Algérie

«L'exil, ce n'est pas l'eldorado» Le jour où ma mère a rencontré Jhon Wayne, de Rachid Bouali



De notre envoyé spécial au
festival Off d'Avignon
-Comment avez-vous conçu ce spectacle '
Lorsque j'ai perdu ma mère, il y a trois ans, j'ai ressenti un choc et je n'avais pas eu le temps de m'arrêter pour comprendre comment elle était passée des montagnes du Djurdjura à la grande ville de Roubaix et son ciel gris et bas. C'était certainement quelque chose de difficile à vivre que de quitter sa Kabylie natale et toutes les petites choses qu'elle me racontait lorsque j'étais enfant, ses rêves où revivait son Algérie. On sentait que l'exil, cela ne se fait pas comme ça, on est loin de l'eldorado, je la sentais désabusée et déracinée. Pour rendre hommage à cette déchirure, j'ai réalisé ce spectacle pour montrer sa face cachée. En France, on diminue les étrangers, comme s'ils ne comprenaient rien. Je voulais montrer comment ma mère vivait sa culture, chez elle. Avec sa manière de percevoir la vie.
-Commet réagissent les spectateurs '
Le public ouvre les yeux et découvre les choses cachés. Ce qu'on me dit souvent c'est qu'ils ressortent en voyant autrement les immigrés, ils redécouvrent la part de vie et de culture qu'ils portent. Ma mère aussi a un milieu, une famille, elle est reconnue par les siens.
-On est dans le rêve absolu, mais en même temps c'est un peu, sans prétention, une 'uvre sociologique. Vous avez beaucoup travaillé votre sujet '
En vérité, j'ai d'abord posé l'écriture. Je suis artiste et comédien de théâtre et j'aime bien pouvoir étudier la dramaturgie pour qu'on ne sente pas arriver l'événement final de la pièce. Par des effets, on amène le spectateur à comprendre que la maman qui évoque ses rêves, elle n'est plus là, elle est morte. Ma mère est présente face à moi mais en réalité elle est partie. Il y a un moment d'émotion lorsqu'on est fier de quitter sa mère, de prendre un appartement, de vivre sa vie, mais en réalité, tout le monde le sait, ce ne sont pas les enfants qui quittent les parents, ce sont les parents qui s'en vont et nous laissent et ne reviendront plus jamais. La mère, c'est la racine de chacun d'entre nous.


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