Algérie

L'Europe et ses démons



L'Europe et ses démons
Après quelques années peu radieuses sous les Fourches caudines de l'ajustement imposé par l'Union européenne, la Grèce s'est réveillée hier sous un jour nouveau. Et quelle nouveauté ! Après l'austérité appauvrissante de l'Union, la voilà qui accueille son «Aube dorée». Berceau de la civilisation et de la démocratie depuis Athènes, le pays est traversé par d'importantes lignes de fracture sismiques, mais de là à vivre un séisme d'une telle intensité... C'est pourtant ce qu'il vient de s'y produire. D'extraction carrément nazie, assumant ouvertement un racisme doctrinal, le parti Aube dorée figure parmi les trois premiers partis politiques grecs, avec 10% de suffrages récoltés, dimanche, aux élections pour le Parlement européen.Ce n'était pas la seule surprise du scrutin. Le séisme est européen, mais il n'a pas frappé avec la même intensité partout. La France est le pays le plus violement secoué avec l'émergence, comme première force politique, du Front national qui a attiré les suffrages d'un électeur français sur quatre. Le parti fondé par Jean-Marie Le Pen, sur une idée de revanche à prendre sur l'indépendance de l'Algérie, est intronisé premier parti de l'Hexagone. Marine Le Pen, fille biologique et idéologique de son père derrière un masque d'assagissement et de rupture avec les idées extrêmes, renouvelle derechef sa demande d'élections législatives anticipées. Pour donner le coup de grâce à un parti socialiste ridiculisé par une troisième place arrachée avec moins de 14% des voix, pour donner un prolongement institutionnel à un ancrage populaire confirmé. Au pays de la Révolution de 1789 et de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, tout est désormais possible.En Grèce comme en France, nombre d'analystes conviennent d'une triste réalité, née de la plus grave crise économique jamais connue par l'Europe depuis la grande dépression de 1929 : dans l'un et l'autre cas, on a affaire à un vote d'adhésion, bien différent du vote protestataire qui peut être confondu avec la versatilité de l'humeur. En Angleterre aussi, mais avec un score moindre autour de 10%, le parti anti-européen s'impose dans le paysage politique. Dans d'autres pays de l'Union, à l'exception notable de l'Allemagne qui déguste seule sa prospérité économique dans un continent sans vraie croissance, la poussée europhobe-xénophobe pousse à l'interrogation et à l'inquiétude. L'étranger bouc-émissaire, la préférence nationale, le nationalisme chauvin contre l'européanisme...rien n'interdit d'exclure une résurgence du fascisme des années 30, dans une prochaine étape. Si la crise économique n'était pas traitée comme il se doit en urgence.On peut laisser l'Europe et les Européens à leurs propres problèmes. Cela pourrait tenir lieu de position aux voisins de l'Est comme du Sud. Mais la position est difficilement tenable, et pour cause. Les conséquences de leurs problèmes sont les nôtres aussi, en premier dans le voisinage méridional du Vieux continent. Si les immigrés clandestins alimentent le racisme et le repli nationaliste, la déstabilisation des faux printemps arabes et les fragilités sécuritaires dans le Sahel sont, quant à elles, un résultat direct de la part prise par les capitales occidentales, France en tête, dans le chaos libyen et la tragédie syrienne. Sur un sujet aussi crucial, en dehors de récurrents verbiages, il n'y a pas de position commune et forte européenne. De là à s'attendre à une action militaire commune de leur part, c'est une idée impossible à envisager en l'état actuel de l'Union.Que l'Europe ne veuille plus d'immigrés clandestins sur son sol, c'est son droit le plus absolu. Mais qu'elle ne compte pas sur les seuls pays de la «ligne de front», au Sud, pour tarir le flux remontant des populations fuyant le terrorisme et la misère. Berlusconi, qui n'est pas qu'un rigolo, avait accepté de payer la Libye de Kadhafi pour ses efforts de sécurisation de sa façade maritime. Aujourd'hui, l'Europe compte sur la seule France pour réduire le terrorisme islamiste dans le Sahel, avec des hélicoptères vieux de quarante ans et des effectifs qu'elle a du mal à entretenir financièrement. Tout le monde semble oublier que le terrorisme n'a pas de frontières et qu'il peut frapper n'importe où.A. S.




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