Algérie

L'exercice du droit à la citoyenneté, un luxe pour les nord-africaines


Qu'elles soient algériennes, tunisiennes, marocaines ou mauritaniennes, elles ont toutes des difficultés à accéder à l'espace politico-économique et social. En dépit des avancées en matière de législation et des luttes pour l'égalité, les Nord-Africaines peinent à arracher leur droit à l'exercice d'une pleine citoyenneté.C'est en tout cas ce qui ressort des travaux du colloque international sur la participation politique et socioéconomique de la femme nord-africaine, organisé hier à Alger, par le RCD (Rassemblement pour la démocratie et la culture) et auquel ont pris part des représentantes du Maroc, de la Tunisie, de la Mauritanie ainsi que des universitaires algériennes. Archicomble, la salle de conférences de la Mutuelle des matériaux de construction de Zéralda n'a pu contenir le nombre important des militants ? surtout des militantes ? du parti venus de plusieurs régions du pays. A l'ordre du jour, une quinzaine de communications sur les différentes expériences en matière de lutte pour une citoyenneté effective et les réformes législatives qui donnent à celles-ci leurs pleins droits.
Directrice du Ciddef (Centre d'information et de documentation sur les droits des enfants et des femmes) et enseignante à la faculté de droit, Nadia Aït Zai a axé son intervention sur le cas de l'Algérie, en évoquant «les pas franchis» en la matière à travers la levée des réserves sur la Cedaw (Convention internationale de lutte contre les discriminations à l'égard des femmes), ratifiée par l'Algérie. Sous le thème générique de : «Cadres juridiques nationaux et conventions internationales : réalité de l'application et de l'applicabilité des lois», elle commence par citer la criminalisation des violences à l'égard des femmes dans le code pénal, dès 2015, les changements dans les dispositions du code de la nationalité?, mais il reste encore, dit-elle, la réserve sur l'article 7 de cette convention, alors que l'Algérie a ratifié la convention de Maputo, sans aucune réserve.
«Des avancées, il y en a eu, mais la volonté politique n'est plus de mise», déclare l'intervenante. Elle rappelle le tollé suscité par la déclaration du Président en 2015, pour la levée des dernières réserves, et les réactions violentes de nombreux députés, suivies de la sortie du ministre des Affaires religieuses, qui avait déclaré qu'il n'y aurait pas de levée des réserves. «Est-ce qu'il a été mandaté ' Par qui '» s'interroge l'avocate. Elle rappelle aussi les réactions au sujet de la question de l'avortement thérapeutique contenue dans la loi sanitaire.
«Il y a eu une mauvaise interprétation. L'avortement thérapeutique existait bien avant, mais les députés ont supprimé l'intervention de la grossesse lorsque l'enfant est porteur d'une maladie génétique. Ont-ils conscience de l'énorme coût financier de ces pathologies ' N'ont-ils pas conscience du nombre d'avortements clandestins dans des conditions inhumaines '» lance Aït Zai. Pour elle, le code de la famille comporte encore des articles discriminatoires qui impactent sur la vie de la citoyenne. «Il est toujours utilisé comme enjeu politique, mais il n'y a malheureusement aucune volonté politique pour faire avancer les choses.»
L'ancienne ministre tunisienne de la Santé, la vice-présidente de Afek Tounes, Samira Merai Fria, a fait une rétrospective des événements dans son pays depuis l'instauration du statut personnel par le défunt président Bourguiba en 1956, qui consacre l'égalité, jusqu'aux années de la révolution des Jasmins, qui a permis une «révolution judiciaire grâce aux luttes citoyennes, compromises par la suite par la montée de l'intégrisme, du conservatisme et des comportements rétrogrades qui ont suscité un recul en matière de participation politique des femmes dans les cercles de décision (?).
Cela a poussé au renforcement des luttes contre la violence, la multiplication de campagnes contre ce fléau», a conclu la conférencière avant de céder sa place à deux intervenantes, la Mauritanienne le Dr Mona Siam, enseignante à l'université de Nouakchott, et la Marocaine le Dr Najia Tazrout, universitaire, militante des droits des femmes. Les deux ont parlé des lois et des réformes engagées dans leurs pays pour améliorer la situation des femmes, en insistant sur les luttes citoyennes à l'origine des changements.
Lors des débats qui ont ponctué les communications, de nombreuses questions ont été posées aux intervenantes. D'abord à la Tunisienne Samira Merai Fria, sur l'évolution de la situation dans son pays. «J'ai moi-même pris part à l'Assemblée constituante et je vous jure que je ne dormais pas la nuit de peur plus tard que mes enfants me reprochent le contenu de la Constituante. Nous l'avons fait, mais nous avons toujours des problèmes. La démocratie est très difficile à instaurer. Ce n'est pas aussi facile qu'on le croit. La Tunisie a ratifié la Cedaw en 1985, et ce n'est qu'en 2014 qu'elle a levé les réserves. Le combat continue», dit-elle. Nadia Aït Zai a tenté d'apporter des précisions : «Les réserves peuvent être levées parce que les solutions existent.
Pour peu qu'il y ait une volonté politique, tout peut changer. Nous l'avons vu avec le code de la nationalité et les articles du code de la famille relatifs à l'obéissance et le principe de chef de famille. La question des quotas ne doit pas être mal vue. Il faut juste se demander que font les partis pour permettre aux femmes d'accéder aux postes électifs et décisionnels. Beaucoup de choses ont été faites jusque-là, sauf qu'elles ne sont pas visibles et que la volonté politique ne s'affiche pas pour continuer. Il y a des résistances au sein de la société.
Nous l'avons vu avec la loi sur les violences à l'égard des femmes, sur le fond pour les femmes divorcées et aujourd'hui même certains parlent de l'éventualité de supprimer le khol'â, ce droit qu'a la femme de racheter sa liberté. Le combat doit continuer pour préserver les acquis et aller plus loin», explique la directrice du Ciddef.
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