Algérie

L'euro pour tous les pays de l'UE : C'est comme une "lettre adressée au Père Noël"



L'euro pour tous les pays de l'UE : C'est comme une
Intervenant au Parlement européen, Jean-Claude Juncker a proposé d'adopter l'euro comme monnaie unique pour tous les Etats membres. Les experts interrogés par Sputnik qualifient cette idée d'irréaliste en raison des inégalités économiques des pays européens.Adopter l'euro comme monnaie unique de l'UE comme le propose Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, serait "totalement fou", cela ressemble plutôt à une lettre adressée au Père Noël, ont déclaré jeudi à Sputnik Stefan Brocza, expert de la politique européenne et des relations internationales, et Rudolf Hickel, économiste.
"J'ai été surpris par de tels projets. On peut dire qu'il s'agit d'une grande vision de l'avenir. Mais si on la compare aux problèmes de l'Union européenne, l'idée que l'euro peut être introduit dans tous les pays de l'UE est tout à fait irréaliste", a indiqué M. Hickel. L'économiste a rappelé que la Pologne s'opposait déjà à certaines décisions européennes de principe, notamment l'accueil des réfugiés. Si l'UE adopte la monnaie unique, tous les pays européens devront mener une politique monétaire unique, mais c'est quasiment impossible, d'après M. Hickel.
"Si on adopte la monnaie unique dans les pays aux conditions économiques et sociales différentes et qui se trouvent à des niveaux de développement différents, on ne pourra pas mener une politique monétaire commune ou bien on devra verser des subventions énormes pour renforcer les pays plus faibles", a-t-il estimé. En 30 ans, l'UE n'a pas réussi à trouver des normes permettant de réduire ces inégalités. "À présent, il serait totalement fou d'introduire l'euro dans des pays comme la Roumanie ou la Bulgarie. Les indices économiques clés ne permettent pas de le faire. Sinon nous risquons d'avoir des problèmes plus graves que ceux rencontrés par la Grèce ces dernières années", a-t-il affirmé.
Pour Stefan Brocza, expert de la politique européenne et des relations internationales, l'appel de M. Juncker ressemble à "une lettre adressée à l'enfant Jésus [en Autriche et dans le sud et l'ouest de l'Allemagne, les enfants reçoivent leurs cadeaux de Noël de l'enfant Jésus, alors que les enfants de l'est et du nord du pays adressent leurs lettres au Père Noël, ndlr]". "L'Union européenne aimerait sans doute présenter une vision positive de l'avenir compte tenu des négociations actuelle sur le Brexit. Il y a beaucoup de raisons politiques derrière cette proposition. D'ailleurs, on peut aussi le considérer comme un moyen de se remonter le moral", a noté M. Brocza. En fait, M. Juncker ne propose rien de nouveau, il ne fait que reprendre les idées des traités européens adoptés pendant les années 1990, rappelle l'expert. Ces traités disposent que chaque membre de l'UE doit tôt ou tard adopter l'euro et l'exception a été faite seulement pour le Royaume-Uni, le Danemark et la Suède. "Si l'euro doit devenir la monnaie unique dans tous les pays de l'UE, il faut étudier l'attitude des Danois à l'égard de cette idée, puisqu'ils ont rejeté l'euro" lors de deux référendums, a indiqué Rudolf Hickel. "Comme la position de la Suède est la même, on peut dire que M. Juncker exagère", a conclu M. Hickel.

Une idée "complètement déconnectée des réalités"
Deux experts français interrogés par Sputnik se montrent dubitatifs quant à la récente initiative de Jean-Claude Juncker visant à introduire la monnaie unique dans tous les pays membres de l'UE. Pour le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, sur les neuf pays de l'UE qui ne font pas encore partie de la zone euro, six devront adopter la monnaie unique dès qu'ils auront rempli les critères de convergence nécessaires. Selon Jean-Michel Naulot, ex-banquier et ancien régulateur à l'Autorité des marchés financiers, il s'agit plutôt d'une "vraie provocation" qui est "complètement déconnectée des réalités politiques et économiques". "Sur le plan politique, trois citoyens sur quatre disent actuellement qu'ils veulent moins d'intégration et non pas plus d'intégration. Donc, ça va complètement à contre-courant de ce que souhaitent nos citoyens. Et ça explique en partie cette crise que traverse la zone euro et l'Union européenne depuis une dizaine d'années", a déclaré M. Naulot dans un entretien accordé à Sputnik.
L'analyste rappelle que la zone euro comprend 19 pays et l'Union européenne, 27, si l'on considère la sortie du Royaume-Uni. "On voit bien déjà que le fonctionnement de la zone euro à 19 est absolument destructeur. Parce que tous les pays de la périphérie de la zone souffrent", indique-t-il. L'ex-banquier souligne également que depuis la création de la zone euro, la production industrielle en Allemagne a progressé de 29%, alors qu'en France, elle a régressé de 14%. "Alors dire qu'on va intégrer des pays comme la Bulgarie, la Croatie, la Slovaquie, la Pologne, la Roumanie, qui ont des niveaux de salaire sans commune mesure avec ceux de l'Allemagne et de la France, c'est tout simplement explosif pour l'avenir de la zone euro. Cela ne fera qu'accroître les problèmes", indique M. Naulot. Pour sa part, Vincent Brousseau, ancien économiste à la Banque Centrale européenne et actuel responsable national de l'UPR en charge des questions monétaires et du retour au franc, est persuadé que vouloir élargir la zone euro est plutôt "du wishful thinking". "On voit bien que ce n'est pas possible de contraindre un pays à rentrer dans l'euro, étant donné qu'il y a des exemples de gens qui résistent depuis longtemps", prétend M. Brousseau.
"Un pays qui ne veut pas rentrer dans l'euro n'y rentre pas à mon sens et je ne vois pas très bien comment on pourrait contourner ça. Donc je crois qu'il ne faut pas tenir compte de ce qu'on entend de Juncker. En particulier si on pense à la Tchéquie, le parti qui risque de gagner les prochaines élections a dit qu'il prolongerait le statut quo, il ne voulait pas de l'euro tout de suite", rappelle le responsable de l'UPR.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)