Algérie

L'exception libyenne ?



La question du transfert du commandement des opérations militaires à l'Otan, ne changera en rien à l'atrocité de la guerre pour les civils. Elle est même sournoise, tant elle évacue la responsabilité du colonel Kadhafi dans le drame libyen.

En Tunisie, comme en Egypte, les forces armées n'ont pas tiré sur leurs peuples. Mieux, elles ont sympathisé et accompagné les révoltes populaires. Les président Ben Ali et Moubarak ont, face à l'intransigeance de la rue et la pression internationale, quitté le pouvoir. En Libye, dès les premières manifestations de rues, le colonel Kadhafi a envoyé les militaires sur la foule en colère. Au deuxième jour de la révolte il a ordonné son…bombardement. A ce jour, après des milliers de morts – dans les deux camps- il s'accroche au pouvoir et jure de «mettre à feu la Méditerranée».

 C'est cette violence inouïe utilisée par le régime de Kadhafi contre le peuple libyen et son refus d'arrêter les massacres, qui ont motivé la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'Onu qui autorise, aujourd'hui, les attaques des coalisés contre la Libye. Faut-il rappeler que ce sont des pays de la Ligue des Etats arabes qui ont appelé, pressé, en premier, le Conseil de sécurité à voter l'utilisation de la force contre les armées de Kadhafi ? De deux choses l'une ; ou les frères arabes croient naïvement que l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne s'effectue par le dialogue et la distribution de tracts par des avions de tourisme, ou bien pensent que le colonel Kadhafi est assez sensé pour comprendre la situation dans laquelle il se trouve et arrête de massacrer son pays et son peuple. Et tant que l'armée libyenne continuera de tirer, y compris à l'arme lourde (mortiers, chars et mitrailleuses) contre les insurgés, les coalisés n'arrêteront pas leurs attaques. C'est cela la triste réalité que vit la Libye.

 Constatant les atrocités de la guerre dont les victimes sont, d'abord des populations civiles, un débat partage la communauté internationale sur la légitimité de l'opération «Aube de l'Odyssée» ou du moins sur la façon dont elle est menée. Certains la qualifient de croisade contre un pays musulman, alors que des pays musulmans et arabes comme le Qatar en font partie. D'autres parlent de colonisation, de pétrole…Et jusqu'aux plus hauts dirigeants occidentaux qui se divisent sur les moyens et la stratégie utilisés contre l'armée libyenne avec, en sus, cette interrogation provocante : faut-il céder le commandement des opérations militaire à l'Otan ? Comme si les avions de combats F16, Rafales, Mirages et les missiles Tomawak tirés des bâtiments de la VIème flotte américaine appartenaient aux casques bleus de l'Onu. Comme si le Centre de commandement, en charge des opérations, de Ramstein et celui de la Coordination à Stuttgart, appartenaient à une ONG humanitaire ; comme si les bases du sud de l'Italie, de la Grèce et de la Corse abritent des avions de combat pour le plaisir des pilotes. Si les escadrilles utilisées actuellement ne font pas partie des armées de l'Otan, il faut nous dire alors où sont situés les avions et bâtiments de guerre de l'Otan ? C'est pourquoi évoquer le transfert du commandement des opérations contre la Libye à l'Otan est saugrenu, parce que ce sont des avions et des navires de guerre de l'Otan qui sont utilisés, depuis le samedi 19 mars, dans cette guerre. Et puis cela changera en quoi la réalité de la guerre contre l'armée de Kadhafi ? L'Otan a fait des milliers de victimes collatérales aussi bien en ex-Yougoslavie (pour défendre les Kosovars musulmans) qu'en Irak et encore aujourd'hui en Afghanistan. La guerre sera-t-elle moins meurtrière pour les Libyens si elle est menée par l'Otan ? Passer son temps à discuter sur qui va commander la guerre et avec quels moyens est une pure perte de temps, voire une diversion politique qui risque de transformer le colonel Kadhafi en victime et le peuple libyen révolté en coupable. Pourtant l'issue est claire : que Kadhafi ordonne à ses soldats de rejoindre leurs casernes et qu'il ouvre le dialogue avec l'opposition libyenne. Qu'il cesse de mettre son destin personnel et son avenir en balance avec celui de la Libye et de son peuple.

 Moins d'une semaine après le déclenchement des opérations militaires, le colonel Kadhafi, à l'abri, montre qu'il ira jusqu'au bout et qu'il ne comptera pas les morts et les destructions. Le plus terrible est que les coalisés, bientôt l'Otan, ne reculeront pas aussi. Du coup, le Tunisien Ben Ali et l'Egyptien Moubarak apparaissent comme des dictateurs touchés par la grâce, au soir de leur chute.




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