile», sans aucune facilitation de sa part au
processus engagé par «l'assaillant». Souvent, elle fait tout ce qui est
possible pour rendre la tâche plus difficile. Cela permet, en cas de ralliement
ultérieur à «l'assaillant» de faire monter le prix de la cession. Un rachat
«hostile» entre deux entités non étatiques ne peut se concevoir que sur le
marché puisqu'il ne faut attendre aucune coopération de la part de la «cible». Le
cas d'une prise de contrôle, d'un rachat total ou d'une fusion amicale, outre
l'information disponible sur le marché, les deux acteurs partageront leurs
plans de développement stratégiques pour dégager des synergies sources de
valorisation de la nouvelle entité née du rapprochement. Si la cible est
«privée», c'est-à-dire ces actions ne sont pas cotées en Bourse aucune
opération «hostile» n'est possible de la part d'une autre entité privée. Une
action publique est possible mais elle relèverait d'une Loi de Nationalisation !
Dans le cas d'OTA-Djezzy, l'ambiguïté réside dans la
qualification de l'opération entreprise par l'Etat : est-ce une nationalisation,
une prise de participation minoritaire ou majoritaire ? Est-elle consensuelle
ou bien hostile ? On le comprend, la «bonne» coopération de la part des
dirigeants d'OTA dans ce cas d'offre non sollicitée
dépend de la qualification de l'opération engagée par l'État.
Shearman et Sterling
évoque des négociations avec Djezzy sur la clause de
confidentialité. Cela prend-il du temps et retarde-t-il l'évaluation ?
L'engagement de
confidentialité est une formalité dont on s'acquitte au tout début du processus
de fusion et/ou d'acquisition lorsque les parties ont finalement consenti à
l'éventualité de l opération (lettre de Naguib Sawiris à Monsieur le Premier ministre). Les cabinets
d'avocats spécialisés le savent : il n'y a pas d'échange d'informations sans la
signature préalable d'une NDA (Non disclosure
agreement). On peut s'interroger, à ce stade de l'étude, sur l'émergence de
difficultés concernant la mise en place de la clause de confidentialité. On ne
peut croire que le cabinet Shearman & Sterling ne
soit pas professionnel ! Le processus de négociation de la clause de
confidentialité ne retarde pas l'évaluation. Elle est déjà quasi-faite mais il
retarde le processus d'entrée en négociation pour la transaction !
Des experts
affirment que l'essentiel de l'évaluation de Djezzy
peut se faire sur la base des données comptables disponibles chez
l'administration fiscale. Est-ce le cas ?
Effectivement, l'administration
fiscale dispose de la base taxable de la Société, soit sa capacité bénéficiaire sur au
moins les 3 dernières années. Mais dans un processus d'évaluation, les
perspectives bénéficiaires futures sont aussi importantes voire plus
importantes que celles passées. La stratégie de développement, les
investissements en cours et à venir rentrent dans le processus d'évaluation. En
général, le marché paie plus pour une société qui se développe encore que pour
celle arrivée à maturité ! C'est peut-être dans l'évaluation du futur de Djezzy que la
Clause de Confidentialité vient interférer ! Si l'on sait
avec plus ou moins de précision ce que Djezzy a fait
comme profit dans le passé, il peut paraître difficile de déterminer ce que
sera sa capacité bénéficiaire dans le futur. Cette dernière dépend de la
stratégie menée actuellement par OTA. Cette stratégie est hautement
confidentielle (vis-à-vis de Mobilis et de Nedjma…).
Le retard dans
l'évaluation de Djezzy soulève des questions. Les
autorités algériennes seraient-elles moins pressées de connaître le montant de
la transaction ? Seraient-elles moins certaines de l'option nationalisation
encore soutenue par Ahmed Ouyahia récemment ?
La question se
pose en termes de stratégie industrielle et de balance des paiements. L'incidence
du rapatriement de l'important dividende de Djezzy –
c'est un IDE qui a réussi! -sur la balance des paiements du pays peut être une
justification suffisante mais sans aucun écho en matière de stratégie
industrielle. Le pourquoi de son rachat est toujours sans réponse directe de la
part des autorités algériennes. Les contextes géopolitique et économique (Vimplecom), ayant évolué, une opération en «force» ne peut
pas s'envisager. Il est encore temps de chercher des solutions économiques dans
l'intérêt du pays qui passent nécessairement par la préservation de l'intégrité
de Djezzy qui est déjà un actif algérien !
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Posté Le : 14/06/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Samy Injar
Source : www.lequotidien-oran.com