Algérie

L'Europe joue le Maghreb contre Moscou



La Russie vient de marquer un point contre l'Europe. Elle a conclu, jeudi dernier, avec le Kazakhstan et le Turkménistan un accord pour la construction, avant 2010, d'un gazoduc allant de la mer Caspienne à la Russie. Elle ruine ainsi les efforts de l'Europe qui voulait amener le Turkménistan à construire un gazoduc sous la mer pour contourner la Russie et accéder directement aux réserves gazières de ce pays. Avec une capacité de 20 milliards de mètres cubes/an, la Russie se donne le moyen de renforcer sa position, déjà dominante, sur le marché européen. Une perspective déplaisante pour l'Europe qui cherche la réponse au Sud. A la veille de l'annonce de l'accord du gazoduc sur la mer Caspienne, de Chypre où il participait à une conférence de l'Euromed sur l'énergie, le Commissaire européen à l'énergie, Andris Piebalgs, a mis en avant le potentiel existant sur la rive sud de la Méditerranée pour contrebalancer le poids de la Russie. «Si nous combinons le potentiel de la production de gaz de l'Algérie, de la Libye et de l'Egypte, en 2020, les exportations de gaz du Maghreb vers l'Europe pourraient atteindre le niveau des exportations russes». L'Europe joue donc le Maghreb contre la Russie dans une stratégie destinée à réduire la part de la Russie dans ses approvisionnements de gaz. L'échec étant désormais consommé avec le Turkménistan qui a préféré son alliance avec Moscou, cela ne donne que plus de poids à l'alternative maghrébine. L'Europe construit, sans s'en cacher d'ailleurs, sa stratégie énergétique dans une logique de défiance à l'égard de la Russie. Si la démarche européenne est aussi « lisible » que celle de la Russie qui mène une diplomatie gazière centrasiatique très active, cela n'est pas le cas des producteurs maghrébins, effectifs ou potentiels. On a de la difficulté à lire leur stratégie dans le grand jeu qui se déroule actuellement. Quid par exemple de l'Algérie ? Après avoir donné l'impression qu'elle flirtait avec l'idée d'une «Opep du gaz», elle semble avoir choisi d'envoyer des signaux forts en direction de l'Europe en révélant que le mémorandum d'entente entre Sonatrach et Gazprom était caduc. Elle donne des gages qu'elle est dans un esprit de concurrence entre les fournisseurs et cela est conforme à son objectif d'accroître sa part de marché en Europe. Elle satisfait l'Europe qui veut contrôler ses approvisionnements et imposer une logique où le marché est conduit par les consommateurs. Il ne manque pas de raisons «objectives» pour que l'Algérie accepte de jouer un marché européen où elle est déjà très présente, plutôt qu'une alliance aux résultats hypothétiques avec la Russie. L'Europe cherche un «partenariat stratégique» dans le domaine de l'énergie et on peut le comprendre aisément. L'Algérie dispose peut-être d'une opportunité pour éviter que ce partenariat reste limité au secteur de l'énergie: c'est là le grand enjeu pour l'économie du pays. Si on ne fait plus de chemin avec «l'ours russe», autant que la crainte que celui-ci inspire à l'Europe nous serve à bien négocier ce partenariat.


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