Le chemin du
paradis est trop dur, plein d'interdits. Le chemin de la science est trop
complexe et long. Pour un jeune, c'est trop de sacrifices. Souvent, beaucoup de
misère. Avec des nuits blanches et des repas de sous alimentés, où trouver
l'énergie pour retenir les principes théoriques, les méthodes d'analyse, la
continuité et les bons résultats ?
Parcequ'il sait
que je transmettrai son message intégralement, un voisin est venu me raconter
une scène vécue par son fils universitaire. Un matin l'étudiant arrive quelques
minutes en retard, et il n'est pas autorisé à l'amphi. C'était dans la faculté
des sciences sociales et le sujet du jour était intitulé : «L'importance
accordée par l'état à la formation et à la recherche scientifique ».
-Mais, Monsieur,
c'est le problème de transport et vous-même vous l'avez vécu avant l'arrivée
des concessionnaires. Notre bus universitaire est souvent en panne et le
transport public vous le connaissez. Le matin, les transporteurs travaillent
souvent avec des entreprises, et ce n'est qu'après avoir déposé les
travailleurs qu'ils reviennent pour les voyageurs.
Pour se
justifier, l'étudiant s'est mis à expliquer comment l'année dernière, dans ce
genre de situations, il se débrouillait avec son argent de poche. Cette année,
il doit partager ses finances avec un autre frère admis à l'université. Le
dossier de bourse ne prend en considération que le salaire des parents,
négligeant la fiche familiale. Plus d'un enfant à l'université, et tous les
calculs et prévisions sont à revoir. Les chinois n'ont pas ce problème et si
nous croyons être assez nombreux, peut être alors pouvons nous résoudre ce
problème à la naissance. Pourtant, tout le monde sait qu'une société ne peut
avancer que grâce à la formation de ses citoyens.
Ceux qui ont
choisi d'aller vers la science, malgré toutes les contraintes, méritent une
considération particulière de la société. C'est bien ça qui fait toute la
différence entre les peuples. Si on admet que seule la connaissance pourra nous
faire sortir de notre sous développement, alors mettons le paquet et
travaillons le long terme. Les jolis discours se jugent sur le terrain. Notre
mauvaise gestion est devenue un frein très évident à notre progrès. Faire tout
un projet et préparer tout un plan d'action pour obtenir un extrait de
naissance, pour encaisser son salaire à la poste, pour faire sortir un malade
mourant d'un grand hôpital régional, pour des analyses dans un petit
laboratoire privé et le faire revenir au bloc hospitalier, pour éviter l'embouteillage
et joindre son lieu de travail à quelques kilomètres de la ville en
véhicule…etc., sont des signes de grande perturbation de notre société. Des
problèmes qui n'ont que trop duré et qui montrent qu'on ne s'occupe que très
peu de leur solution. A voir toutes ces défaillances, dont l'authenticité est
facilement vérifiable, dont l'ampleur ne cesse de s'intensifier et les effets
négatifs quotidiennement sentis par le citoyen, on se demande parfois comment
peut-il être imaginable qu'on peut avoir la conscience tranquille et dormir en
paix, à l'APN et autres administrations subordonnées. La preuve, on s'accroche
aux postes à tout prix, jusqu'aux conflits internes entre membres d'un même
groupe.
Peut-on changer
un jour et sortir de notre médiocrité ? Si on le veut réellement, oui. Il faut
tout d'abord admettre que notre bilan global n'est pas en bonne santé, et que
nous vivons des absurdités qui n'existent nulle part ailleurs.
Pour une transition sans à-coups d'un régime
perdant «berger et troupeau» à un autre plus performant «travail d'équipe», les
choses doivent évoluer en petites étapes bien étudiées. Commençons par réduire
un peu l'impunité des décideurs locaux qui, promesse après promesse non tenues,
ont perdu toute confiance. Ce qui rend malade dans tout ça, c'est que l'état
dépense réellement énormément d'argent, peut être pas assez, pour améliorer les
choses. Malheureusement, ce sont souvent des dépenses jetées par la fenêtre. Ce
dont a besoin le citoyen et qui est nécessaire, est tout simplement ignoré et
remplacé par autre chose de moindre importance. Aucun sens des priorités.
Pourtant, ce sont toujours des dépenses publiques. Les preuves sont multiples.
Il est courant par exemple, de voir, d'un coté des ruelles qui attendent le
goudron depuis plus de dix ans, qui ressemblent à de véritables terrains
impraticables, souvent dangereux et malpropres pour les enfants, les malades et
les vieux, surtout en hiver, et juste à quelques mètres, des trottoirs assez
propres refaits plusieurs fois à la moindre occasion.
Un simple petit
maçon s'est demandé une fois : «Peut-on concevoir déposer la dalle de sol avant
la dalle ?».
Sans trop
s'éloigner des normes universelles qui peuvent elles mêmes bien varier d'une
société à une autre, et donc résulter en un ensemble de normes assez
différentes l'une de l'autre, nous pouvons toujours essayer de nous référer au
bon sens et à nos réalités. Bien que les temps ont beaucoup changé et l'ordre
mondial a ses exigences à l'intérieur même des pays libres, des secteurs stratégiques
comme l'éducation et la santé doivent toujours faire partie des premières
priorités. Nous devons pour cela poser certaines questions. Nos centres de
formation et nos universités, ont-ils la priorité qui leur convient ? Nos
étudiants sont-ils pris en charge comme il se doit ? Ont-ils, par exemple, des
repas universitaires de qualité nettement supérieure à ceux des prisonniers ?
Et nos professeurs, piliers de nos facultés, sont-ils assez motivés ? Ce sujet
est-il assez débattu ?
Un nouveau
enseignant affecté au sud m'a raconté comment il devait attendre des mois avant
de recevoir son premier salaire. Il devait s'endetter jusqu'à perdre espoir et
a failli tout abandonner. Pourtant, notre religion qui est allée jusqu'à nous
enseigner les principes fondamentaux de la bonne gouvernance, de justice et de
gestion, nous exige de payer le travailleur avant que sèche sa sueur.
Evidemment, là c'est bien autre chose. C'est tout un processus administratif
hiérarchique, avec des documents et des contrats à contrôler, faire signer,
transférer jusqu'au centre d'intelligence et archiver. Seulement, il reste
toujours exagéré de faire attendre un travailleur, père de famille, pendant des
mois sans le moindre sou.
Pour revenir à
notre étudiant retardataire, avant de terminer tout son étalage argumentaire
pour justifier son cas, le professeur regarde sa montre, jette tristement un
coup d'Å“il au plafond noirci par l'humidité de la dernière pluie, aux carreaux
brisés, au visage pale de froid du jeune, puis au titre de la leçon, écrit en
lettres capitales et bien souligné. Il se demande au fond de lui-même si ces
jeunes croient réellement ce qu'il leur enseigne: «De toute façon, cette séance
tire à sa fin et elle a été bien illustrée. Fais un effort la prochaine fois
pour arriver à temps. Tu auras affaire à un autre enseignant».
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Posté Le : 04/11/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ghris Djillali
Source : www.lequotidien-oran.com