Algérie

L'Europe ou l'angoisse de la lèpre



L'affaire a été fabriquée de toutes pièces par les nouveaux dirigeants italiens, fraîchement élus dans le cadre d'une alliance lourde de gageures entre le Mouvement 5 étoiles et l'extrême droite dont le chef de file, Matteo Salvini, a hérité du ministère italien de l'Intérieur. A partir du refoulement du navire de l'ONG marseillaise acheminant près de 700 migrants, M. Salvini a réussi le tour de force de contraindre l'Union européenne à un examen de conscience sur la question, arguant que son pays a supporté seul le fardeau pendant des années et que, désormais, Bruxelles doit répartir équitablement les nouveaux arrivants. Or, le conclave organisé par la Commission européenne n'a abouti à aucune décision concrète, tant les positions sont opposées ou, pour le moins, distantes. Les anciens «pays de l'Est» maintiennent un refus catégorique de recevoir le moindre quota: c'est le cas de la Hongrie, de la Pologne et de quelques autres. Réponse du berger aux bergères, ce sont ces pays récalcitrants qui tirent le plus grand profit des subventions allouées par Bruxelles et leur comportement qui consiste à prendre les avantages tout en rejetant les fardeaux devient inacceptable pour les «locomotives» de l'Union que sont l'Allemagne et la France. Le président français Emmanuel Macron s'est félicité d'«avoir évité le pire» lors de cette réunion au sommet, mais il a cependant averti que «la lèpre monte de plus en plus en Europe», une allusion explicite à «la Peste» décrite par Albert Camus. Pour ceux qui ne l'auraient pas compris, il s'agit du formidable progrès, excusez la formulation cynique, des idées racistes et xénophobes véhiculées par des partis qui, bon gré mal gré, ont le vent en poupe et s'installent peu à peu dans les arcanes du pouvoir, un peu partout en Europe. Matteo Salvini en est l'exemple le plus récent, lui qui annonce son intention de «recenser tous les Roms présents en Italie en vue de leur expulsion», avant d'ajouter que «malheureusement, il y a des Roms italiens et ceux-là, nous ne pouvons pas les expulser». Or, la lèpre progresse aussi en France, de sorte que Mme Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national, nouvelle appellation homologuée du Front national, est revenue, une fois de plus, sur l'affaire de L'Aquarius pour apporter son soutien enthousiaste à M. Salvini et déplorer le fait que le navire n'ait pas été forcé de se rendre «en Algérie» plutôt qu'en Italie ou en Espagne. «Nous sommes de plus en plus nombreux à être des lépreux en Europe», constate-t-elle avant de contester le terme d'ultra-droite attribué au groupe démantelé de 10 militants, dirigés par un policier à la retraite, dont le programme visait à attaquer des membres de la communauté musulmane et des lieux de culte. A son sens, il n'existe pas plus de militants de l'ultra que de l'extrême droite, et elle trouve des raisons valables aux agissements de ce qu'elle appelle des «patriotes». En somme, la lèpre française n'a rien à envier à la lèpre italienne, loin s'en faut.


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