La nouvelle Tunisie qui a brillamment réussi l'épreuve de la refondation constitutionnelle et institutionnelle a codifié les valeurs fondamentales et nécessairement immunitaires du seul changement démocratique et pacifique de l'après-« printemps » arabe. Il s'agit d'une expérience rare en son genre qui a su transcender le mode transitoire de la coalition dépassée en dynamique par les exigences citoyennes et davantage compromise par la promiscuité avec le radicalisme du mouvement salafiste dramatiquement vécu en menace grandissante contre la stabilité et la sécurité nationale. Du mont Chaâmbi à l'assassinat des figures de proue de la gauche tunisienne, la troïka a longtemps souffert du laxisme attaché à ce qui constitue son âme, la formation hégémonique Ennahda en reflux tactique pour sauver l'islamisme dit modéré du naufrage historique valablement exprimé par la barbarie de Daech, de ses frères d'armes du Front Nosra, de ses coreligionnaires en Libye et, last but not least, la sortie de l'histoire par la voie démocratique des thuriféraires de Mohamed Morsi. Des assassinats revendiqués, mercredi, par le Daech tunisien qui s'est invité par la méthode violente qui est la sienne dans la présidentielle de toutes les attentes et qui a menacé de commettre de nouveaux actes de violence. « Oui, c'est nous qui avons assassiné Belaïd (Chokri) et Brahmi (Mohamed), déclare l'un des hommes alignés face à la caméra, un drapeau de l'Etat islamique autoproclamé flottant dans son dos. Et je jure que nous allons revenir pour assassiner beaucoup d'entre vous. Je jure également que vous n'allez plus vivre en paix tant que la Tunisie n'est pas régie par l'islam et gouvernée par la charia ». Face à la menace terroriste, le scrutin a tenu bon. Dans un climat de tensions politiques et des alertes épisodiques, touchant même à la sécurité du candidat Béji Caïd Essebsi (BCE), le déroulement de la campagne a nécessité un déploiement de plusieurs dizaines de milliers de policiers et de militaires, alors que la frontière avec la Libye voisine a été temporairement fermée. Le challenge est sauf. « Le bon déroulement de cette élection ne fera que rehausser le prestige de la Tunisie, l'unique pays du « printemps arabe » qui a pu et su se tirer d'affaire », renchérit Tunis Hebdo. De son côté, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, estime concluant « le rôle historique qui est le sien ». C'est en cela que, en faisant l'économie d'une dérive sanglante et/ou dictatoriale, la Tunisie a su éviter les graves périls des déchirements tragiques pour se frayer le chemin le plus sûr vers un avenir démocratique maîtrisé. « L'avenir proche et lointain nous oblige à travailler ensemble pour la Tunisie », a martelé Caïd Essebsi, avant même que l'issue du scrutin ne soit connue. Mais, il est tout à fait admis que « le vote de l'espoir » constitue un socle pour un partenariat tunisien gagnant-gagnant solidement ancré dans la prochaine composante gouvernementale, emmenée par le grand vainqueur des législatives, Nidaa Tounes (89 sièges). Si pour le Premier ministre en exercice, Mehdi Jomaâ, la prise de fonction est attendue en février, l'idée de compromis est avancée pour intégrer la seconde force politique (Ennahda 69) et des représentants de l'opposition présents en force dans le parlement néanmoins partagé entre alliés (Afek Tounes, 8 ) et contestataires (Front populaire, 15) de la famille démocratique. Le caractère hétéroclite du parlement, allié aux prérogatives renforcées accordées par la Constitution au chef de gouvernement par rapport au chef de l'Etat, conforte la nécessité d'une coalition stable et légitime de tous les acteurs politiques pour prononcer la fin de la transition tumultueuse dont le choix du président est l'ultime étape. De grands chantiers l'attendent : les promesses de vie meilleure inhibées par les « clignotants socio-économiques » au feu rouge (taux de chômage jugé alarmant, désinvestissement, faiblesse du pouvoir d'achat) et, surtout le défi sécuritaire imposé par les adeptes d'Ansar Al-Charia d'Abou Ayad, blacklisté en Tunisie, rejoignant la filière de Daech. Au sortir du dernier meeting du candidat Béji Caïd Essebsi, la veuve de Chokri Belaïd, Basma Khalfaoui, s'est dite « surprise » d'apprendre l'aveu de l'assassin de son mari. « Mais, après, la surprise s'est transformée en crainte, car c'est un appel clair contre la Tunisie, contre les Tunisiens, contre tous ceux qui sont contre eux ».
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Posté Le : 22/12/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Larbi Chaabouni
Source : www.horizons-dz.com